Présent en Egypte depuis 2008, le Samu Social International Egypte (SSIEG) est une ONG qui oeuvre pour la protection des enfants sans abri. Ces enfants, qui ont été forcés de le faire en raison des violences physiques infligées, l’éclatement de la famille et en l’absence de toute autre alternative, sont contraints de vivre dans la rue. D’après Géraldine Tawfiq, directrice de l’organisation en Egypte, ils sont classés en deux groupes : ceux qui vivent dans la rue en permanence et ont coupé les ponts avec leurs familles, et ceux qui passent la journée dans la rue pour contribuer financièrement au revenu familial et rentrent chez eux le soir. « En Egypte, la définition d’un enfant sans abri est tout enfant âgé de 0 à 18 ans qui passe 4 nuits par semaine dans la rue. On en dénombre environ 16 000 enfants. Mais, selon les statistiques de l’Unicef, ce chiffre est de 2 millions, car la définition d’un enfant en situation de rue varie et identifie tout enfant qui passe 10 heures dans la rue sans la présence d’un membre de sa famille. Une définition plus large qui a augmenté le nombre de ce groupe en rassemblant les enfants qui travaillent dans des ateliers, dans les champs, ou même ceux qui vagabondent dans les rues et rentrent chez eux la nuit pour dormir », explique-t-elle. Elle ajoute : « Jusqu’en 2016, les nouveaunés ne figuraient pas dans cette liste, alors qu’actuellement, cette catégorie atteint 2 % du taux d’ensemble avancé, car on constate une nouvelle génération, à savoir les enfants des enfants en situation de rue. Un gamin peut être sauvé et ramené à la maison si on découvre qu’il est en situation d’errance seulement depuis deux ou trois jours, mais s’il reste plus longtemps dans la rue, cela devient difficile et parfois impossible de le restituer à ses parents, alors on essaye de le sauver autrement en le suivant et en le mettant en garde contre les dangers de la rue pour le protéger ».
Trois axes
La base du travail de l’ONG se fait donc sur le terrain. Et pour aider ces enfants à survivre d’une manière ou d’une autre, on leur offre des services de santé (physique et mentale) et d’aide alimentaire. L’équipe de SSIEG travaille sur trois axes : premièrement, les unités ambulatoires se rendent 5 jours par semaine vers les points de rassemblement de ces enfants dans les régions du sud et de l’ouest du Caire. Des unités qui prodiguent des soins avec l’aide d’un médecin et deux spécialistes sociaux. Une fois sur place, on commence toujours par présenter des services médicaux, car c’est la chose la plus importante et aussi pour gagner la confiance des petits et les inciter à raconter leurs histoires et leurs conditions de vie. L’étape suivante consiste à étudier les cas de ces enfants, afin de pouvoir les conduire, soit vers l’un des centres d’accueil disponibles pour y être hébergés, soit les laisser dans la rue après avoir enregistré leurs données et les autoriser à se rendre dans un centre où on pourra leur prodiguer des soins quotidiens, leur fournir de la nourriture et leur trouver un endroit où dormir. Ceci dépend de l’âge et des cas de chaque enfant. Un autre axe sur lequel l’ONG travaille avec les deux précédents, c’est celui des méthodologies basées sur les études établies suivant le travail de terrain et celles faites à l’étranger, et que l’on peut adapter à la situation égyptienne. « Le travail se poursuit dans les centres d’accueil où on organise des activités, et même une formation au personnel », explique Géraldine Tawfiq.
70 % des enfants sans abri se trouvent au Caire.
Victimes et non voyous
En parallèle de tout ce qui précède, l’organisation travaille sur la sensibilisation sociale. Une chose qui a beaucoup progressé récemment, comme l’affirme la responsable en expliquant que le comportement des gens à l’égard de ces enfants a beaucoup changé et on ressent de la compassion pour eux, les considérant comme des « victimes » et non des « voyous » comme avant.
Après des années de travail avec des milliers d’enfants sans abri, Géraldine Tawfiq peut affirmer que la cause de ce problème en Egypte a été et continue d’être le dysfonctionnement sociétal. « Il es t normal de s’attendre à ce que des adultes soient soumis à des conditions précaires, mais ce n’est pas la cause, car nous sommes allés dans des endroits très pauvres, comme les villages du Fayoum par exemple, où nous avons rencontré des familles qui s’accrochaient à leurs enfants et ne les laissaient jamais sortir dans la rue alors que leurs conditions matérielles sont déplorables. De même, dans des lieux plus élevés et au sein des communautés tribales, nous échappons au phénomène en raison des coutumes et des traditions qui continuent d’accorder de l’importance à la famille interconnectée. Par conséquent, le gros problème se situe dans le Grand-Caire, (au Caire et à Guiza), suite à la prolifération des bidonvilles. Ces lieux sont, en effet, un modèle de déclin des valeurs. On n’attache aucune importance à la famille unie, et nous pouvons trouver un père ou une mère qui pousse l’enfant à choisir de vivre dans la rue », explique-t-elle.
Problème de mentalités
Sur terrain, continue-t-elle, « nous avons besoin de certains changements qui peuvent aider à améliorer la situation, soit pour contrôler leur nombre ou pour faciliter le travail des ONG. Tout d’abord, nous avons besoin d’une législation qui oblige les parents à assumer la responsabilité de leurs enfants ou les confier aux autorités lorsque la famille est incapable de les prendre en charge ». Quant aux lieux d’hébergement, il n’y a vraiment pas de problème, car les ONG en possèdent un certain nombre, ainsi que le gouvernement. Mais, selon elle, la difficulté se trouve chez ceux qui travaillent dans ce domaine, parce qu’ils n’ont pas suffisamment de savoir-faire et de culture pour s’occuper de ces enfants.
« C’est ce que nous essayons de changer, mais nous sommes confrontés à un autre problème, celui des bas salaires, et nous ne trouvons pas de personnes qui acceptent ce travail. Et ceux qui l’exercent ne cherchent qu’à faire des heures supplémentaires pour joindre les deux bouts à la fin du mois et attendent de percevoir ce petit salaire pour augmenter leurs revenus sans fournir quelque chose de bon pour aider ces enfants ».
Mais pour elle, l’autre problème est celui des mentalités. On juge souvent sévèrement ces enfants qui sont souvent privés de leurs droits. Elle cite l’exemple d’une infirmière au centre de vaccination qui a refusé de vacciner un enfant parce que sa maman vit dans la rue et que son fils est sans identité, afin de ne pas encourager des personnes comme elle à avoir des enfants hors mariage. Sur ce sujet particulier, les mères de la rue souffrent beaucoup, et un mécanisme doit être créé pour permettre de délivrer des actes de naissance à leurs enfants. « Tous ces obstacles, s’ils ne sont pas résolus, ne mettront pas fin au phénomène, et même si nous disons que le nombre d’enfants des rues est resté stable depuis des années, ce n’est pas rassurant, car le phénomène prend de nouvelles dimensions, à savoir que des familles entières sont contraintes de mendier dans la rue et rentrent chez elles le soir et d’autres qui ne sont pas pris en compte dans les statistiques », conclut-elle.
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