En 2025 les personnes âgées représenteront 18 % de la population.
Sur le pont du 6 Octobre, Amin, 70 ans, roule à 80 km/heure. C’est la vitesse maximum autorisée, indiquée sur une pancarte au milieu de la passerelle. Derrière lui, une longue file de voitures. Les klaxons se font de plus en plus pressants, incitant le conducteur à aller plus vite.
Un jeune conducteur, qui roule à vive allure, bloque le passage à Amin et lui conseille de rentrer chez lui et de laisser la rue aux rois du volant : les plus jeunes. « Au revoir guédo, grand-père » lui lance-t-il avec ironie.
Une scène qui se répète fréquemment dans la rue égyptienne, comme si les personnes âgées n’avaient pas le droit d’exister. « L’attitude de la rue témoigne de la vision des jeunes à l’égard des personnes âgées », explique Chérif Khalaf, président de l’association La Jeunesse éternelle, chargée de défendre les droits des retraités en Egypte.
Selon les chiffres de l’Organisme central de mobilisation et du recensement, les personnes du troisième âge représentent 7,1 % de la population, soit environ 2,9 millions d’hommes et 3 millions de femmes.
Mais seuls 9 % arrivent à gérer eux-mêmes leur quotidien sans aide extérieure : 70 % vivent avec leurs enfants ou leurs petits-enfants.
D’après les études effectuées, le taux de personnes âgées pourrait atteindre les 18 % en 2025 car la durée de vie augmente. Ce changement démographique requiert de prendre dès aujourd’hui un certain nombre de mesures.
Pour le sociologue Rachad Abdel-Latif, professeur à l’Université de Hélouan, les services de proximité sont devenus une priorité, afin d’éviter aux personnes âgées des trajets fatiguants et peu adaptés à leur situation.
Théâtre d’incivilités
« La rue est le meilleur reflet d’une vision péjorative qui considère les personnes âgées comme un fardeau. Sa mission terminée, il doit partir puisqu’il n’est plus productif », explique Samir, 65 ans, qui estime que les nouvelles générations sont de plus en plus irrespectueuses à l’égard de leurs aînés.
Selon la sociologue Nadia Okacha, les valeurs de la société, qui autrefois montraient plus d’égard à l’encontre des personnes âgées, ont aujourd’hui tendance à disparaître. L’ouverture sur le monde extérieur a, en effet, importé une culture plus pragmatique envers les âgés.
Selon Okacha, la révolution du 25 janvier, déclenchée par les jeunes, a chamboulé certaines valeurs, « perçue comme un soulèvement des jeunes contre les vieux au pouvoir. La rue a réagi tout de suite face à ces mutations sociopolitiques ».
La rue n’est souvent qu’un théâtre d’incivilités. Dans les moyens de transport, les sièges, réservés aux personnes du troisième âge, sont la plupart du temps occupés par les jeunes. Quand Ahmad, 72 ans, prend l’autobus, il doit se disputer pour que quelqu’un lui cède sa place. Après avoir reçu des coups de coude, il tente sa chance avec un jeune homme qui lit le Coran et lui demande de lui céder sa place. Ce dernier refuse sous prétexte qu’il est en train de prier.
Pourtant, les personnes âgées n’ont d’autres alternatives que d’utiliser les transports en commun. Leurs modestes retraites ne les autorisent pas à s’offrir le luxe d’un taxi. « J’aimerais prendre un taxi, mais je ne peux me le permettre qu’une fois par mois lorsque je vais toucher ma pension. C’est un moyen pour moi d’éviter les pickpockets qui ciblent les personnes âgées », regrette Ahmad, qui n’a d’autre choix que d’affronter chaque jour la dure réalité de la rue égyptienne.
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