Ghada Chbeir :de l’improvisation avant tout.
Une vraie surprise à l’attente des mélomanes et des amoureux de la musique arabe. La chanteuse libanaise Ghada Chbeir se produira, dans les jours qui viennent, à la Bibliothèque d’Alexandrie. Une première. « Quelques mois auparavant, à Mascate, je jouais le rôle de Malak Al-Arabi dans l’opérette Ibn Battouta, signée par le compositeur et maestro Hicham Gabr. Etant également directeur des centres artistiques de la Bibliothèque et organisateur de son festival d’été, ce dernier m’a demandé d’animer sa soirée de clôture », raconte Ghada Chbeir, chanteuse, compositrice et professeur de chant. « Je respecte toujours ce qui est écrit, mais en chantant, je me permets quand même quelques improvisations », souligne-t-elle, comme pour expliquer comment s’est déroulée leur collaboration dans Ibn Battouta, l’opérette créée en 2013 et coproduite par Bahreïn, l’Egypte et le Sultanat d’Oman. « J’ai été choisie pour Ibn Battouta par la ministre bahreïnie de la Culture, May Al-Khalifa. A Bahreïn, j’ai déjà participé à plusieurs conférences et concerts pour élaborer le concept de l’improvisation dans le chant arabe. En fait, je suis soucieuse de faire revivre l’art de l’improvisation, qui constitue la particularité de la musique et du chant arabes ». Ses concerts en témoignent. Il suffit de l’écouter chanter un mouachah (forme de chant andalou) pour mieux saisir l’intérêt qu’elle porte à cette tradition. « Je suis toujours fidèle à la mélodie essentielle. Je chante en respectant les modes et les notes. Interprète, musicologue et compositrice, je sais comment mener le jeu de l’improvisation ».
Chbeir, laquelle a bien étudié le patrimoine musical de la région du Moyen-Orient, pousse son analyse un peu plus loin : « Si l’on observe les chansons d’Oum Kalsoum ou de Abdel-Wahab, on peut comprendre la valeur de l’improvisation dans leur travail. D’habitude, les paroles sont mises en musique pendant dix minutes environ, puis c’est à l’interprète de faire le reste en brodant tout autour. Oum Kalsoum avait une formation musicale très solide, ses variations à partir d’un thème principal faisaient durer la chanson pendant plus de deux heures ».
Un saut dans le temps
La chanteuse libanaise cherche alors à sa manière à donner un souffle nouveau au patrimoine, un air plus contemporain aux oeuvres du passé. Chbeir creuse profondément, nous fait redécouvrir des morceaux et des chansons tombés depuis fort longtemps dans les oubliettes. Elle enregistre et produit ses nouvelles expériences musicales. « Je chante non pas pour devenir la star ou pour faire fortune. Je veux faire de l’art, et mes CD visent à préserver le patrimoine », souligne-t-elle. Accompagnée d’instruments musicaux ou en a cappella, sa voix nous fait revenir des années en arrière. On se soustrait au présent pour revivre avec un air du passé et écouter non sans nostalgie les chants arabes, mais aussi les chants syriaques d’autrefois.
Al-Mouachahat, Qawaleb, Al-Qassida et Andalussia sont les titres de ses précédents albums, lesquels racontent en quelque sorte son parcours artistique. Le premier a remporté en 2007 le prix de la BBC World Music Awards. C’était une compilation des mouachahat anonymes. Dans Qawaleb (modes), Chbeir a repris plusieurs chansons de Sayed Darwich. « Darwich est un maître incontesté de la musique arabe. J’étudie ses compositions dans le cadre de ma thèse de doctorat. Ses mélodies témoignent d’une grande richesse. Malgré sa mort en 1932, sa musique est considérée toujours comme une oeuvre exceptionnelle ».
Al-Qassida (le poème) a introduit Ghada Chbeir en tant que compositrice. Elle a mis en musique, en collaboration avec d'autres compositeurs, quelques poèmes de Abdel-Aziz Al-Saoud Al-Babtain. Et Andalussia a constitué un voyage dans la musique arabo-andalouse qu’elle compte poursuivre différemment dans ses prochains albums, à paraître vers la fin de cette année-ci : Al-Qassida 2 et Al-Mouachahat 2.
Pour son concert alexandrin, Chbeir propose une sélection de ses chansons, à même de faire découvrir sa carrière. Elle chantera accompagnée de musiciens égyptiens, interprétant quelques chansons a cappella. « J’ai prévu un voyage très diversifié. Mais je ne suis pas sûre d’interpréter des chants syriaques. En fait, cela dépend de la nature du public. Peut-être je chanterai un petit morceau de deux ou trois minutes », conclut Ghada Chbeir, qui cherche avant tout à emmener son public loin de la terre et de ses conflits .
Le 4 septembre, à 20h à la Bibliothèque d’Alexandrie, Chatbi.
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