Il est un peu plus de 5h du matin et un rayon de soleil tente de percer les lieux. Situé dans un endroit magnifique au sud du Sinaï d’Egypte, la ville de Dahab est un paradis au milieu des montagnes. Une région réputée pour son ambiance apaisante et spirituelle, propice à une bonne pratique du yoga. Autrement dit, entre les plages paradisiaques, le désert et les montagnes, les lieux sont nombreux pour accueillir les séances de yoga.
Devant l’instructrice, une dizaine de femmes, installées sur leur tapis, s’apprêtent à en découdre avec leurs membres raidis. Souffler, contrôler, relâcher, transpirer, méditer … Pendant près d’une heure, profondes respirations et mouvements physiques, effort et décontraction vont de pair. Voilà à quoi ressemble un cours de kemetic yoga, discipline que Riham Gamil, coach de yoga, enseigne depuis trois ans. Ses vertus : raffermissement de la silhouette, renforcement du dos et oxygénation des cellules. « Le kemetic yoga découle de la pratique et de la philosophie des grands sages de l’Egypte Antique. Il comprend un travail progressif sur les mouvements accompagné d’un travail sur la respiration », lance-t-elle, tout en ajoutant que le yoga est un état d’esprit qui trouve ses fondements dans le continent africain et permet un éveil spirituel.
Le terme « kemetic » découle de « Kemet », nom qui désigne l’Egypte en langue pharaonique. Riham Gamil, qui anime des stages et des séminaires autour de sa discipline, tient également à organiser des retraites de yoga se déroulant dans des lieux paisibles ou dans un cadre naturel loin des distractions de la vie quotidienne. « La retraite de yoga à Dahab est une expérience de trois jours qui coûte 5 000 L.E. (repas, activité et transport inclus). La première partie de la retraite est le magnifique chemin qui mène au désert lui-même, où les participants sont amenés dans un safari dans l’un des plus beaux paysages du monde. Arrivés au camp, installé par des bédouins qui vivent dans le désert, les participants dorment dans des tentes au-dessous du vaste ciel couvert d’étoiles », explique-t-elle. Elle ajoute que la nourriture est également préparée par les bédouins et que l’expérience est vraiment unique. Deux séances de yoga par jour, l’une au lever du soleil, l’autre au coucher du soleil. Les participants ont la possibilité d’explorer d’autres activités pendant la journée, comme le sandboarding, sans oublier les ateliers pour prendre confiance en soi et cultiver son énergie créative. La méditation est également recommandée, mais les participants sont libres de passer la majeure partie de la journée comme ils le souhaitent. De quoi passer des vacances zen.
Selon Riham Gamil, « l’idée c’est de créer un espace ouvert à tous, où personne ne juge personne, où l’on peut cultiver l’amour, la paix et la joie de vivre de manière inconditionnelle pour se reconnecter avec le côté spirituel et vital de la vie. Mais les retraites sont toutes différentes les unes des autres et c’est pour cela qu’il faut déterminer ses besoins avant de s’inscrire à une retraite pour s’assurer d’aller trouver ce dont on a besoin ».
Les femmes sont plus nombreuses à faire du yoga.
Se recharger les batteries
Le premier avantage d’une retraite de yoga, dit Gamil, c’est qu’elle permet de s’arrêter et c’est ce que recherchent la majorité des gens. « Lorsqu’on vient à un cours, c’est déjà bien parce qu’on cultive un petit espace pour soi, mais dès que c’est terminé, on retourne dans le tourbillon. Lorsqu’on fait une retraite, on s’accorde de petites vacances et on peut pratiquer des choses qu’on n’a pas le temps de faire en studio dans un cours d’une heure », assure Gamil.
Tel est le cas de Hassan Mostafa, un chirurgien qui, pour la première fois de sa vie, participe à une retraite de yoga. Son but est de reprendre ses forces et de se consacrer pendant trois jours à lui-même, en pleine nature, à l’écoute de son corps et de sa spiritualité. « Les semaines s’enchaînent, les journées de travail s’accumulent, et avec cette fatigue, j’ai besoin de faire une pause, de déconnecter d’un quotidien effréné et de passer un week-end de détente à 100 % loin de mon travail et aussi de ma famille », explique-t-il. Sans réseau de téléphonie mobile, il en a profité pour se donner le défi supplémentaire de ne pas utiliser son portable pendant ces trois jours afin de profiter pleinement de l’expérience. Chose qu’il n’avait jamais osé faire auparavant. « Le silence est réparateur, régénérateur. Ça m’a permis de déconnecter complètement et de vivre des moments pour moi uniquement », dit Mostafa qui, une fois rentré de la retraite, est devenu très productif et est arrivé facilement à manifester ses idées et à mener à bien les projets démarrés.
Idem pour Zeinab Ali, mère au foyer de 39 ans qui y trouve son bonheur et rentre plus zen à la maison. « Je me sens beaucoup mieux après chaque retraite. Et pourquoi pas puisque j’ai pu recharger mes batteries, me ressourcer et me débarrasser des ondes négatives, afin de pouvoir supporter les conditions de vie difficiles et continuer », confie-t-elle.
Les femmes particulièrement ciblées
Nesma Khedr, life coach qui a décidé d’organiser des retraites pour femmes uniquement. « Car les femmes particulièrement ont toujours beaucoup de choses en tête et leur attention est toujours à l’extérieur d’elles-mêmes. La retraite leur permet de se recentrer sur elles-mêmes et se réapproprier leur énergie », affirme Nesma qui a lancé, il y a trois ans, un groupe sur Facebook et Instagram appelant les femmes à se réunir au-delà des écrans pour se divertir et passer de bons moments ensemble. « Grâce à ces retraites, j’ai retrouvé mon âme d’enfant, mes éclats de rire et ma bonne humeur. J’ai fait aussi de nouvelles connaissances et j’ai créée de nouvelles amitiés », lance Nagwa Ayad, une femme de 52 ans qui s’est sentie bien dans sa peau dès sa première retraite passée au village de Tunis, au Fayoum. Et comme le prônent Nesma Khedr et d’autres life coachs dans leurs séances : commencer par soi-même, et tout le reste viendra.
Cependant, Mondah, coach de yoga, tente de faire connaître le yoga dans les différentes régions du pays en organisant des ateliers ouverts à tous. « La pratique du yoga se résume souvent, dans la tête de beaucoup d’Egyptiens, à l’image d’une personne assise jambes croisées et yeux fermés pendant des heures », constate-t-elle, tout en ajoutant que les femmes sont plus nombreuses à participer aux séances de yoga. Selon elle, les femmes âgées de 35 à 60 ans sont beaucoup intéressées par ce type d’expérience. Fayoum, Charm Al-Cheikh, Dahab et Siwa restent les lieux privilégiés pour une retraite bien-être. « Yoga, méditation ou surf, on retrouve l’envie profonde dans chaque escapade de réconcilier corps et mental, souvent déconnectés dans nos rythmes de vie. C’est pourquoi toutes les retraites sont une jolie équation entre un lieu empli de charme, un programme sportif encadré par un professeur expert dans sa discipline et une cuisine healthy toujours délicieuse », souligne Mondah.
Les retraites de yoga séduisent mais sont considérées comme trop cher.
Effet mode ou besoin réel ?
Besoin d’un break, de couper avec un rythme infernal, de prendre du recul ou simplement un peu de bon temps zen. Les vacances de yoga sont là, nous disent les organisateurs en vantant leurs offres : week-end, séjours dans un chalet de montagne isolé, journée de détente au bord de la mer ou encore retraites méditatives et sportives.
Mais ces séjours sont coûteux, se plaint Dalia, 45 ans, qui a commencé à s’initier au yoga il y a un an et qui a été tentée par l’expérience. « C’est vrai que ça a l’air sympa, que ça peut nous permettre de faire une vraie pause, mais c’est beaucoup trop cher et j’ai l’impression qu’il y a beaucoup de business aussi », dit-elle. « Et puis, par les temps qui courent, ce n’est vraiment pas prioritaire vu la cherté de la vie », ajoute-t-elle.
En effet, les retraites spirituelles se sont transformées en une tendance. Et sur les réseaux sociaux, les offres pullulent. Pour attirer le public, les créneaux de ces nouvelles villégiatures ne cessent de se diversifier : des voyages de yoga, de surf, de Tai-chi, de Reiki aux séjours détox, en passant par des semaines de méditation en silence total. Et elles attirent nombre d’Egyptiens, en quête de déconnexion ou dans une dynamique individuelle de changement, même si une bonne tranche n’y croit pas vraiment. « Offrez-moi de simples vacances au bord de la mer, loin du brouhaha du Caire, loin des responsabilités du boulot, du stress du quotidien et je serais plus que ravie ! Et ça fera l’effet de ces retraites ! », ironise Alia, banquière de 40 ans et mère de deux enfants.
Or, pour la sociologue Samia Saleh, ce sont ceux qui sont lassés et stressés par le rythme infernal de la vie qui sont tentés d’embrasser à bras ouverts ces modes de vie New Age qui leur apportent la réponse à leurs besoins, comme l’ont fait les Américains dans les années 1960, qui cherchaient à instaurer un nouveau paradigme de vie. « On assiste en Egypte à un phénomène qui peut être comparé aux Sixties aux Etats-Unis, ouvrant la voie à une foule de psychologues, formateurs, coachs, thérapeutes et conseillers en ressources humaines. Ces acteurs nouveaux se sont présentés comme des spécialistes du développement personnel. Sous leur influence, d’innombrables techniques ont vu le jour », explique-t-elle. Elle ajoute que des stages, des séminaires et des consultations du genre attirent un public de plus en plus large. Les manuels de développement personnel ont inondé les rayons des librairies. Un véritable marché de l’épanouissement s’est constitué. Autrement dit, une pratique qui, en temps de morosité ambiante, de crise économique ou encore de frustrations, séduit un nombre croissant de personnes, en Egypte comme partout dans le monde.
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