Si le cinéma français grouille de films sur les émigrés qui viennent de tous bords, très peu soulèvent le rôle positif des Arabes, musulmans, en France. Dans son dernier long métrage, présenté à la Quinzaine des Réalisateurs au Festival de Cannes, le réalisateur franco-marocain, Philippe Faucon, a choisi de respecter les croyances et identités musulmanes tout en révérant les lois de la République.
Ayant passé son enfance en Algérie et au Maroc, Philippe Faucon pose cette fois-ci la question de l’intégration et de l’accueil faits aux émigrés en France. Un sujet toujours frais au cinéma européen, puisque Fatima traite de l’accès à l’éducation de façon égalitaire, à travers le portrait de trois femmes, pas comme toutes les autres.
Tout au long de ses 75 minutes de durée, le film nous présente la facette cachée et les méandres du ressenti d’une famille d’origine maghrébine, notamment à travers la mère, Fatima. Cette dernière, interprétée impeccablement par Soria Zeroual, est une femme de ménage divorcée, qui vit seule en France avec ses deux filles : Souad, adolescente indocile de 15 ans, et Nesrine, son aînée sérieuse, âgée de 18 ans, faisant des études en médecine.
Inspiré par les deux livres autobiographiques Prière à la Lune et Enfin, je peux marcher seule ! de l’écrivaine marocaine Fatima Elayoubi, le réalisateur retranscrit à travers ce film une description de la situation des familles musulmanes de cette catégorie, loin de toute caricature ou tous stéréotypes.
Basé sur une écriture cinématographique extrêmement fine, le cinéaste va tout droit à l’essentiel : il n’y a pas de gras. D’une intelligence et d'une sobriété assez rares, ce beau film a bien réussi à réaliser son but ultime : explorer la condition de cette femme isolée par son ignorance du français, par son foulard qui la rend tout droit catégorisée, par un travail qui l’oblige à vivre sur un autre niveau horaire, celui des gens de l’ombre qui partent travailler dans la froidure de la nuit.
Dans Fatima, le côté humain parvient toujours et avant tout à faire surface, peignant un beau portrait de mère tout avec un beau portrait de famille, comme on ne croit pas en avoir déjà vu filmée de la sorte au cinéma français. L’histoire, retracée avec émotion, ne laisse pas les spectateurs de marbre. Ceux-ci sont bercés tout au long du film par le mixage entre l’accent arabo-maghrébin, le français dominant le dialogue et un tout petit peu de présence d’une musique bien simple mais expressive.
On témoigne ici d’un jeu d’acteurs assez profond, tout à fait naturel et très bien travaillé, ce qui accentue la véracité et la sincérité du film. Faucon se présente ici comme le porte-parole des femmes vivant dans l’ombre, à l’écart. Il veut exposer au public, comme à la société française, voire européenne, parfois abjecte, ce que vivent ces personnes au quotidien, malgré leur intégration incomplète, ce qu’elles ressentent, leurs émotions, leur point de vue, afin de faire prendre conscience du malheur et de l’endurance de ces personnes.
Style intelligent et trop humain
Philippe Faucon est connu par le fait de filmer ses personnages avec amour. Il s’attarde à filmer les visages, dévoilant ainsi toutes leurs émotions, leurs craintes, leurs incompréhensions, tous leurs espoirs, et bien sûr leur amour familial. Exceptionnellement touchant, le dernier plan du film montre la mère, Fatima, qui va sereinement voir, ou plutôt revoir, les résultats de sa fille aînée et ses bonnes notes, comme si elle allait voir le résultat du test de sa vie.
A travers des procédés artistiques et dramatiques profonds et naturels, Faucon parvient à offrir à son oeuvre un ton juste pour éviter le simple téléfilm à thèse. Par contre, il nous présente un cinéma et des personnages ardents, vivants et qui ont quelque chose à dire. La comédienne principale, Soria Zeroual, est plus que naturelle, sincère et parfaite dans ce rôle de femme arabe rongée par la peur de l’échec de sa fille et accablée de maintes contraintes quotidiennes, mais qui réussit à réaliser presque tous ses rêves tant simples que mérités.
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