Beaucoup de blogueurs ont transmis les discussions de leur monde virtuel vers les cafés du centre-ville ou de Zamalek.
(Photo:Nader Osama)
« Dans notre village d’Al-Dawadiya, dans le gouvernorat de Minya, la société est impitoyable avec les femmes stériles. Je connais l’histoire de trois soeurs qui ont souffert de ce sort. La première a été répudiée car elle ne pouvait pas avoir d’enfants. Le mari de la deuxième a été obligé de divorcer sous la pression de ses parents qui pourtant l’aimaient bien. Les raisons de ces divorces ont fait le tour du village. C’est pourquoi dans cette bourgade, personne n’a osé demander la main de la troisième. Les trois soeurs sont restées en retrait de la société, pleurant sur leur sort jusqu’au jour où un prétendant, natif d’un village lointain, a eu le courage de se marier avec la troisième. Après de longues années d’attente et de souffrance, cette dernière a fini par tomber enceinte. Aujourd’hui, elle a deux enfants et nage dans le bonheur avec son mari », relate ce blogueur de Minya qui explique le sort des femmes dans les provinces de la Haute-Egypte à travers sa propre expérience. Avec un style enfantin, il a profité de cet espace pour partager ses souffrances avec son blog Arzoiyat Al-Saïd (journalières en Haute-Egypte).
Ce blog créé en 2010 a permis la naissance d’une initiative libre et indépendante grâce à l’ONG Bent Al-Rif (la fille du village) en collaboration avec l’institution d’Al-Maraa Al-Gadida (la nouvelle femme). D’après Nevine Ebeid, responsable du projet à l’institution d’Al-Maraa Al-Gadida, l’ONG a offert aux filles de ce village des ordinateurs portables avec des connections Internet tout en leur enseignant comment fonctionne un blog. « Le blog a été un révélateur du statut de la femme. Un espace à travers lequel les villageoises s’expriment et réclament leurs droits concernant la santé, l’éducation, tout en dénonçant le mariage précoce des filles et les conditions déplorables des femmes qui travaillent dans les carrières. Une initiative fructueuse puisqu’elle a amélioré le statut et les conditions de la femme », confie Nevine Ebeid, tout en ajoutant que ce projet rencontre plusieurs difficultés depuis la révolution de janvier. « Nombreuses sont les raisons qui empêchent les femmes de ces villages de s’exprimer, car elles ont peur que les habitants s’en prennent à elles surtout en l’absence de lois qui les protègent. Ces expériences personnelles auraient pu être expliquées normalement si la société était moins fermée », assure Ebeid.
Alaa et Manal, un couple d’activiste célèbre, ont été un exemple à suivre pour d’autres blogueurs.
Statut plus clément
Autre scène, autre image. Dans le gouvernorat de Mahalla Al-Kobra, le blog d’une pharmacienne défraie la chronique. En arabe dialectal, Ghada Abdel-Al lance un cri à travers son blog Ayza Atgawez (je veux me marier). Bien que dans ce village, le statut de la femme soit plus clément par rapport à celle de Haute-Egypte, Ghada et d’autres jeunes filles expriment les souffrances et pressions sociales qu’elles subissent pour se marier avant 30 ans. « En racontant mon histoire, beaucoup de jeunes filles m’ont confié qu’elle reflétait leurs propres sentiments », confie-t-elle. Aujourd’hui, et bien qu’elle ait conservé le même nom pour son blog, elle a fini par changer de thème. « A l’époque, ma seule préoccupation était le mariage. Actuellement, d’autres problèmes m’occupent l’esprit », avance Ghada qui collabore avec d’autres blogs dont Kolona Laïla (nous sommes toutes Laïla) dont l’objectif est de réunir les blogueuses égyptiennes pour écrire en commun.
Cet amalgame entre le privé et le général semble distinguer les blogs de femmes. Un sujet qui commence par une simple considération pour toucher les soucis de toute une société. « Quand j’expose un problème ou je rapporte un événement sur le blog, je le fais avec sincérité car il a eu un impact sur ma vie personnelle », confie Radwa Ossama, chercheuse en psychiatrie qui a effectué en 2006 une étude sur le taux d’expression de soi-même sur les blogs, étude de comparaison entre les blogs féminins et masculins. Résultat : les blogs de femmes reflétaient plus leurs problèmes personnels en comparaison avec ceux des hommes. D’ailleurs, 42 % des blogueuses signent leurs blogs de leur propre nom .
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