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Le centre-ville retrouve son éclat

Hanaa Al-Mekkawi, Lundi, 08 septembre 2014

Après l'évacuation des marchands ambulants, le centre du Caire retrouve son calme. Adieu l'anarchie et la pagaille. Tournée.

Le centre-ville retrouve son éclat
(Photos: Mohamed Abdou)

«Non, ce n’est pas Le Caire des années 1950, mais celui d’au­jourd’hui ». C’est la réponse d’une maman à sa jeune fille qui contemplait une photo diffusée sur Facebook et qui montre les rues du centre-ville propres et bien aménagées. Elle s’est souvenue, selon toute vraisemblance, du bon vieux temps. Les grandes rues du Caire avaient tellement changé par rapport à ce qu’elles étaient dans les années 1950 et 60, à cause des marchands ambulants qui les occupaient. Mais aujourd’hui, bonne nouvelle pour tous les passionnés du centre-ville! Les rues du Caire sont revenues à ce qu’elles étaient dans le temps. On les avait presque oubliées à cause de l’invasion des marchands ambu­lants qui a duré des années. Du jour au lendemain, les envahisseurs ont disparu, suite à une décision du premier ministre d’évacuer tous les marchands qui occu­paient le centre-ville et de les reloger au garage d’Al-Torgomane, pas très loin du centre.

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Avec le départ des marchands ambulants, fini l›anarchie dans les rues du Caire. (Photos: Mohamed Abdou)

Rue 26 Juillet, Talaat Harb, Qasr Al-Nil. Autant de rues célèbres du centre-ville qui avaient perdu toute leur gloire, pas seule­ment à cause de l’invasion des marchands ambulants, mais également à cause des magasins. « Ce ne sont pas seulement les gens qui affichaient leur mécontentement, mais on avait l’impression que les rues et les murs aussi se plaignaient et avaient l’air triste », note Karima Gabr, qui habite rue 26 Juillet. Aujourd’hui, une semaine après l’évacuation des marchands, le centre-ville a redoré son blason et paraît différent. La fraîcheur et la tranquillité enveloppent les lieux et la région semble respirer l’air frais après une longue période d’intoxication. « Enfin, nous nous sommes débarrassés de ces parasites. Nous étions comme entraînés dans un cauchemar sans fin. Les marchands ont imposé leur loi à tout le monde, y compris l’Etat », dit Karim Abdel-Rahmane, avec un grand sourire. Ce dernier, qui habite la rue Talaat Harb avec sa femme et ses deux enfants, souffrait, comme les autres habitants du centre-ville, de l’anarchie totale. « Les marchands encerclaient notre immeuble. Il n’y avait pas moyen de se garer. Ils gênaient les patients qui fréquentaient les cliniques du centre-ville », affirme Abdel-Rahmane. Pour lui, le même calvaire se répétait tous les jours. Il était obligé de garer sa voiture très loin dans un garage public avant de rentrer chez lui. Les mar­chands utilisaient l’entrée du bâtiment pour se reposer ou stocker leurs marchan­dises. Aujourd’hui, après l’évacuation des marchands, la pagaille a disparu et les rues sont beaucoup plus calmes. Un fait que Abdel-Rahmane et ses voisins ont tenu à fêter à leur manière. Pendant toute une soirée, ils ont tiré des feux d’artifice. Puis, ils ont entamé des travaux de maintenance, de peinture et de propreté dans leur immeuble dont l’architecture remonte à l’époque du khédive. Aujourd’hui, une bonne dizaine de pots de plantes sont ins­tallés à l’entrée de l’immeuble. « On ne veut plus voir ces scènes qui nous pol­luaient la vue », s’exclame, non sans joie, Abdel-Rahmane.

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La rue Soliman pacha au centre ville. Un calme auquel les égyptiens n›étaient pas habitué. (Photos: Mohamed Abdou)

Cet esprit est désormais celui de tous les habitants du centre-ville. Certains citoyens travaillent sur les façades de leurs immeubles ou de leurs magasins. Les ouvriers de la municipalité achèvent les travaux de maintenance et de propreté dans chaque coin du centre-ville. Bref, le centre du Caire fait peau neuve. « Les gens, que ce soit les piétons ou les habi­tants, sont très coopératifs. Contrairement à ce que nous nous attendions, ils ne sont pas gênés par certaines mesures, comme par exemple l’interdiction d’accès à cer­taines rues », dit l’un des ouvriers à la rue Qasr Al-Nil. En sortant de la station de métro souterrain de la rue 26 Juillet, Ramez ouvre grand les yeux et scrute les lieux. Après trois ans d’absence, il vient voir l’appartement de ses parents qu’il avait quitté il y a quelques années à cause de l’impossibilité de « vivre au centre-ville ». « Je vis aux Etats-Unis avec ma famille depuis dix ans et je garde cet appartement pour pouvoir le louer. Mais personne ne voulait le louer car le quartier a été envahi par les marchands ambulants, et cela provoque de nombreux désagré­ments. Par exemple, il n’y avait pas moyen de garer la voiture », dit Ramez. Ce der­nier, qui avait l’intention de vendre l’ap­partement, pense désormais y ramener ses enfants pour leur montrer le centre-ville où il a passé son enfance à côté du cinéma Métro et du café l’Américaine. « J’essayais de les convaincre que Le Caire n’est pas moins joli que Paris ou Londres, mais en regardant les photos récentes, ils trou­vaient plutôt que le centre a l’aspect d’un quartier populaire. Maintenant, les choses ont un peu changé », dit Ramez avec fier­té.

Les piétons se déplacent librement sur les trottoirs propres qui paraissent plus larges qu’avant, bien que leur superficie soit la même. Il n’y a plus rien sur les trot­toirs, sauf quelques stands de vendeurs de journaux et de bouquins qui sont parfaite­ment en règle. Il est difficile de ne pas remarquer la fluidité de la circulation et la disparition du bruit et du chaos qui domi­naient, à cause des marchands qui criaient à haute voix, ou parfois même à l’aide d’un haut-parleur pour faire la propagande de leurs marchandises.

Les magasins ouvrent grandes leurs portes pour accueillir leurs clients, dispa­rus depuis longtemps. « Ces marchands ont de tout temps existé. Mais c’est surtout après la révolution de 2011 qu’ils ont com­mencé à pousser comme des champignons et ils ont transformé notre vie en cauche­mar. Ils ont occupé les rues, les trottoirs, les garages, les entrées des immeubles et les seuils des stations de métro », dit Ragab Ahmad, propriétaire d’un magasin, en expliquant la raison pour laquelle la clientèle ne pouvait approcher les lieux. D’après lui et ses collègues, des voleurs et des vendeurs de drogue se cachaient au milieu des marchands et travaillaient en catimini. La même frayeur s’est emparée des propriétaires des magasins qui ne pou­vaient pas dire mot ou réagir face à cette invasion, car eux aussi n’osaient pas faire face à ces voyous déguisés en marchands. Samir, propriétaire d’une boutique, évoque l’exemple d’un magasin du quartier de Attaba qui a été brûlé et démoli par les marchands ambulants car son propriétaire a osé, dit-on, les gronder et a essayé de les chasser. Ils exposaient des marchandises bon marché, il est vrai, mais de mauvaise qualité. « Nous vivions au milieu d’une mafia qui était très bien organisée et on pensait qu’elle ne disparaîtrait jamais », dit Samir, dont les clients commencent à affluer de nouveau.

Cependant, certains employés du centre-ville regrettent les marchands ambulants, car ils leur offraient des marchandises bon marché. « Je ne nie pas que l’anarchie a disparu, mais je crains une éventuelle hausse des prix dans les magasins après l’évacuation des vendeurs ambulants », dit Chaïmaa. Maintenant, on ne voit que quelques individus ici ou là vendant des objets qu’ils tiennent à la main, comme les ceintures en cuir ou les cravates. « Puisqu’ils ne gênent personne et n’occu­pent pas les territoires, on les laisse », dit un officier de police qui fait partie de l’ef­fectif déployé au centre-ville.

En effet, la police et l’armée veillent à l’application de la décision et empêchent les marchands de revenir. Les policiers, qui avaient l’habitude de jouer au chat et à la souris avec les marchands ambulants, affirment que cette fois-ci, la situation est différente et les marchands ne reviendront pas, car tout le monde veut retrouver la paix et la sécurité. « On n’accepte plus qu’un marchand approche. Immédiatement, on le dénonce à la police qui réagit sur-le-champ », affirment des habitants et des propriétaires de magasins. Ces derniers sont heureux de retrouver le cher centre-ville du bon vieux temps.

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