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Autisme : Briser l’isolement

Dina Bakr , Dimanche, 06 août 2023

Après de longues années de négligence, de plus en plus d’actions sont prises, que ce soit par l’Etat ou par les ONG, pour tendre la main aux autistes. Avec pour mot d’ordre leur réhabilitation et leur intégration dans la société. Focus.

Autisme : Briser l’isolement
Le QI des enfants autistes donne des résultats équivalant aux autres, parfois même plus élevés.

L’association égyptienne pour le développement des enfants en situation de handicap mental et de troubles du spectre autistique « Advance » vient de lancer une plateforme électronique. L’objectif est de présenter divers services tels que des programmes d’apprentissage, une banque d’activités et des jeux électroniques à télécharger afin que les enfants autistes puissent jouer en toute autonomie et sans être connectés à Internet. « Nous avons entrepris de créer cette plateforme depuis l’apparition du Covid-19, car nos enfants atteints de handicap mental et de troubles du spectre autistique ont été privés de séances éducatives et d’expériences comportementales », déclare Mohamad Al-Hennawy, directeur exécutif et superviseur des projets à Advance.

Le programme couvre diverses activités qui commencent dès la petite enfance, allant de la réadaptation sociale au recrutement, en passant par la formation. Selon Al-Hennawy, cette plateforme comprend un programme scientifique sélectionné par Advance qui montre les méthodologies à suivre en cas de handicap mental et de troubles du spectre autistique.

Premier pas, mieux comprendre

Aujourd’hui, le réseau égyptien de l’autisme réunit 120 associations et fondations spécialisées dans la réadaptation sociale et la formation de personnes présentant des troubles du spectre autistique. « En 2004, le mot autisme n’était pas encore connu. Une pathologie que même les pédiatres de renom ne pouvaient pas définir. Certains diagnostiquaient un Trouble Déficitaire de l’Attention avec Hyperactivité (TDAH) », raconte Mohamad, qui travaille dans le secteur du tourisme. Son fils autiste est diplômé de la faculté du tourisme et de l’hôtellerie.

D’après Maha Al-Hélali, conseillère de la ministre de la Solidarité sociale pour les handicapés et PDG de l’association Advance, les troubles du spectre autistique étaient diagnostiqués comme étant un handicap mental. Il n’y avait pas de centres de réinsertion sociale et de formation. Il n’y avait ni de signes ni de symptômes précis pour détecter l’autisme, ni même d’associations qui offrent les activités nécessaires susceptibles d’aider au développement des autistes, surtout que les enfants atteints de troubles du spectre autistique ne sont ni des personnes comme les autres ni leurs capacités mentales sont limitées. Souvent leur QI donne des résultats équivalant aux enfants normaux et parfois ils font preuve d’une intelligence supérieure. C’est la raison pour laquelle certains parents ont pris l’initiative de sensibiliser eux-mêmes la société d’autant plus qu’autrefois, on considérait l’autiste comme un enfant indiscipliné et agité.

Hala, maman de Abdel-Aziz qui a aujourd’hui 35 ans, glissait toujours dans son sac à main une feuille copiée d’un livre scientifique qui décrit l’autisme, ses signes et ses symptômes. Elle a pris l’initiative de sensibiliser les gens dans les lieux où elle se rendait en compagnie de son fils. A l’époque, quand son fils avait 2 ans et demi, il n’y avait pas d’associations qui prenaient en charge les autistes pour gérer leurs difficultés de communication et de comportement. « Il existait un groupe de soutien avec qui on partageait les informations pour pouvoir communiquer avec nos enfants autistes », commente Hala. A cette phase, l’implication des parents était très importante. Elle se faisait en présence de spécialistes comme le psychiatre, le pédiatre, ainsi que le sociologue pour choisir un mode de vie compatible à l’enfant autiste.

Les intégrer dans la vie scolaire

« Ce sont les parents des autistes qui ont fondé l’association Advance. Nous avons ressenti le besoin de regrouper sous un même toit les experts qui peuvent nous aider à mieux intégrer et socialiser nos enfants », explique Hala. La société joue aussi un rôle précieux dans la vie de l’autiste. D’après Manal, médecin clinico-pathologique, l’association met en avant les côtés positifs de la personnalité de l’enfant et corrige ses côtés négatifs. L’association offre les outils et donne des missions qui aident au développement et à la formation des autistes afin qu’ils s’adaptent à leur environnement. Manal énumère les avantages : « Chaque activité améliore un caractère pour que l’autiste puisse communiquer de manière plus naturelle. En plus, les activités liées à l’art, à la musique et au dessin ou au travail dans un atelier de production lui permettent de se concentrer et devenir plus habile des mains ». Cette maman a consacré un budget important pour l’inclusion scolaire et la formation de son fils. « Mis à part les frais scolaires, on doit payer aussi le shadow teacher (le professeur accompagnant) de l’enfant souffrant d’un handicap. Il lui sert de guide en matière d’études et améliore ses rapports avec les autres. Il lui fait éviter les bousculades avec les autres enfants lorsqu’ils jouent ensemble. Car au cas où l’autiste serait exposé à une telle expérience, il peut réagir négativement et montrer des signes de peur et d’isolement », explique Manal dont le fils Ziad a obtenu son bac américain dans une école privée.

En effet, la loi n°10 de l’année 2018 stipule que le ministère de l’Education a mis en place un programme d’intégration pour les enfants handicapés et les différents types d’autisme dans les écoles. Les écoles publiques n’appliquent pas la loi malgré son entrée en vigueur. Le hashtag « le droit de Nouh à l’éducation » soutient Nouh, un enfant autiste de 8 ans qui n’a pas trouvé d’école publique qui veut bien l’accepter. Ceci a soulevé des discussions sur les réseaux de communication sociale autour de la question : pourquoi un tel enfant atteint de troubles du spectre autistique est-il privé de ses chances d’accès à l’éducation ? « Et même si les parents arrivent à dissimuler que leur enfant est autiste, l’envoyer à l’école est inutile car il n’y a ni de programmes ni d’intérêt accordés à ces enfants », a dit sa grand-mère lors d’une interview sur la chaîne BBC.

En quête de programmes adaptés

Mais les parents ne trouvent pas de programmes unifiés pour les autistes. « Le problème est l’absence d’un système qui gère les différents services présentés à l’autiste, tels que l’éducation, les entraînements sportifs ou les soins médicaux. C’est aux parents de s’occuper de tout du début jusqu’à la fin et de soutenir leurs enfants autistes », affirme Mohamad, père de Marwan, 23 ans. Il se souvient qu’il y a quelques années, suite à un feuilleton qui a abordé le problème de l’autisme, une association est apparue à la télé pour annoncer qu’elle possède un programme pour la réhabilitation et l’inclusion sociale de ces enfants. En rentrant dans les détails de la fiche d’adhésion, le père de Marwan a découvert qu’il fallait payer environ 50 000 L.E. par an. « J’ai travaillé indépendamment en sélectionnant les services qui améliorent le cas de mon fils sans m’attarder aux conditions de son handicap », précise Mohamad. Il appelle à la nécessité de fournir des services gratuits pour que les enfants autistes puissent s’épanouir. Il cite l’exemple de l’Université allemande en Egypte (GUC) qui ouvre ses ateliers gratuitement à la formation des autistes, mais à condition d’adhérer à l’une des associations ayant signé des protocoles de coopération avec cette université. Et si l’autiste n’a pas de bulletin d’adhésion, il ne peut pas avoir accès à la formation programmée par l’Université allemande.

2018, l’année des handicapés

Par ailleurs, l’Etat avait consacré 2018 comme étant l’année des handicapés. « Avant, on a milité pour les droits des autistes qui étaient inconnus pour les autres, mais aujourd’hui, l’Etat s’est rendu compte de l’importance d’aborder leurs défis en écoutant leurs échecs et leurs réussites et, par conséquent, les gens ne sont plus agressifs comme avant en les voyant dans les rues », dit Mona, mère d’un jeune autiste. Cet intérêt de l’Etat s’est poursuivi en dotant les handicapés d’une carte de services complémentaires qui donne des avantages dans l’éducation, le travail, l’exonération douanière pour les voitures équipées, les prothèses et les outillages spécifiques. Autres avantages : la réduction des billets de transport et d’autres protections sociales comme le soutien financier, le logement social et le bénéfice des retraites des deux parents.

De même, l’Etat, à travers une coopération entre le Centre démographique du Caire, le Centre national des recherches et les centres de soins de santé primaires du ministère de la Santé, élabore un recensement des cas d’autisme en Egypte. L’objectif étant de savoir où l’on est pour mieux agir. Et ce, à travers plusieurs étapes. Premièrement, transférer les cas suspects aux centres sanitaires concernés et, deuxièmement, établir un diagnostic précis. Après quoi les experts du Centre national des recherches se réfèrent au manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux et à l’échelle d’évaluation de l’autisme infantile (CARS). Il est en effet possible de faire des analyses précises pour évaluer le niveau d’autisme, ainsi que son impact sur les capacités cognitives, linguistiques et motrices de l’enfant. Il est aussi nécessaire d’évaluer les caractéristiques socio-émotionnelles et comportementales dans le processus d’adaptation sociale.

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