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Des femmes au service de l’environnement

Hanaa Al-Mekkawi , Mercredi, 16 octobre 2024

L’association de protection de l’environnement à Manchiyet Nasser (Fondation Sawiris), au Caire, travaille depuis 40 ans pour transformer la société et protéger l’environnement à travers le développement de la femme.

Des femmes au service de l’environnement
L’objectif est de lutter contre l’analphabétisme, d’augmenter les revenus des femmes et de protéger l’environnement. (Photo : Tamer Abdin)

En remontant la montagne d’Al-Moqattam, aux abords du Caire, on atteint le quartier de Manchiyet Nasser, connu sous le nom de quartier des Zabbaline ou chiffonniers. C’est le lieu où réside la majorité des chiffonniers en Egypte et où ils rassemblent et trient les déchets de la capitale. En s’enfonçant dans le quartier, les rues deviennent de plus en plus étroites et une odeur désagréable vous envahit. Les déchets sont dispersés entre les maisons, voire à l’intérieur.

Presque tous les murs des bâtiments et des magasins sont décorés de croix et de photos de saints chrétiens. Ces symboles témoignent de l’homogénéité de ce lieu majoritairement chrétien. Cependant, comme dans n’importe quel autre endroit en Egypte, la population est variée, dont témoigne la présence de versets du Coran et de symboles musulmans sur certains magasins et façades.


(Photo : Tamer Abdin)

Petit à petit, l’odeur désagréable commence à s’estomper jusqu’à ce que l’on se trouve devant l’Association de protection de l’environnement. Celle-ci, créée en 1984, occupe la même localité au bout du quartier depuis 40 ans et continue de jouer son rôle initial : développer la société et préserver l’environnement. « Nous atteignons notre objectif grâce à diverses activités qui contribuent à améliorer la qualité de vie des femmes et, par conséquent, celle de leurs familles. Nous protégeons également l’environnement à travers le recyclage des ordures et la sensibilisation des habitants », dit Mona Wilson, volontaire à la direction de l’association.

L’école est l’activité la plus ancienne ici, et elle demeure toujours la plus importante. Les classes de garderie de l’association accueillent 144 enfants de 6 mois à 6 ans pendant la journée. Un son de musique légère s’échappe de leurs classes durant la période de sieste. Les après-midis, 250 élèves des cycles primaire et préparatoire s’y rendent pour faire leurs devoirs et recevoir des explications sur les matières scolaires.


(Photo : Tamer Abdin)

L’endroit est spacieux et comprend une salle de bain qui semble être en cours de rénovation. Selon Wilson, ces classes permettent aux enfants d’acquérir leur autonomie et de bénéficier d’une éducation de qualité. Les jeux et l’enseignement sont utilisés pour leur apprentissage.

Il y a également des cours d’alphabétisation destinés aux mamans. « La Direction de l’éducation nationale nous apporte son soutien en nous envoyant des examens afin de permettre aux filles de rejoindre les écoles du ministère », indique Wilson. Elle précise que ces cours sont payants, tandis que pour les plus démunies, ils sont gratuits. « Des études sociales sont menées afin de comprendre les conditions de chaque famille et de lui offrir le meilleur service possible ».

D’après Wilson, il existe une longue liste d’attente pour toutes les classes de l’école, mais étant donné que la capacité est réduite, la priorité est accordée aux personnes les plus nécessiteuses.


Transformer les ordures en objets d’art, tel est le travail des femmes de l’association. (Photo : Tamer Abdin)

L’art des déchets

En quittant les classes pour se rendre aux ateliers de recyclage des déchets, on traverse une vaste cour sur laquelle est érigé un terrain de football. Ce terrain a été récemment aménagé à la place de l’espace de terre où les ordures organiques étaient collectées pour être transformées en compost. Selon Békhit, superviseur, ces déchets ont été déplacés dans un autre endroit au milieu du désert pour éviter l’odeur désagréable. Il poursuit : « Nous avons utilisé cette portion de terre pour créer ce terrain de football pour tous les résidents du quartier, en recyclant des millions de sachets de chips qui couvraient le sol ».

Dans les ateliers de recyclage, chaque femme travaille comme une experte dans son métier. Elles transforment les déchets de papier, de verre et de métaux légers en objets artistiques. L’atelier de tissu est similaire, mais les pièces de tissu avec lesquelles elles travaillent ne sont pas des déchets, mais proviennent des restes des usines de textile.

Nahed Chawqi, volontaire et l’une des fondatrices de la section des tissus, dit que les femmes de cette association étaient les premières à travailler avec le patchwork. Elle a commencé il y a 30 ans à apprendre cet art avec quelques femmes du quartier. Aujourd’hui, ce sont les filles de ces femmes qui travaillent dans l’atelier et transmettent leurs compétences aux nouvelles générations. « Notre but est de lutter contre l’analphabétisme, d’augmenter les revenus des femmes et de protéger l’environnement », dit Chawqi. Elle explique qu’un nouveau groupe est accueilli tous les trois mois pour apprendre à transformer les morceaux de tissu en couvre-lits, sacs, nappes et autres belles créations.


(Photo : Tamer Abdin)

Pendant ce temps, ces femmes reçoivent un salaire pour les encourager à venir et les inciter à suivre les cours d’alphabétisation. « Après la période de formation, nous offrons une machine à coudre à la femme pour qu’elle puisse travailler chez elle, puis elle rembourse son prix avec l’argent qu’elle gagne de son travail », dit-elle.

« Ici, on apprend comment une chose que l’on pense sans valeur peut en réalité avoir une grande valeur », dit Néama, qui a rejoint l’association en 1988, lorsqu’elle avait 5 ans et venait avec sa maman. Cette dernière a appris à lire et à écrire ici, puis est allée à l’école et ensuite à l’université.


(Photo : Tamer Abdin)

Les autres ateliers fonctionnent de manière similaire. On voit des femmes douées, éduquées et bien entraînées transformer d’anciens morceaux de papier, des journaux ou des cahiers en sacs cadeaux, sous-tasses, calendriers et tableaux artistiques. L’ancien verre est utilisé comme pièce de décor. Les cannes métalliques d’eau gazeuse et les capsules de machines à café sont transformées en sacs à main et en accessoires. « Si on nous donne un modèle, on le reproduit, mais si l’une d’entre nous a un design, elle le réalise », dit Ahlam, entraîneuse.

Le mot-clé : La femme

Cette association est la seule organisation non gouvernementale dans le quartier et a réussi à apporter de nombreux changements, surtout à la situation des femmes. Selon Nadia Eskandar, volontaire, l’association a abordé avec les femmes du quartier tous les sujets au fil des années, y compris les sujets tabous liés à leur santé et à leurs familles. L’excision, le tétanos, le virus C, l’éducation des filles et d’autres sujets ont été abordés à haute voix. Elle dit que la prise de conscience générale que ces femmes ont acquise et ont pu transmettre à leurs proches a influencé la société au-delà de l’association. Le siège de l’association comprend également une clinique ouverte à tous les résidents du quartier.


(Photo : Tamer Abdin)

Celui qui connaît bien le quartier et s’y rend aujourd’hui peut facilement constater le changement apporté. Le quartier était un bidonville, tandis que ses maisons sont aujourd’hui construites en pierre. Les animaux ne sont plus élevés au même endroit que les habitations. On utilise des gants pour trier les ordures. Le tri se fait de moins en moins dans les maisons.

Aujourd’hui, toutes les filles vont à l’école et les femmes travaillent, alors que le rôle de ces dernières était auparavant limité à attendre que les ordures soient ramenées par leur mari pour les trier. « Les grandes usines viennent demander aux femmes du quartier de travailler pour elles et envoient des bus pour les ramener grâce à leur bonne réputation », dit Mona Wilson.

La visite de ce quartier exceptionnel ne peut prendre fin sans passer par le magasin qui expose tous les produits des ateliers et en prendre quelques souvenirs. Des pièces artistiques variées, faites avec une créativité sans limite. De l’art créé par les mains de femmes et qui s’exporte partout dans le monde.


L’association reçoit 394 enfants âgés de 6 mois à 6 ans, en plus de 250 élèves du primaire et du préparatoire. (Photo : Tamer Abdin)

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