Fayoum, à une heure et demie du Caire, au bord du lac Qaroun. La ville a de tout temps attiré touristes et visiteurs. Ceux d’aujourd’hui découvrent une autre facette de la ville: les plantations de tournesol. Actualité oblige, la guerre en Ukraine et les aléas de la crise alimentaire qui s’ensuivent font que ces plantes à longues tiges atteignant 4 mètres de hauteur, portant une grande fleur de couleur jaune, toutes se dirigeant vers le soleil et le suivant pendant toute la journée, ne passent pas inaperçues. Les visiteurs s’arrêtent même pour prendre quelques clichés.
Cette scène se répète tout au long de l’été, la saison de plantation du tournesol. Al-Fayoum, l’une des provinces agricoles les plus importantes d’Egypte avec 396 000 feddans de terres agricoles, est actuellement la première de la République à cultiver des tournesols, avec 200 feddans.
La culture de cette plante est concentrée dans les villages de Tamya et de Talsa à l’est de Fayoum. Dès le début de l’été, les champs du Fayoum sont parsemés des couleurs du tournesol. De son nom latin, Helianthus annuus L., le tournesol est considéré comme une plante oléagineuse, appartenant à la famille des Astéracées.
Aujourd’hui et plus que jamais, sa culture devient un enjeu stratégique. L’Etat tend actuellement à augmenter sa production à grande échelle pour combler le manque dû à l’arrêt des exportations ukrainiennes de tournesol en raison de la guerre.
Semé pour la qualité de son huile, le tournesol est aussi une plante attirante pour les insectes pollinisateurs, notamment les abeilles.
Objectif : 250 000 feddans de cultures oléagineuses
Selon Rabie Mohamad Moustapha, sous-secrétaire du ministère de l’Agriculture au gouvernorat du Fayoum, 98% de l’huile consommée en Egypte provient de l’étranger. Une situation que l’Etat est en train de changer en augmentant la production nationale d’huile, en développant la culture d’un certain nombre de cultures oléagineuses comme le soja et le sésame, et en particulier le tournesol. L’objectif est de cultiver 250 000 feddans de ces cultures, dont 100000 de tournesol, au niveau de l’Etat, au cours des prochaines années. « Les graines de tournesol contiennent une teneur élevée en huile comprise entre 40 et 45%, et l’huile se caractérise par des propriétés naturelles et chimiques de haute qualité », dit Rabie. Il explique que grâce à sa capacité d’adaptation et sa nature peu exigeante, le tournesol ne nécessite que peu d’eau, d’engrais et de traitements. Son système racinaire puissant lui permet de puiser profondément dans le sol les éléments dont il a besoin. Les tournesols supportent des conditions météorologiques instables et sont cultivés dans n’importe quel sol, à l’exception de celui d’une salinité élevée.
Une graine de tournesol donne 40 % d’huile et 60 % de tourteaux.
« Le choix du Fayoum pour l’expansion de la culture du tournesol s’explique par la qualité de ses terres agricoles et par le fait que l’agriculture est l’activité numéro un », dit Rabie. Il explique que la culture du tournesol commence généralement en mai-juin. On n’a besoin que de 90 jours pour entamer la récolte. En général, on cultive du tournesol entre deux cultures de blé. Un feddan produit une tonne de germes si les graines semées sont locales et 2 tonnes si les graines sont importées. Le cycle peut être répété pendant trois mois successifs
Il existe en fait, d’après le responsable, deux types de tournesols: le premier, dont les graines servent de pépins, et le deuxième qui sert à extraire l’huile. « J’ai planté 10 feddans l’année passée et cette année aussi. Cette plante ne m’épuise pas dans sa culture qui n’a duré que 85 jours, et sa production est très rentable. L’important, c’est le suivi continu avec les responsables du ministère de l’Agriculture pour être au courant des meilleures méthodes pour augmenter la productivité. La bonne nouvelle cette année, c’est que les agriculteurs des champs voisins ont commencé à planter eux aussi du tournesol après avoir vu ma production l’année dernière », affirme Fathi Abdel-Bar, fermier du village de Atsa.
Mohamad Emad, adjoint du gouverneur du Fayoum, explique que les agriculteurs du Fayoum ont longtemps cultivé des tournesols, mais ils l’ont négligé et remplacé par d’autres cultures pour un certain nombre de raisons. « La plus importante était la vente des produits. Par conséquent, la mesure la plus importante que nous avons commencé à prendre pour encourager les agriculteurs est d’assurer la commercialisation à travers un contrat signé entre eux et la direction de l’agriculture, afin de s’assurer que leur production sera achetée dès sa récolte et à des prix satisfaisants », affirme Emad. En fait, continue-t-il, ce système s’applique à plusieurs cultures et est approuvé depuis 2015, mais n’était appliqué qu’en 2019 seulement.
Des champs à l’usine
L’une des mesures incitatives les plus importantes qui servent le processus de commercialisation est l’exploitation de l’ancienne usine d’huile. Une usine privée qui ne fonctionnait pas depuis de nombreuses années en raison d’un manque de production de graines. « On a contacté les propriétaires de cette usine pour lui redonner vie. Mais il faut cultiver au moins 3500 feddans pour faire fonctionner l’usine », explique Emad. Les méthodes d’irrigation ont également évolué. Aujourd’hui, 10% des surfaces cultivées à Fayoum sont irriguées avec des procédures d’irrigation modernes. Ces mesures, comme l’affirme Rabie, ont mené à la culture de 200 feddans de tournesols l’année dernière au lieu de 25 l’année précédente, et cette année, nous cherchons à atteindre entre 3000 et 8000 feddans.
D’après des déclarations de Mohamad Sallam, chercheur dans le domaine de l’agriculture, le tournesol est considéré comme la troisième culture oléagineuse la plus importante au monde et sa culture est considérée l’une des cultures modernes en Egypte en général, et en Haute-Egypte en particulier. Avant, on dépendait de l’extraction d’huiles de laitue, de lin et de sésame depuis l’ère pharaonique. D’autres extractions traditionnelles d’huile n’ont pas encouragé la propagation de la culture du tournesol, mais après les récents développements, le gouvernement a commencé à encourager sa culture.
Cependant, Rabie affirme que les changements climatiques représentent un grand défi devant ce progrès. « Le secteur agricole est le plus grand secteur touché par ces changements. Ils affectent la quantité de production et donc les superficies cultivées doivent être constamment augmentées pour compenser la différence », dit-il, en ajoutant que cela comprend toutes les cultures. Par exemple, le blé n’a pas encore commencé à pousser en raison de températures inférieures à la normale en mois de mai dernier. Mais malgré tout, il paraît que l’été du Fayoum sera de plus en plus couvert par la couleur jaune.
Lien court: