Super-abla organise des rencontres dans des maternelles ou dans des zones de jeu pour familiariser les enfants à la langue arabe.
C’est l’heure du cours. Assis sur un canapé dans la salle de séjour, Sultan, 4 ans, décide de s’isoler dans un coin de la pièce. Les yeux rivés sur l’écran de sa tablette, il s’applique à articuler les lettres de l’alphabet arabe. Un exercice de diction interactif avec enregistrement vocal pour que l’enseignant puisse vérifier la prononciation de chaque lettre. « On s’est abonné à l’application GaGa qui donne accès à des cours adaptés aux enfants en âge préscolaire et supervisés par des enseignants de langue arabe », explique Hanan, la maman. Cette application propose des cours classés par thèmes : un programme pour l’enseignement maternel (langue arabe, maths et religion) et Ma maternelle virtuelle, permettant aux débutants et d’autres enfants ayant un faible niveau en arabe d’apprendre les règles de base et de se familiariser avec le vocabulaire. Durant les séances d’enseignement, les tarifs des cours sont affichés sur l’écran, ainsi que les noms des professeurs et leurs photos. Chaque famille choisit le cours qui convient le mieux à son enfant : l’apprentissage de lettres de l’alphabet et leur prononciation, les moyens d’enrichir le vocabulaire, etc.
Comme beaucoup d’autres parents, Hanan essaye d’exploiter de nouveaux outils pour aider ses enfants à apprendre plus facilement la langue arabe. « J’ai constaté que les élèves avaient des difficultés à apprendre l’arabe. C’est pour cela que j’ai commencé très tôt à les familiariser avec les lettres de l’alphabet arabe », explique Hanan.
En effet, GaGa est une plateforme qui organise, via une application, des cours et des stages interactifs pour les enfants suivant la langue choisie par les parents. Le curriculum vitae des enseignants est affiché à l’avance, avant même de procéder au paiement de l’abonnement et commencer les leçons. Cette application couvre toutes les tranches d’âge. « Les élèves sont notés par des enseignants spécialisés, et si le niveau de l’enfant n’a pas progressé, les parents sont remboursés à 100 %, à condition que l’enfant suive huit séances », ajoute Hanan. Selon ses propos, le développement technologique a facilité l’apprentissage des langues en utilisant des normes de qualité axées sur l’innovation et qui n’existaient pas auparavant, alors que les anciennes méthodes ne correspondent pas aux enfants d’aujourd’hui.
Des moyens créatifs
Espace média, site web, les intermédiaires en apprentissage des langues se sont diversifiés. D’après une recherche publiée dans une revue pédagogique des sciences de l’éducation à l’Université du Sud de la Vallée en Haute-Egypte, toute personne qui enseigne l’arabe devrait adopter une stratégie moderne qui amène les enfants à aimer cette langue. Israä Saleh, enseignante, a activé le hashtag arabe pour motiver les enfants à apprendre l’arabe. « La narration, le jeu, la chanson et parfois la comédie sont les méthodes qui accrochent les enfants et contribuent à l’apprentissage d’une langue », explique Israä, qui compte 19 000 followers sur Facebook. Son expérience d’instructrice dans une garderie où la langue anglaise est enseignée lui a donné l’occasion d’observer les méthodes qui accrochent les gamins. Elle a choisi les jeux pour stimuler l’apprentissage et le rendre plus amusant et s’est donné un surnom, celui de « super-abla » (super-professeur) en référence à superman, l’un des héros préférés des enfants. Dans ses vidéos, elle porte sur ses épaules une large écharpe rouge à la manière de superman, afin de créer une atmosphère propice à l’apprentissage par le jeu. Elle choisit les histoires et les jeux préférés des enfants pour leur donner l’envie d’apprendre et aborde même le thème de l’espace pour expliquer la structure du système solaire. Dans d’autres vidéos, on la voit dans un magasin de glaces et tout en goûtant chaque parfum, elle donne la première lettre du fruit et demande aux enfants de compléter le nom. Son objectif est donc de favoriser l’apprentissage de la langue arabe qui reflète à la fois l’identité égyptienne et celle arabe. Alors, apprendre aux enfants l’arabe durant la période préscolaire facilite l’apprentissage des autres matières enseignées en arabe à l’école.
Apprendre par l’ouïe et la vue
Mais ce n’est pas tout. Outre les nouveaux moyens électroniques, télé et presse pour enfants utilisent, à leur tour, l’interaction individuelle ou proposent des concepts qui poussent les gamins à réfléchir, à élargir leurs connaissances et à faire la connexion entre ce qui est entendu et ce qui est écrit, d’autant que la langue arabe souffre d’un grand recul dans les foyers.
Nour Al-Saghir est un magazine destiné aux enfants en âge préscolaire qui est en vente depuis 2020. « C’est un magazine renfermant des histoires pédagogiques avec des méthodes interactives qui développent les connaissances des enfants », explique Noha Abbas, rédactrice en chef de la revue. 5 000 exemplaires ont été imprimés. Selon Noha, certains parents achètent tous les numéros de ce magazine périodique pour que leurs enfants puissent avoir des informations fiables et se préparer à la vie scolaire. « Le magazine permet à l’enfant d’apprendre les lettres de l’alphabet par le biais d’un dessin, par exemple celui d’un pompier, en lui demandant de dire son nom avant de le colorier. En outre, des contes sont publiés et transmettent des valeurs et des traditions culturelles qui aident l’enfant à fixer des règles ou des limites », décrit Noha Abbas. Dans ce contexte, Dr Moustafa Al-Faramawy, réalisateur, a créé des dessins animés en images tridimensionnelles reprenant les histoires du Coran et des prophètes. « Ces séries présentent les axes nécessaires à l’apprentissage des tout-petits leur permettant d’avoir une bonne prononciation de l’arabe classique », explique-t-il. Et de préciser que l’équipe de travail est constituée d’un réalisateur, d’un écrivain et d’un technicien du son qui se réunissent pour relire entièrement le scénario et réécrire les phrases trop compliquées.
Et ce n’est pas le seul atout. Dr Tamer Chawqi, pédagogue, s’appuie sur un principe important, à savoir que l’éducation préscolaire donne aux enfants la possibilité d’apprendre, de comprendre et de se familiariser avec l’environnement scolaire. « Les études expliquent que l’apprentissage de deux langues en même temps à un enfant qui ne maîtrise pas sa langue maternelle a un impact négatif et provoque un problème de bilinguisme. De ce fait, l’enfant risque d’avoir un faible niveau dans les deux langues », commente Tamer Chawqi. Il ajoute que l’initiation à l’arabe demande beaucoup plus de temps car la langue est difficile. Un avis partagé par Soheir Al- Sokari, une Américaine d’origine arabe et experte en linguistique. Elle avait affirmé dans un entretien à la télé que de l’âge zéro jusqu’à son entrée à l’école, l’enfant arabe n’apprenait que 3 000 mots, alors que le vocabulaire d’un enfant né de parents étrangers pouvait atteindre les 16 000 mots. « Lorsque l’enfant apprend un grand nombre de mots, cela lui donne la possibilité de mieux s’exprimer. Mais il faut ne pas le perturber en lui apprenant deux langues en même temps ».
Reste à dire qu’il faut élaborer une stratégie de sensibilisation des parents à l’importance d’apprendre à leurs enfants l’arabe qui est leur langue maternelle et d’éviter de leur choisir une langue étrangère comme première langue juste pour avoir un certain prestige social. Car aucun peuple civilisé n’opte pour la seconde langue avant sa langue maternelle.
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