« Les handicapés, surtout les sourds-muets, ont le droit de faire des études universitaires! Cette catégorie de handicapés subit une grande injustice, et la société fait tout pour les écarter de la scène », revendique Tamer Anis, ingénieur sourd-muet et membre du Conseil national des handicapés.
Cet ingénieur, promu en 1990 de la faculté des arts appliqués, section design intérieur, est un cas exceptionnel. Il a pu faire des études universitaires en insistant auprès des responsables des universités. « Ma mère avait tellement confiance en ma capacité de réussir, elle était mon porte-parole pour revendiquer mon droit à l’enseignement », ajoute Anis, se souvenant de sa mère décédée qui l’avait soutenu jusqu’au bout. Effectivement, il a obtenu une mention générale Très Bien en dernière année d’études. Cette mère, attristée par le handicap de son fils causé par une erreur médicale, l’a encouragé à déployer un maximum d’efforts pour mener une vie normale comme ses frères.
« J’ai travaillé fort pour combler l’absence d’un interprète, d’autant plus que je n’avais pas d’éducation linguistique suffisante me permettant de comprendre les matières d’histoire à la faculté », raconte-t-il. Par contre, il était brillant en mathématiques, il aidait ses collègues, et à leur tour, ils essayaient de trouver moyen de lui expliquer l’histoire. En effet, les sourds-muets connaissent mal la langue arabe, lorsqu’ils sont en 2e préparatoire, ils apprennent le programme d’arabe de la 5e primaire.
Anis a travaillé comme charpentier dans une grande société de construction pendant ses études secondaires. Il rassemblait les dessins et plans sur lesquels les ingénieurs travaillaient et les étudiait chez lui. C’est ainsi qu’il a appris la technique de travail des ingénieurs. A l’époque, il avait obtenu la 3e meilleure place nationale aux examens de fin d’études secondaires pour les handicapés avec un pourcentage de réussite de 80%.
Les facultés de pédagogie et d’arts appliqués avaient refusé de l’accueillir, car jamais un sourd-muet n’avait pu atteindre l’enseignement supérieur. Mais grâce à son génie en mathématiques, il a pu y entrer. « Pour être sûr d’avoir bien compris telle ou telle information, je m’adressais à plusieurs collègues », raconte-t-il.
Anis travaille aujourd’hui dans une société pétrolière. A travers une ONG dont il est président, et le Conseil national des handicapés dont il est membre, il cherche à défendre les droits des sourds-muets. « Disposer d’un interprète pour les sourds-muets est un droit. Ceux qui ont les moyens se dirigent vers l’enseignement privé. Ceux qui n’en ont pas, renoncent complètement à l’enseignement supérieur », dénonce-t-il.
Anis souhaite qu’en Egypte, les sourds-muets puissent avoir le droit à une vie normale comme dans les pays développés. Enseignement, santé et impôts réduits sont les priorités qu’il veut soumettre au prochain Parlement. « Il faut d’abord que l’Etat admette le langage des signes en tant que langue officielle pour les sourds-muets, afin qu’ils aient la chance de faire des études universitaires », conclut-il .
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