Lundi, 17 février 2025
Al-Ahram Hebdo > Au quotidien >

Thé : A siroter sans modération !

Hanaa Al-Mekkawi , Mercredi, 18 mai 2022

On le consomme matin, midi et soir, on l’offre aux invités comme un signe de bienvenue et il est présent partout et toujours. C’est le thé, une boisson essentielle dans la vie des Egyptiens. Focus.

Thé : A siroter sans modération !
(Photo : Mohamad Abdou)

28 millions de dollars, c’est le coût des importations de thé et de café en 2021 contre 16 millions de dollars en 2020, selon la Capmas. Et selon Yehia Kassab, chef de la division alimentaire de la Chambre de commerce, l’Egypte se classe au 5e rang mondial en matière de consommation de thé, le 3e parmi les pays arabes. La consommation par habitant est de 0,9 kg par an.

Et même si le café continue de séduire de plus en plus de consommateurs, il est classé en 2e position, car servi à des moments précis. Le thé, lui, est la boisson favorite des Egyptiens depuis des décennies. Il améliore l’humeur de ses fans, toutes couches sociales confondues, et aucune autre boisson chaude n’a pu le détrôner. Le thé, on le sirote à tout moment et sans avoir à justifier les raisons. C’est la boisson la plus consommée par les Egyptiens après l’eau. Seul ou parfumé avec des herbes aromatiques telles que la menthe, des clous de girofle ou mélangé à du lait, le thé est présent dans la quasi-totalité des tables dans toutes circonstances et occasions.



«  Le thé, c’est comme le pain, l’air et l’eau, tous sont essentiels pour maintenir la vie », dit l’écrivain Gamal Badr, en rappelant la phrase que l’on répète souvent en Egypte lorsqu’on veut inviter quelqu’un chez soi « venez boire un thé ». Naissance, fiançailles, mariage, funérailles, le thé est toujours présent à n’importe quelle circonstance ou occasion (seul ou en présence d’autres boissons). Prendre un repas sans déguster un verre de thé à la fin est incomplet. « Avant de commencer à manger, on met la théière sur le feu pour que le thé soit prêt dès qu’on termine de manger. C’est une habitude bien ancrée chez nous », dit Kamal Wahba, paysan. Lorsqu’il travaille dans le champ, il prépare son thé en le faisant bouillir au-dessus d’un feu de bois dont il adoucit la flamme. Le laisser mijoter à feu doux lui donne un goût exquis et une odeur exaltante. Wahba affirme que les paysans peuvent parfois n’avoir rien à manger chez eux, mais ils ne peuvent pas se passer d’un verre de thé.


Si nous faisons une tournée à travers l’Egypte, nous pouvons constater que le thé est la boisson de prédilection des Egyptiens. (Photo : Tamer Gomaa)

Le thé est également indispensable chez les ouvriers et les journaliers car, selon eux, c’est la boisson idéale antistress au travail leur permettant d’effectuer leurs tâches difficiles et dans la bonne humeur. En travaillant, ils désignent un garçon pour préparer et servir le thé au cours de la journée. Ce mélange de thé et de sucre servi dans un verre, avec une cigarette à la main, c’est ce qu’il y a de mieux pour améliorer l’humeur. Parfois, ce verre généreusement sucré sert de dessert.


Si nous faisons une tournée à travers l’Egypte, nous pouvons constater que le thé est la boisson de prédilection des Egyptiens. (Photo : Abdel-Hamid Eid)

Une question de « mazag »

Mais il existe plusieurs façons de le préparer, chacun selon son « mazag » (goût) : sur du sable chaud, sur un petit feu de charbon de bois, sur un réchaud ou une cuisinière à gaz. Dans de petites ou grandes tasses, servies sur un plateau de table ou à même le sol, dans un salon, dans un café ou ailleurs, peu importe l’endroit, l’essentiel est qu’il soit présent. Du thé, du sucre et de l’eau bouillante, toujours les mêmes ingrédients, mais son goût peut varier selon le dosage du thé et le temps de cuisson. En fait, il existe deux types de préparation de thé: kouchari et saïdi. Pour le thé kouchari, on verse de l’eau frémissante sur le thé qui infuse quelques minutes avant d’être sucré. On le surnomme ainsi car on le buvait généralement après le fameux plat égyptien qui porte le même nom: kouchari. Le thé saïdi, c’est du thé noir qu’on fait bouillir dans l’eau pendant 5 minutes. Et pour le rendre plus fort, le thé est versé une première fois dans les verres pour les chauffer, puis remis dans la théière et une seconde fois pour rehausser le goût avant de le servir pour de bon.

Saïdi vient du mot Saïd qui signifie Haute-Egypte. Dans cette région, offrir et boire du thé, c’est presque une chose sacrée qu’on ne peut refuser. On offre du thé aux invités et aux passants dans de petits verres, « khamsina ». « Un verre de thé est nécessaire toutes les deux ou trois heures pour rester éveillé et se concentrer. Il doit être bien bouilli, de couleur foncée avec une grande quantité de thé et beaucoup de sucre », explique Saber, originaire de Qéna en Haute-Egypte.


Parfois un verre de thé généreusement sucré sert de dessert dont certains sont privés. (Photo : Emad Abdel Hadi)

Une histoire, des histoires

D’après l’historien Mohamad Afifi, le thé a fait son apparition en Europe au XVIIe siècle, lorsque la première importation est arrivée en 1610. Quant aux Arabes, ils l’ont connu deux siècles plus tard. C’est en particulier la Turquie qui a introduit le thé en raison de la disponibilité d’un permis d’importation détenu pour la première fois par l’Empire ottoman, puis le thé est arrivé en Syrie, ensuite dans d’autres pays arabes. Pour l’Egypte, ce sont des officiers britanniques qui l’ont introduit en 1882, C’était une boisson élitiste que seuls les aristocrates et les membres de la famille royale en buvaient. Avec le temps, le thé est devenu accessible au grand public grâce aux campagnes de marketing anglaises. « Le XIXe siècle fut le siècle du thé par excellence », dit Afifi. Bosta (le sucre séparé dans un récipient adjacent à la tasse de thé), miza (avec du lait) ou bannour (thé normal dans un vase en verre) sont les noms des thés que l’on commande dans les cafés, et dont le prix du verre varie entre 2 et 3 L.E. comme l’affirme Alaa, propriétaire d’un café. Ce dernier dit qu’il ne peut se permettre de hausser son prix contrairement aux autres boissons dont le prix augmente régulièrement, car tout simplement, c’est le thé. C’est une boisson que la majorité des Egyptiens commandent et apprécient et il est impossible de ne pas l’offrir à tout le monde, car cela risque de causer des problèmes.


La consommation de thé par habitant est de 0,9 kg par an.

Depuis que les Egyptiens ont appris l’existence de cette boisson qui les fascinait, les informations sur son sujet ne se sont pas arrêtées. Au début, il y a eu des déclarations dans la presse faites par des responsables exprimant leur inquiétude concernant le thé qui, soi-disant, pourrait affecter le comportement des paysans, car ces derniers avaient commencé à l’aimer et le boire. De plus, on a demandé l’instauration d’une taxe élevée sur le thé, afin d’empêcher les paysans de l’acheter.

Les effets néfastes du thé sur la santé ont également été mentionnés et continuent de faire l’objet de toutes les conversations: une fois à cause de la théine et la caféine qu’il renferme et qui pourraient avoir un impact négatif sur la santé, une autre fois sur sa consommation en grande quantité qui peut provoquer une carence en fer et donc boire du thé directement après les repas n’est pas du tout conseillé. Et bien sûr, beaucoup de gens se demandent si le thé kouchari est mieux car il n’est pas bouilli, ou le thé saïdi, car il stimule le cerveau. Beaucoup de discussions surgissent de temps à autre, mais rien n’a changé. On discute en tenant un verre de thé à la main et on parle des risques (pour la santé), mais sans jamais s’arrêter de le siroter !

Lien court:

 

En Kiosque
Abonnez-vous
Journal papier / édition numérique