Le choc fut terrible pour Aboul-Kheir Hamed, 69 ans, le jour où il a appris qu’il était atteint d’une hépatite C. « A l’époque, j’avais 49 ans et mes deux cousins étaient morts de l’hépatite C, du fait d’un diagnostic tardif, car ils ne se sentaient pas malades ou ne présentaient pas de symptômes alarmants. L’agonie n’a pas duré et la mort a été rapide », se souvient Hamed tristement. Il était propriétaire d’un restaurant en Arabie saoudite lorsqu’il a découvert qu’il était atteint de cette maladie. Chaque année, il devait effectuer un contrôle médical périodique. Son médecin traitant lui conseille de prendre congé et de voir des médecins spécialistes en Egypte. « Mais je risquais de perdre mon business », raconte Hamed. Il ajoute avoir dépensé beaucoup d’argent pour payer les consultations, les analyses et les médicaments.
Hamed commence donc à se faire traiter en Arabie saoudite. Six mois durant, il prend quotidiennement le traitement qui lui avait été prescrit, nommé la pilule jaune. Et il a respecté toutes les recommandations du médecin en ce qui concerne la nourriture, comme éviter le sel, le piment fort et les fritures pour ne pas mettre à rude épreuve son foie. « Je suis resté plusieurs années sans effectuer d’analyses médicales, pensant que le traitement avait fait son effet, mais en réalité, le virus était toujours présent dans mon corps », dit-il.
Après son retour définitif en Egypte, Hamed a profité de soins gratuits présentés dans le cadre de la campagne nationale « 100 millions de citoyens en bonne santé », et ce, en faisant un dépistage dans une unité ambulante à Al-Qanater (Qalioubiya) où il habite. Ensuite, il s’est rendu à l’institut de recherche Theodore Billiharz (institut affilié au ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique et spécialisé dans la lutte contre les maladies hépatiques endémiques et chroniques et leurs complications) pour se faire suivre par un hépatologue et avoir les médicaments nécessaires. 3 mois de traitement ont suffi pour faire disparaître cette hépatite C. « Au bout des 3 mois, les résultats de mes analyses commençaient à s’améliorer. Et après six mois, je n’étais plus porteur du virus de l’hépatite C. J’ai reçu un certificat médical qui confirme ma guérison », ajoute-t-il.
Un protocole révolutionnaire
Selon Hossam Abdel-Ghaffar, porte-parole du ministère de la Santé, le nombre de personnes atteintes d’hépatite C entre 2015 et 2023 s’élève à 4,4 millions. Dans les années 1990 et au début des années 2000, 15 % des Egyptiens en étaient atteints. Avec évidemment des degrés différents de la maladie.
En fait, l’Etat fournit les médicaments gratuitement. 3 mois est la période du traitement minimum de l’hépatite C qui peut être prolongée jusqu’à 6 mois. « On commence par 2 genres de médicaments : le Sovaldi et le Dactata sevir, et s’ils ne font pas d’effet durant les 3 premiers mois, j’introduis le Vosevi qui est plus efficace que d’autres traitements durant les 3 mois suivants. Ce dernier est le plan B au cas où les 2 premiers médicaments ne donneraient pas de résultats satisfaisants », explique Ahmad Rashad, professeur adjoint de maladies du système digestif et du foie au Comité national de l’éradication de l’hépatite. « On tente de rester en contact avec nos anciens malades et de les inviter à revenir nous voir pour effectuer des analyses de sang et s’assurer que le virus de l’hépatite C a bien disparu. Par bonheur, le taux de guérison avec les médicaments fabriqués en Egypte s’élève à 96 % », dit-il.
L’Egypte, pays pionnier en la matière
En effet, les premiers traitements de l’hépatite C sont apparus en 2014 sur le plan mondial. Selon Hossam Abdel-Ghaffar, porte-parole du ministère de la Santé, l’Egypte compte parmi les premiers pays qui ont développé un savoir-faire dans la fabrication des médicaments anti-hépatite. « 19 industries pharmaceutiques ont commencé à fabriquer les médicaments pour soigner l’hépatite C en 2016. Le coût du traitement par personne dans le cadre de l’initiative de 100 millions de citoyens en bonne santé s’élève à 45 dollars. L’Etat fournit gratuitement les médicaments dans les centres des maladies du foie qui font aussi le suivi des malades qui sont atteints de cirrhose ou présentent des symptômes qui peuvent révéler un cancer du foie stade 1 », explique Hossam Abdel-Ghaffar. La lutte contre l’hépatite C a permis de sauver beaucoup de vies : avant 2012, on comptait entre 40 000 et 60 000 décès par an dus à ce virus.
Le plan du traitement de l’hépatite C en Egypte est disponible dans 170 centres de traitement d’hépatite C au niveau du pays. « Il y a également 76 autres centres médicaux pour le traitement de l’hépatite C, où 120 000 malades se soignent actuellement », affirme Khaled Abdel-Ghaffar, ministre de la Santé. Ce genre d’initiative ne facilite pas seulement l’accès aux patients aux soins, mais contribue aussi à la sensibilisation des citoyens, qui joue un rôle important, car d’après Hossam Abdel-Ghaffar, chaque année, entre 100 000 à 150 000 cas sont dépistés.
C’est donc grâce à la campagne de 100 millions de citoyens en bonne santé, qui a vu le jour en 2018 et qui a facilité l’accès gratuit aux soins, que le taux de malades est passé à 0,38 % en Egypte. Et c’est pour cela que l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a déclaré que l’Egypte était le premier pays au monde à avoir reçu la certification Niveau Or pour ses efforts dans l’éradication de l’hépatite C. « L’Egypte, pays autrefois très touché par l’hépatite C, a pris à bras-le-corps l’éradication de cette maladie en adoptant des actions de prévention et de traitement, et ce, sur une période de moins de 10 ans. Elle a présenté au monde entier un modèle à suivre pour lutter contre l’hépatite C. Ce grand succès est dû à tout un système qui fournit les outils de diagnostic et l’engagement politique nécessaire pour sauver la vie des citoyens », a ainsi déclaré Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l’OMS.
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