Soixante-cinq ans après la sortie du film d’animation Cendrillon, les studios Disney viennent de faire appel au réalisateur britannique Kenneth Branagh pour signer une nouvelle version tournée avec de véritables acteurs. Une relecture du célèbre conte, premier vrai carton au box-office mondial pour Disney depuis Blanche Neige en 1937, réalise le meilleur score au box-office égyptien avec plus de 12 millions de L.E. de recettes.
Après le succès de l’adaptation d’Alice au pays des merveilles par Tim Burton en 2010, la société hollywoodienne a commencé à offrir quasiment chaque année une nouvelle version de ses grands classiques en prises de vues réelles, à l’instar de Maléfique sorti l’année dernière. Place cette année à Cendrillon, un projet ambitieux et risqué sur le conte intemporel de Charles Perrault, ayant déjà bénéficié de dizaines d’adaptations sur grand ou petit écran.
Rappelons que Cendrillon, de son prénom Ella, une belle jeune femme élevée par sa méchante belle-mère, qui se fait offrir une robe magnifique, le soir d’un grand bal donné par le prince, par sa fée, marraine, et qui s’y rend malgré les contre-indications de la mégère et séduit l’héritier au trône, est un conte populaire dont la version la plus connue est un film d’animation des studios Disney de 1950.
Si le réalisateur Kenneth Branagh a été fidèle à l’histoire universelle, avec ses souliers en verre, la citrouille transformée en carrosse et les 12 coups de minuit, il a tenu à faire de Cendrillon 2015 une héroïne forte et courageuse, avec une ingénuité naïve complètement assumée, qui rend le film particulièrement sincère et touchant.
Ce qui fait de cette version filmée du célèbre conte une réussite autant qu’un terrain de jeu idéal pour son metteur en scène, c’est paradoxalement son absence totale d’innovation. Au contraire de Maléfique, Le Monde fantastique d’Oz ou Alice au pays des merveilles qui offraient de nouvelles visions des contes dont ils s’inspirent, Cendrillon respecte à la lettre le récit que nous connaissons déjà.
De quoi Branagh, libéré de toute mode ou exigence de style propre à l’air du temps, exalte là un récit captivant, quoique classique, d’un premier degré enjoué, tout en accordant au film une tenue marquante. Le talentueux metteur en scène apporte alors toute son affectation et toute son élégance à cette version live.
Pourquoi Cendrillon s’impose-t-il au Caire ?
Loin des chiffres et des revenus du box-office, deux questions s’imposent en fait à la recherche d’une réponse de la part des spécialistes : pourquoi un tel succès pour un conte de fées hollywoodien dans les salles égyptiennes ? De même, pourquoi payer une place de ciné pour un film de mythe vu et revu ? « Parce que l’action et le suspense ont laissé une grande part de leur place à la magie et aux comédies romantiques partout dans le monde », explique Akram Anis, l’un des responsables des salles des cinémas Plaza.
Le public a commencé à devenir avide de tout ce qui est nouveau, loin de la recette purement commerciale dominant la scène pendant les dernières années, d’où est née la tendance des films, d’action, de suspense, d’aventures et de danse, où la violence est devenue plein la vue emballée du pop musique au goût populaire, ou bien les comédies sociales parfois trop plates, ajoute Anis.
D’un côté technique, c’est la qualité de l’oeuvre qui peut trancher l’affaire. « Parce que Kenneth Branagh a fait un vrai beau film, commente le critique Moustapha Darwich. Artistiquement parlant, ce Cendrillon est assez bien fait. D’ailleurs, les amoureux d’histoires romantiques, pleines de bons sentiments, sortent touchés de ce film, les autres se seront peut-être apaisés par la beauté du métrage. Un peu de douceur dans notre monde chaotique fait certes du bien ».
Côté critique, malgré un scénario assez simpliste et léger, c’est le côté esthétique qui peut caractériser cette version Cendrillon 2015. Le film est parfait d’un point de vue visuel : tout est agencé pour en mettre plein les yeux aux spectateurs et le contrat est largement garni. Les couleurs prodigieuses prennent le dessus sur le reste.
Dès la première scène, le vert des paysages tranche avec la blondeur d’Ella et de sa mère. L’amalgame des couleurs atteint son apogée pendant les scènes du fameux bal, de même tous les costumes, les robes et les décors sont charmants et très bien travaillés. C’est ici que l’on perçoit le fantastique de ce conte de fées. Comme tous les films Disney, il doit également y avoir un peu de sorcellerie, et ce métrage ne déroge pas à la règle. Les effets spéciaux sont réussis sans être trop sophistiqués ni croquants.
Quant à la prestation, la première des choses à noter est que la belle et jeune Lily James, dans le rôle de Cendrillon, calque les émotions pures et sincères des princesses Disney, parvenant à rendre son rôle quasiment crédible. Même, lorsque son personnage reste d’une bonté constante, malgré la méchanceté environnante, ses réactions viennent pourtant jouissives. Etant donné qu’elle hérite d’un rôle impossible, elle parvient toutefois à donner à sa Cendrillon une candeur qui ne verse jamais dans l’hypocrisie visuelle. Même pari gagné de la part de Richard Madden dans le rôle du prince charmant. Mais reste que les performances de Cate Blanchett dans le rôle de la belle-mère et de Helena Bonham Carter, dans la bonne fée, apportent un caprice au film sans le faire couler dans la drôlerie.
Bref, Kenneth Branagh n’a pas révolutionné le mythe de Cendrillon, mais il a su livrer un conte agréable. Même si ce nouveau Cendrillon n’invente rien d’original ni d’exceptionnel à ce conte de fées très conventionnel, c’est là que réside peut-être l’objectif du film : nous faire replonger simplement dans un grand classique d’antan.
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