
La tentation, un duo en bronze. (Photo : Bassam Al-Zoghby)
Elles ont l’air sereines sur des socles blancs, à la galerie Karim Francis. C’est comme si elles essayaient d’attirer votre attention, en vous chuchotant quelque chose à l’oreille ... Et lorsqu’on s’approche d’elles, on finit par céder à la tentation. On tente de déchiffrer leur histoire, leur passé et les détails de leurs traits. Les sculptures de Mohamed Radwan s’intitulent « Le Monde ». Et c’est bien un monde imaginaire qu’elles exposent, bien qu’assez palpable. Car l’on peut certainement toucher ces portraits de femmes de rêves.
« J’ai voulu présenter à travers cette exposition toute mon expérience. Mais faute de temps, je n’ai montré que certaines phases de mon travail, celles que j’ai jugées les plus importantes », souligne Mohamed Radwan.
Ce dernier est réputé pour ses sculptures longitudinales, assez fines. Ses visages sont souvent sarcastiques, rudes, en relief, notamment depuis sa participation à la Biennale du Caire, en 2009. Parfois, il s’agit de pièces en bronze où le visage porte une grimace repoussante. D’autres sculptures en marbre ou en granit noir offrent un plus de détails. Ceux-ci remontent surtout à l’année 2012 et contrastent avec les sculptures plus denses de 2013, lesquelles affichent une mine caricaturale. Et ces deux dernières années, son « Monde » regorge plutôt de visages ronds et voluptueux, marquant un changement de style.
L’artiste mise désormais sur l’abstraction. Il simplifie les détails du visage et accentue la posture de la tête ou la forme du crâne. Les lignes marquant les yeux et la chevelure révèlent une touche de sensualité, bien accentuée par la forme et le mouvement des lèvres souvent charnues. « En jouant avec mes enfants dans le jardin, les formes de cailloux m’impressionnent par leur rondeur, leur densité et leur variété. Avec de la boue, je commence à faire de petites statues. Ensuite, je les exécute en plâtre. Puis, je crée des moules en plâtre afin de transformer ces petites maquettes en de vrais bustes en bronze. J’ai été moi-même surpris par le résultat », explique Mohamed Radwan.
Sans titre
Si l’idée de cette exposition est venue par hasard, le travail là-dessus se poursuit avec assiduité. Radwan y dévoile sa passion pour la sculpture de l’Egypte Ancienne. Il puise dans les arts des pharaons, s’inspire des histoires de leurs reines et déesses, afin de créer ses propres muses. « Ce sont les filles d’Akhenaton », lance-t-il, en montrant son oeuvre du doigt. Il le fait avec un petit sourire sur les lèvres, car normalement il n’aime pas attribuer des titres à ses pièces. Toujours, les filles lèvent la tête vers le haut, regardent leur créateur, en même temps que le visiteur de la galerie, comme si elles lui parlaient. Radwan mise également sur la couleur et expérimente des tons nuancés de la patine de bronze. D’où les lèvres dorées d’un visage abstrait et volumineux, en turquoise.
Les détails de « Cléopâtre » s’estompent, attirant plutôt l’attention par la forme et la couleur bleue foncée de la couronne. Elle côtoie la statue d’une jeune fille avec une queue de cheval ou une autre qui n’est pas sans rappeler la beauté des femmes de la Haute-Egypte.
La présence de visages en duo ou en trio suggère des histoires et des drames. C’est comme si elles racontaient une histoire de famille, avec deux soeurs, une mère et sa fille ou même deux rivales. L’artiste réussit de temps à autre à introduire une présence masculine, dans son « Monde ». Un homme et une femme sont bien distincts, mais complémentaires, cherche-t-il à dire. C’est aussi une chose de très important pour le jeu de séduction ou le dialogue de sourds habituel entre les deux sexes.
Les statues en trio sèment une ambiance plus légère. Trois fillettes bien accueillantes offrent les lèvres à un être cher ou font quelques grimaces coquines. En dépit de leur allure tranquille, les femmes de Radwan ont quelque chose de vif et d’agité.
Jusqu’au 30 avril, de 16h à 20h (sauf les vendredis et samedis). 1, rue Al-Chérifein, centre-ville.
Tél. : 01096712888.
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