On a des amis partout dans le monde, mais on ne les a pas encore rencontrés. On va les connaître en voyageant, mais pas de la manière traditionnelle. Il s’agit de trouver des personnes qui vous accueillent gratuitement pour une ou plusieurs nuits sur un coin de leur canapé ou dans un lit douillet, ce qui permet aux voyageurs de se familiariser aux vécus quotidiens des habitants des pays hôtes. C’est le concept du « couchsurfing », ou surfer sur canapé. Un réseau qui rassemble des millions d’adeptes à travers le monde, y compris des Egyptiens qui sont tous convaincus que cette façon de voyager est la meilleure pour profiter pleinement de ses vacances. Nagui Chehata, 54 ans, professeur de français et acteur, pratique ce concept depuis environ 11 ans. Il a reçu chez lui 500 surfeurs qu’il a accueillis dans sa maison à Héliopolis, au Caire. C’est lors d’un voyage au Liban qu’il a découvert, pour la première fois, le couchsurfing, et il est devenu un membre très actif sur le site. « C’est voyager autrement grâce au tourisme alternatif, car souvent ceux qui sont en voyage n’ont pas l’opportunité de découvrir un pays d’une manière beaucoup plus authentique. Donc, l’idée est de nous permettre, en tant que touristes, de rencontrer les gens, vivre leur quotidien et découvrir leur culture et mode de vie », dit Chehata.
Cet échange d’hospitalité a pour but de passer un court séjour chez un hôte et profiter de ses conseils lors de la visite tout en voyageant à moindre coût. Sur un site Internet qui ressemble plutôt à Facebook, les gens intéressés par ce genre de voyage s’inscrivent. Ils doivent créer un profil en postant une photo et en donnant les informations personnelles qui les concernent (âge, parcours personnel, hobbies, style de lecture et préférences en musique, etc.). Et faire, si possible, une description (en postant des photos) de la maison et la région où ils habitent. Un espace consacré aux commentaires apparaît sous chaque profil et chacun écrit un commentaire qui donne une bonne idée de l’expérience que les couchsurfers ou les hôtes précédents ont vécue. Propre, fantastique, organisé, généreux et d’autres qualités humaines, chacun essaye d’obtenir des commentaires positifs grâce aux témoignages laissés par les précédents couchsurfers ou hôtes, afin de gagner de la crédibilité.
L’échange avant tout
Nagui entouré par des surfeurs qui ont séjourné chez lui.
Mais comment cela se passe ? Nagui explique que si une personne résidant en France désire passer quelques jours en Egypte, elle le fait savoir sur le site en précisant certains points qui l’intéressent particulièrement, comme rencontrer des gens de tel ou tel domaine, partager des goûts musicaux ou autre chose. « On appelle ça les mots-clés qui facilitent le choix de l’hôte », explique Nagui. Si un hôte est intéressé aux demandes du surfeur, il lui envoie un message affirmant qu’il est prêt à l’accueillir chez lui. A son tour, le surfeur parcourt le profil de l’hôte et lit les références qui y sont mentionnées avant de décider. Une fois que les deux sont d’accord, ils peuvent se contacter pour mieux se connaître et s’entendre sur tous les détails nécessaires. Le fait que Nagui vit seul dans une grande maison lui donne l’opportunité de recevoir jusqu’à 6 personnes en même temps. « Des échanges entre des gens de cultures et nationalités différentes rendent le séjour plus agréable, car le but est de rencontrer de nouvelles personnes et découvrir d’autres cultures », dit Nagui. A la maison, ils partagent leur vie, passent de bons moments ensemble, font la cuisine, mangent à la même table et sortent en groupe comme s’ils étaient les membres d’une seule famille.
Pour que tout marche convenablement, chaque hôte est libre de préciser ses règles que ces voyageurs doivent respecter. Pour Nagui, il interdit de fumer à la maison, de rentrer tard le soir et de ramener quelqu’un d’inconnu à la maison.
Expériences de vie
Le couchsurfing a permis à Mohamad de changer sa façon de penser.
Quelle que soit la destination, les couchsurfers ont la possibilité de choisir entre un grand nombre de propositions parmi les millions de profils qui existent sur le site. Fondé par l’Américain Casy Fenton (à l’exemple du site Wikipédia), le site couchsurfing.com est créé en 2004. « Cela fonctionne comme un réseau social », dit Omar Al-Messiri, 38 ans, qui vit à Alexandrie. Ce dernier, qui a fait des études en ingénierie et travaille actuellement dans une banque, est aussi entraîneur de vie. Il a créé un profil sur le site de couchsurfing en 2009. Il explique que le fait que le logement soit gratuit ne signifie pas que le but est de voyager à moindre coût, mais de partager la vie avec les habitants d’un pays autre que le sien et ne pas se contenter uniquement de visiter les monuments, les sites touristiques et les musées, guide en main. Selon Omar, la manière traditionnelle de visiter un pays permet en général un contact superficiel avec ce pays, car ce sont seulement les sites touristiques que l’on visite. Cependant, continue-t-il, avec le couchsurfing, les voyageurs peuvent marcher librement dans les rues, rencontrer des gens dans les cafés, discuter avec eux et manger dans les restaurants populaires. Ainsi, ils voient un autre visage du pays.
La règle à respecter chez Omar est que l’invité laisse sa place propre et ordonnée, comme il l’a trouvée à son arrivée. Ce dernier dit qu’après 13 ans d’expérience, et au premier coup d’oeil, il devine à qui il a affaire. « En général, la plupart des gens qui ont été hébergés chez moi étaient satisfaits de leurs séjours. Cependant, comme n’importe quel autre site, on peut avoir affaire avec des gens hors normes », dit Omar, en mentionnant qu’il a rencontré 3 personnes bizarres au cours de ces 13 années, ce qui l’a obligé à les mettre à la porte poliment en leur donnant les raisons. « Une femme est venue ici pour rejoindre Daech en Syrie, afin de se venger de l’armée russe qui avait tué sa famille. Un homme qui aimait se maquiller et un autre qui avait une odeur insupportable. Autrement, je prends du plaisir à passer du temps avec des personnes de différentes nationalités et cultures tout en leur donnant l’occasion de connaître la nôtre », dit Omar. « Les règles du site exigent essentiellement d’offrir à la personne un lit ou un canapé pour dormir et lui permettre d’utiliser la cuisine et la salle de bain ou n’importe quelle autre chose, suivant l’approbation de l’hôte », poursuit Omar qui lui-même aime passer du temps avec ses couchsurfers.
Des esprits plus ouverts
Selon Mohamad Al-Chawadfi, 33 ans, originaire de Zagazig, le partage est une valeur fondatrice, chacun peut y prendre part. Ce dernier a suivi des études en sciences, mais travaille comme entraîneur en langues dans un centre qui lui appartient. Il a décidé de joindre couchsurfing pour pouvoir contacter des étrangers qu’il accueille chez lui et, en échange, ils doivent consacrer quelques heures de leur temps à ses étudiants, afin de pratiquer une langue étrangère à ses élèves. « Fréquenter des étrangers de différentes nationalités ici ou ailleurs m’a permis d’acquérir une ouverture d’esprit. En acceptant la différence de l’Autre, j’ai appris à me comporter correctement avec toute le monde », dit Mohamad. Ce dernier, qui a grandi dans un milieu conservateur avec des idées rigides, ne pouvait accepter même ses camarades ayant une autre religion. « Actuellement, j’ai un comportement plus humain avec les gens et je les juge selon leurs actions. Je n’accorde plus d’importance ni aux nationalités, ni aux croyances des autres, car cela ne me concerne pas. J’ai beaucoup changé grâce à mon ouverture d’esprit et mes relations avec des gens venant du monde entier », s’exprime Mohamad. C’est une idée qui connecte les gens ensemble selon un seul critère, l’humanité et le partage, mais les croyances politiques et religieuses n’ont pas de présence dans ce monde qui se déroule sur le canapé d’une personne qu’on ne connaît pas encore, mais qui peut devenir un ami et encore plus.
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