Mayar, la reine des desserts du désert
Envoûtée par Siwa, Mayar y a lancé son projet de pâtisseries, 100 % avec des ingrédients locaux.
Chaque soir ou presque, Mayar Halim ferme sa boutique située à l’entrée de la citadelle de Chali, dans l’oasis Siwa, et se rend au marché voisin pour s’approvisionner en dattes, fruits, farine et miel ; les ingrédients qu’elle utilise pour faire ses douceurs. Puis elle rentre à la maison qui se trouve en face de sa boutique où elle prend tout le temps nécessaire pour préparer ses gâteaux en les garnissant de confiture et de crème chantilly. La jeune femme raconte que le jour où elle a visité pour la première fois Siwa, elle eut l’impression d’avoir posé les pieds dans un petit coin de paradis. Siwa a tout pour plaire : le désert, la verdure, les lacs, les sites antiques. « C’est une oasis fascinante. Ses paysages d’une grande beauté m’ont émerveillée, je dirais même qu’ils m’ont ensorcelée. A chaque fois que je venais ici, je ne voulais pas quitter ce paradis où il fait bon vivre. Siwa attire ses habitants », dit-elle.
Lors de plusieurs visites avec des amis à la charmante Siwa, elle a remarqué qu’il n’y avait pas d’endroit qui vende des douceurs. L’idée a germé dans son esprit. En mars 2020, alors que tout le monde était confiné à la maison en raison de la pandémie de Covid-19, elle a constaté qu’elle avait pris du poids. Pour avoir une alimentation saine et équilibrée, elle s’est mise à lire. « J’ai découvert que les habitants de Siwa vivent plus longtemps et sont en bonne santé car ils utilisent dans leur cuisine des dattes, des olives et de l’huile d’olive. De même, les fruits et légumes cultivés à Siwa sont bio », assure Mayar qui a surnommé son projet Slow, symbole du rythme lent de la vie dans cette oasis. Mayar Halim dit adorer les plats sucrés et avoir un penchant pour le mélange de couleurs en confectionnant des desserts qui attirent le regard des passants et mettent l’eau à la bouche à ses clients. Tous ses desserts sont faits à base de miel. Après des mois de formation auprès de chefs spécialisés, elle a réussi à mettre au point sa propre recette en préparant un dessert avec des ingrédients sains.
« Une des choses qui m’a vraiment impressionnée ici est la préparation de confitures différentes, à base de fleurs d’hibiscus ou de dattes. Et j’ai réussi à les incorporer à mes desserts. J’ai aussi préparé des plats authentiques de Siwa comme le bsis (préparé avec de la farine, de l’huile d’olive et des dattes hachées) mais d’une manière différente », confiet- elle. La jeune femme a cherché partout des idées de recettes de confiture d’hibiscus, une confiture qu’elle adore, elle a fini par tomber sur le premier endroit qui l’avait faite. Les vieux cuisiniers lui ont donné les secrets de la recette, et les femmes de l’oasis étaient pour elle une référence importante pour confectionner les desserts.
La jeune femme a donc décidé de s’installer à Siwa et d’y lancer son projet. Elle a aménagé un espace pour vendre ses produits et elle a loué une maison que les habitants de l’oasis l’ont aidée à trouver. « Bien que mes parents n’apprécient pas beaucoup l’idée que je m’installe à Siwa, ils m’ont beaucoup soutenue, surtout ma mère qui m’avait accompagnée et n’a pas tardé à travailler avec moi. Quant aux habitants de Siwa, ils m’ont aidée à choisir le lieu de ma résidence au sein de leurs habitats comme moyen de me protéger, et ce, sans compter leurs efforts pour réduire le loyer qui m’était imposé. Parfois, même quand je suis épuisée et que je tarde à ouvrir mon magasin au sein du souk où se trouvent les leurs, ils m’appellent car les clients ont commencé à fréquenter le lieu », raconte Mayar. Elle ajoute que lorsque son père s’est opposé à son projet sous prétexte qu’elle allait vivre dans un lieu où elle ne connaît personne, elle s’est justifiée qu’elle a actuellement une autre famille avec qui elle mène son train de vie.
Juste avant d’ouvrir son magasin, Mayar a fait le tour de l’oasis pour parler de ses préparations sucrées aux habitants, tout en leur offrant un rabais ou un dessert gratuit. « Les habitants de l’oasis aiment le riz au lait que je fabrique, bien qu’il soit plus cher qu’ailleurs, mais ils savent que j’utilise des ingrédients de qualité. Parmi les clients qui fréquentent ma boutique, il y a des Egyptiens qui apprécient mon cheese-cake à l’hibiscus et ma confiture aux fraises, quant aux étrangers, ils adorent mon gâteau aux dattes fabriqué avec du miel et des dattes de Siwa », conclut-elle, en aspirant à faire introduire de nouveaux plats comme la konafa à l’hibiscus et la basboussa avec la confiture d’olives.
Amany, la styliste qui s’inspire de l’oasis
Amany fabrique des bijoux brodés et des vêtements qui s’inspirent de l’héritage de Siwa.
Pour son projet, Amany Elzawawy a choisi le nom de « Nouwara ». Elle fabrique des bijoux brodés et des vêtements qui s’inspirent de l’héritage de Siwa. Cette jeune fille native de la ville côtière de Baltim a décidé de s’installer au coeur du Désert occidental. C’est là que son talent s’est épanoui. Une oasis de verdure idyllique, un ciel bleu azur, un horizon qui s’étend jusqu’à l’infini et des paysages d’une beauté inouïe. Un panorama pittoresque idéal à Amany, qui a décidé de devenir styliste en accessoires et broderies, pour trouver l’inspiration. « En 2019, j’ai commencé à travailler à Chali, une petite ville qui se trouve à Siwa. Ma tâche était d’aider la propriétaire d’un hôtel à faire la cuisine, et pendant le temps libre, je faisais le décor du lieu avec des objets patrimoniaux. Une idée m’est venue à l’esprit et je me suis dit : pourquoi ne pas faire des tenues et des accessoires avec des motifs de broderie traditionnelle s’inspirant du patrimoine du lieu mais fabriquées avec des matières qui nous conviennent ? », relate Amany, en assurant que le patrimoine de l’oasis est une mine d’or. Les motifs de Siwa narrent tant d’histoires. « Lorsque j’étais très jeune, j’aimais confectionner des bagues et des robes pour mes poupées. Et il ne faut jamais abandonner ses rêves d’enfant car cela pourrait servir de guide, nous montrer le chemin à suivre, me disait une amie, un conseil que je n’ai jamais oublié ».
Amany a dû donc partager son temps entre le travail à l’hôtel et son propre projet. Trois mois après le lancement du projet de confection de vêtements, en particulier les robes brodées, en janvier 2020, elle lui a trouvé un nom, celui de « Nouwara ». N’ayant aucune expérience, elle a commencé en tant qu’amatrice. Elle achetait des coupons de tissus et les remettait à 35 femmes de l’oasis qui maîtrisaient la broderie et la couture et qui avaient besoin de gagner leur vie. Les arts de la broderie font partie des métiers traditionnels les plus distingués de l’oasis. Les femmes étaient donc chargées de broder des motifs spécifiques et Amany de ramener les matières premières et commercialiser le produit.
Les défis à relever n’ont pas manqué tout au long de cette aventure dans laquelle s’est lancée cette jeune fille. Tout d’abord, la société conservatrice ne permet ni de communiquer ouvertement et directement avec les étrangers, ni de laisser les femmes travailler. « J’ai tout de même réussi à gagner la confiance des habitants qui me traitent actuellement avec respect car je ne travaille qu’avec des femmes ».
Mais le défi de la mobilité est l’un des plus difficiles à relever pour cette fille de Baltim, car l’oasis se situe à 750 km du Caire. « A Siwa, il n’y a ni des magasins où acheter du tissu, ni des couturiers capables de confectionner des robes modernes. Je devais faire 8 heures de route pour me rendre au Caire et m’approvisionner en matières premières (argent pour les accessoires et étoffes de différentes couleurs pour les vêtements) puis mettre en oeuvre mon design, et ce, avant d’aller à Alexandrie où se trouve l’atelier de couture pour les coudre et enfin retourner à Siwa, collecter les autres produits finis et exposer le tout sur le marché », explique Amany, qui commercialise les produits du projet Nouwara via Facebook et Instagram. Des voyages indispensables durant lesquels elle se trouve chaque mois obligée de se déplacer entre plusieurs gouvernorats. Amany a aussi recours à un photographe professionnel pour exposer ses photos. Malgré les difficultés, le projet Nouwara lui donne l’espoir et l’aide à continuer. C’est justement pour cela qu’elle lui a donné ce nom, qui signifie la fleur épanouie. Aujourd’hui, la jeune fille qui a commencé son périple seule se trouve entourée d’un groupe d’une vingtaine de femmes qui gagnent leur vie grâce à ce projet et partagent avec elle ses nouvelles idées en broderie. Raison pour laquelle elle fait tout son possible pour assurer la continuité du projet. Pour ce, elle cherche des ressources pour continuer à financer son projet. « Quand le travail est terminé, je me sens épuisée et impuissante. Mais je reprends mon courage car je veux que Nouwara s’épanouisse, pour que ces femmes puissent avoir un revenu stable qui les aide à changer leur vie ». Aujourd’hui, ses rêves semblent dépasser les bornes de l’oasis. Elle souhaite que ses articles « 100 % égyptien » se développent davantage et que sa gamme de produits s’élargisse, afin de préserver l’héritage égyptien en général et pas seulement celui de Siwa.
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