Le fantasme d’une ville devenue étrangère au réalisateur.
Enfin un prix cannois pour le cinéma arabe ! La Palme d’or des courts métrages du Festival de Cannes a été attribuée il y a quelques jours à Waves’98, du metteur en scène libanais Ely Dagher. Le film a été choisi par Abderrahmane Sissako et son jury parmi les 9 films sélectionnés, dont 7 fictions et 2 animations, sur les 4 550 courts métrages soumis cette année au festival.
Depuis le décernement du prix du jury pour Hors la vie en 1991 au Libanais Maroun Baghdadi, et la projection du film Et maintenant on va où ?! de Nadine Labaki en 2011 dans la section Un Certain Regard, c’est la première fois qu’un Libanais concoure en sélection officielle dans la catégorie courts métrages.
Inspiré d’une histoire personnelle, le film dégage une atmosphère discrète, entrelaçant diverses techniques d’animation dans un ornement assez réaliste de la capitale libanaise. Le tout dans un style qui mène à explorer la relation du cinéaste avec sa patrie, à travers le regard désappointé d’un adolescent vivant dans une banlieue de Beyrouth.
La poétique du refus
Dans Waves’98, on suit les déplacements d’un homme dans la ville de Beyrouth qui se transforme étonnamment, accompagnant le spectateur vers un monde ahurissant et presque surréaliste.
Sept ans après son court métrage d’animation de 5 minutes, intitulé Beirut et réalisé en 2007, Ely Dagher livre une nouvelle fois sa vision souvent rêvassée de Beyrouth. Il raconte cette fois-ci une histoire surprenante au goût de poésie de la ville où il a vécu, cette ville qui s’avère dans le film remarquablement animée, à travers une approche principale ajustant dessins animés, peintures et prises de vue réelles mais retravaillées. Une technique bien recherchée offrant une atmosphère spéciale au court métrage et donnant un véritable sceau à un scénario qui pourrait être plus insipide avec un style moins puissant.
A la fraîcheur d’une aventure tantôt réelle, tantôt féerique, le thème de plus en plus fréquent et profond du désenchantement et des déboires des jeunes Libanais polit l’oeuvre avec une carnation plus sombre et assez Ad’animation hors des sentiers battus. Un voyage curieux donc dans la réalité de Beyrouth et dans le fantasme d’une ville devenue étrangère au réalisateur.
Le personnage principal, Omar, dont la voix est signée Elie Bassila, invite le spectateur à le suivre dans Beyrouth, ville qui peut être considérée en elle-même comme l’autre personnage principal de l’histoire. C’est là que le scénario forme son élan et trouve sa spécificité, une ville suffoquant de contradictions, souffrant des déchirures et trouvant son futur dans la nostalgie et à l’amour et à ses citoyens, à qui elle doit la souffrance, mais aussi toute espérance.
Côté forme, l’animation s’avère assez remarquable et bien exécutée, agençant différents types de l’art d’animation. Oscillant entre scènes mi-dessin mi-film, le film prend une allure plus ou moins allégorique, mixte mais singulière. A part quelques transitions qui manquent d’extensibilité entre les scènes, ainsi que quelques actes de longueur qui rendent excessif le plongeon dans le noir symbolique et recherché par le réalisateur, le film garde pourtant son goût personnel et rebelle.
Quant à la bande sonore et l’environnement acoustique de l’oeuvre, la musique avec les effets sonores — tous naturels — servent à augmenter l’implication du spectateur dans l’atmosphère générale du film, avec toutes les mésaventures extravagantes du héros. Un admirable milieu sonore qui dure les 15 minutes du film. Une aventure libanaise à découvrir absolument .
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