« Amis après le divorce », tel est le nom d’une initiative lancée par l’association Kayan Masr pour le développement. C’est Sahar Chaabane, directrice exécutive de l’association, qui a proposé l’idée après avoir« constaté une augmentation des cas de divorces. « Ce sont toujours les enfants qui sont grandement affectés par le divorce, quand le couple n’arrive pas à trouver la formule adéquate pour continuer à vivre sous le même toit. En fait, les parents divorcés doivent mesurer les conséquences des conflits qui ont sans doute un impact négatif sur leurs enfants », explique-t-elle. « Malheureusement, ces couples qui en veulent l’un à l’autre risquent d’entrer dans le cercle vicieux de la vengeance », dit-elle. Et les cas de divorces sont tels que « le Tribunal de la famille n’a pas suffisamment de temps pour trancher rapidement tous les procès concernant les pensions alimentaires, le droit de visite des enfants, la récupération des biens, etc. », indique Sahar Chaabane. Et les chiffres sont là pour le prouver : Selon la Capmas, en 2020, un divorce toutes les deux minutes était enregistré en Egypte, avec un total de 225929 divorces.
Un bon divorce vaut mieux qu’un mauvais mariage
D’où l’importance de l’initiative « Amis après le divorce », qui cherche à sensibiliser et à apprendre au couple à s’adapter à la nouvelle vie, à entretenir une relation sereine, et donc, garantir une atmosphère paisible pour permettre aux enfants de grandir sainement et à garder une bonne santé morale. « Nous avons commencé à mettre un programme de sensibilisation collective et individuelle. Les sessions d’écoute permettent de créer un pont de confiance afin de dépasser les problèmes du divorce et pouvoir entamer une relation amicale », souligne Sahar. Il est aussi prévu d’organiser des rencontres rassemblant plusieurs cas qui ont adopté le concept de l’amitié après le divorce tout en leur donnant l’opportunité de raconter leur expérience positive, et c’est ainsi que l’initiative pourra convaincre les cas difficiles. « Les cas sont sélectionnés d’après des ONG partenaires à Kayan Masr ». Car ces ONG ont vécu les conflits entre parents divorcés et n’ont pas toujours réussi à résoudre leurs problèmes.
Leïla, 38 ans, est divorcée depuis 9 ans et a 2 enfants. Dès le début de la séparation, elle s’est entendue avec le père de ses enfants pour que chacun puisse vivre sa vie comme il l’entend, car ils ne peuvent pas être heureux sous le même toit. L’essentiel est de s’occuper de leurs enfants et loin de toute pression. « Je l’ai incité à se remarier, car il ne supporte pas la solitude. Je voulais que le père de mes enfants remonte la pente après notre séparation. C’était important pour moi qu’il se remarie pour que sa vie soit stable et équilibrée, et ce, pour l’intérêt des enfants », indique Leïla. Pour être coopérative au maximum, quand son ex-mari préparait son second mariage, elle a décidé de payer les frais de scolarité de ses enfants pour la nouvelle année, car il avait dépensé beaucoup d’argent pour ses noces. « Mes enfants et moi visitons leur père dans son nouveau domicile. Son troisième enfant est le frère de mes enfants. Je ne voulais pas que mes enfants aient le sentiment que la maman de leur demi-frère s’est accaparée leur père et les a privés de leur droit de mener une vie normale. Bien au contraire, nous sommes devenus une grande famille », dit-elle avec satisfaction. Et d’ajouter : « Ce n’est pas parce que nous ne nous entendions pas très bien que les enfants doivent en payer le prix. Parfois, il est préférable pour eux de mener une telle expérience que de vivre avec des parents malheureux ».
Sara partage cet avis, elle estime que son ex-époux n’est plus son amoureux. Elle le considère aujourd’hui comme un ami et il règne une atmosphère de respect mutuel entre eux. Elle confie qu’il lui raconte ses problèmes et parfois elle lui prête l’oreille et lui trouve des solutions. Sara, qui a connu son ex-mari à l’université, estime que la séparation a rendu ce père plus mature. Aujourd’hui, il s’intéresse beaucoup à ses enfants. « Chaque semaine, on organise des sorties familiales, car ma benjamine n’a pas encore accepté le fait que son papa ne passe plus la nuit à la maison », confie-t-elle.
Divorce nouvelle formule
En fait, l’entente entre des personnes divorcées, le cinéma l’a signalée en 1984. Dans le film Mohakmet Ali Baba (jugement de Ali Baba) la maman, qui est professeure à l’université, a fait appel à son ex-époux pour intervenir dans l’éducation de leurs 3 garçons, car elle n’arrivait pas à gérer toute seule tous leurs problèmes. Bien que le film se déroule dans un cadre comique, il a présenté cette nouvelle formule de relations après le divorce. Aujourd’hui, les médias tentent de proposer ce nouveau genre de procédé en présentant des expériences de séparation où l’entente entre le couple est le mot-clé. Mahassen Saber, fondatrice de la Radio Moutallaqat (la radio des divorcées), est divorcée elle aussi depuis 16 ans. Elle avoue qu’elle a fait des concessions alors qu’elle a un fils unique. « J’ai choisi l’enseignement le moins onéreux pour mon fils car je ne voulais pas lui demander une pension alimentaire plus élevée et provoquer un désaccord entre nous », dit-elle. En plus, elle habite avec son fils au gouvernorat de Charqiya au nord-est du Caire. Tous les week-ends, elle l’accompagne chez son père qui habite au Caire. « Il doit ressentir la chaleur affective des oncles, tantes et grands-parents paternels. J’aime aussi qu’il participe à toutes les occasions: Ramadan, fêtes de l’Aïd et mariage pour ne pas se sentir seul », dit-elle.
Taliëq Ala Mataawedih (ton divorcé dépend de tes habitudes), telle est l’appellation du programme dans lequel elle partage les expériences positives de parents divorcés. « Trouver un compromis pour la continuité de la vie n’est pas une faiblesse. Au contraire, c’est un art de vivre que de concevoir le divorce autrement », explique Mahassen.
Et ce n’est pas tout. Bien que les ex-conjoints pensent parfois qu’ils ont en leur possession leur femme et refusent de refaire leur vie après le divorce, certains semblent aujourd’hui changer de mentalité. Mounir, avocat, a assisté au mariage de la maman de son fils et il accepte qu’elle l’emmène avec elle à l’étranger. « Actuellement, nous sommes de bons amis alors que nous n’étions pas un couple heureux », explique-t-il.
A cet égard, Rania Amin, psychiatre, pense que le divorce est déjà un traumatisme pour les enfants. Mais c’est parfois indispensable pour les protéger et éviter qu’ils mènent une vie malheureuse. « Effectivement, l’amitié après le divorce permet aux parents d’expliquer à l’enfant calmement que la séparation est due à des désaccords et des problèmes. Ce qui donne à l’enfant la possibilité de s’extérioriser, d’exprimer son opinion et de poser des questions », indique Rania. L’objectif de ce procédé est d’apprendre à l’enfant que chaque problème a une solution et que le divorce ne l’empêchera pas de profiter de ses droits. Alors, l’amitié rassure l’enfant et enraye les sentiments négatifs de solitude et d’inquiétude.
Et selon Hoda Zakariya, sociologue, les couples divorcés, qui ont choisi de devenir amis, ont un degré plus élevé de conscience humaine car ils sont arrivés à entamer une bonne relation malgré les problèmes vécus par le passé. « Cette amitié est le résultat d’un sentiment de responsabilité. Personne ne doit être privé du père qui est le pilier et personne ne peut se passer d’une mère qui est la tendresse, la douceur et la protection », conclut Hoda.
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