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Mon cerf-volant, mon plaisir

Hanaa Al-Mekkawi , Dimanche, 09 juillet 2023

Le cerf-volant est un loisir très populaire en Egypte. On le voit fréquemment dans les quartiers populaires et surtout sur les plages. Focus.

Mon cerf-volant, mon plaisir
(Photo : Mohamad Mounir)

L’année scolaire est terminée. C’est les vacances, le moment de profiter des petits plaisirs de l’été. Dans de nombreuses régions du Caire et dans les gouvernorats, l’été est par excellence la saison du cerfvolant. On voit souvent par-ci et par-là ces objets en papiers colorés retenus par des fils, flottant dans les airs et dirigés par des enfants rassemblés dans une cour spacieuse ou sur le toit d’une maison. Cette scène est particulièrement fréquente dans les quartiers populaires et sur les plages environ une heure avant le coucher du soleil. Le plaisir est d’exhiber son cerfvolant, de le faire planer et de le hisser haut dans le ciel tout en le contrôlant pour qu’il ne tombe pas. Une chose qui semble facile pour ceux qui se contentent de contempler de loin ces objets volants, admirant leurs formes et leurs couleurs qui ondulent au gré du vent comme une volée de papillons. Mais lorsqu’on s’approche pour voir celui qui tient la ficelle, on se rend compte que les choses ne sont pas aussi faciles. Maintenir un cerf-volant dans le ciel nécessite une grande adresse pour le stabiliser, et ce, en dépit de sa simplicité.


Une certaine technique est appliquée pour stabiliser le cerf-volant au vol. (Photo : Mohamad Mounir)

Dans son petit atelier, entouré d’un amas de baguettes en bois, de bobines de ficelles et d’une pile de papier de soie et de sacs en plastique, Sayed Ahmad est en train de fabriquer un cerfvolant. « Il n’est pas nécessaire d’avoir beaucoup de matériaux, l’important c’est la technique de fabrication »explique Sayed. Il commence par couper des baguettes, d’une épaisseur de 5 cm, en parties égales de 15 à 20 cm, puis il les dispose horizontalement et verticalement. Pour les relier ensemble, il enroule de la ficelle autour du point d’intersection, afin de fabriquer l’armature du cerf-volant qui a l’aspect d’un losange ou d’une étoile. Il recouvre ensuite cette ossature avec du papier de soie multicolore et fabrique la queue du cerf-volant en lui donnant la forme d’un V. D’après lui, c’est la queue qui stabilise le cerfvolant. « Plus le cerf-volant est grand, plus la queue doit être longue pour faire face à la force du vent »dit Sayed. Une fois le cerf-volant fabriqué, deux longues ficelles sont fixées sur les deux côtés pour pouvoir le diriger dans les airs. « Le cerf-volant est la plus ancienne machine volante inventée par l’homme », ajoute Sayed. Ce jeune homme est le propriétaire d’un atelier de fabrication de cerfs-volants dans le quartier d’Al-Sabtiya au centre du Caire.


 Le cerf-volant, l’un des petits plaisirs de l’été. (Photo : Mohamad Mounir)

Une technique à maîtriser

« Pour faire voler un cerfvolant dans de bonnes conditions, il faut que la force et la direction du vent soient convenables. Il faut se mettre dos au vent pour faire décoller le cerf-volant et dérouler ensuite le fil lorsque celui-ci commence à être emporté par le vent », explique Abdo, 14 ans, assis au milieu d’un ensemble de sacs en plastique colorés, de baguettes en bois et de fils pour fabriquer son cerfvolant. Il trouve plus amusant de le fabriquer lui-même que de l’acheter. Beaucoup d’adolescents ont suivi son exemple et attendent le coucher du soleil pour monter sur les terrasses des immeubles et exhiber des formes étranges de cerfs-volants qui portent parfois des images de leurs idoles, comme la star de foot de Liverpool, Mohamad Salah, mais aussi de personnages de films célèbres comme Superman. Un concours de cerfs-volants est lancé et auquel participe tout le monde. Des cerfs-volants de formes, de tailles et de couleurs variées flottent dans le ciel. Ce genre de concours se tient périodiquement et sert d’activité estivale. Sur les plages, les cerfs-volants attirent les regards des estivants, et là encore, jouer au cerf-volant est une activité plaisante à pratiquer en plein air. « Les cerfs-volants qu’on voit sur les plages sont différents. Bien qu’ils soient légers et faciles à diriger, ils sont fabriqués dans des usines et se ressemblent tous. Il leur manque l’esprit de créativité qui distingue les cerfs-volants fabriqués à la main par des personnes qui les considèrent comme un objet essentiel de la période estivale et non pas comme un passetemps à utiliser pendant quelques minutes au bord de la plage », explique Ghaleb Mandour, qui vit dans le gouvernorat de Suez et qui fabrique des cerfs-volants traditionnels et les vend dans la rue durant les mois d’été. Il a toujours adoré ce jeu depuis son enfance, et aujourd’hui, le cerf-volant est devenu son principal gagne-  pain. Chaque jour, il reçoit des dizaines de commandes et ses clients viennent de partout. « J’essaie de valoriser ce jeu traditionnel que je ne voudrais pas voir disparaître », dit Ghaleb.


(Photo : Mohamad Mounir)

Entre hier et aujourd’hui

L’histoire du cerf-volant remonte à bien longtemps. Il a des adeptes partout dans le monde aussi bien parmi les enfants que les adultes. Bien que l’intérêt qu’on lui accorde ait baissé, il attire irrésistiblement les regards lorsqu’on le voit dans le ciel. On relate l’histoire que la première apparition d’un cerf-volant était en Europe au Ve siècle av. J.- C. et que le Grec Arkhetas était son inventeur. Cependant, des peintures et des textes littéraires ont révélé que les cerfs-volants existaient en Asie de l’Est, en Corée, en Chine, au Japon et en Malaisie avant même cette époque. Le cerf-volant aurait été conçu et fabriqué comme une forme d’art chinois, et certains peuvent penser qu’il a été inventé pour le divertissement, mais en réalité, les cerfs-volants étaient utilisés pour transmettre des messages, détecter des phénomènes naturels, espionner les ennemis, envoyer des signaux et mesurer le temps. Anciennement, les cerfs-volants étaient fabriqués à l’aide de matériaux simples comme le bois et le tissu. En Egypte, le cerfvolant s’est répandu, surtout dans les gouvernorats où les enfants le fabriquaient avec du plastique ou du papier cellophane, du bois léger, ou des feuilles de palmier et des bâtonnets de maïs, car plus légers. Mais comme beaucoup de jeux traditionnels, ce loisir a perdu de sa popularité au profit des jeux électroniques modernes. « C’est un loisir qui convient parfaitement à la saison estivale, mais les nouvelles technologies ont conduit à l’inactivité physique. Aujourd’hui, enfants et adultes sont collés à leurs écrans (télé, ordinateur et cellulaire) », dit Malak Hamouda, 65 ans, ravie de voir ses neveux jouer au cerf-volant avec leurs proches sur la plage.


 Des concours de cerfs-volants se tiennent périodiquement. (Photo : Mohamad Mounir)

Durant la période de confinement liée au Covid-19, le cerf-volant a marqué son retour en puissance dans le ciel de l’Egypte. Les enfants et les adultes passaient leur temps à s’amuser avec des cerfs-volants. On a même vu des cerfs-volants fabriqués avec plusieurs masques de protection contre le Covid à la place du papier de soie en guise de sensibilisation. « Aujourd’hui, les prix des cerfs-volants varient entre 75 et 500 L.E., selon les dimensions et la forme, alors qu’avant, ils ne dépassaient pas le tiers de ces sommes », dit Galal Nabawi, marchand alexandrin. Ce dernier constate aujourd’hui que l’activité est exposée à la concurrence. Il dit qu’auparavant, les fabricants d’Alexandrie attendaient l’arrivée des estivants pour vendre leurs cerfs-volants. « Alexandrie a toujours été le centre névralgique de fabrication des cerfs-volants, aujourd’hui, on rencontre des dizaines de fabricants au Caire et même dans d’autres gouvernorats. Grâce à Internet, ils ont appris tous les secrets du métier, alors que nous, nous en étions les seuls gardiens », dit-il. Galal joue même au cerf-volant avec ses clients et il leur apprend à les faire voler. « Je vends entre 5 et 10 cerfs-volants par jour et la majorité de mes clients sont relativement jeunes », soulignet- il. L’intérêt accordé aux cerfsvolants ne se limite pas au Caire et à Alexandrie, mais s’étend à d’autres gouvernorats comme Al-Arich dans le Nord-Sinaï, où a été organisé un festival de cerfs-volants l’été dernier sur la plage. Celui-ci a transformé le ciel en un magnifique tableau de couleurs et de dessins.


(Photo : Mohamad Mounir)

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