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Malnutrition : Agir dès les premiers jours

Dina Bakr, Lundi, 20 septembre 2021

« Les 1 000 premiers jours de la vie de l’enfant », c’est le nom d’un programme lancé par le ministère de la Solidarité sociale. L’objectif est d’aider les mamans à fournir une alimentation équilibrée et saine aux enfants en bas âge. Focus.

Malnutrition : Agir dès les premiers jours
Lors des rencontres avec les mamans, les conseillères rurales leur expliquent comment nourrir sainement leurs petits.

Si vous êtes mère de deux enfants et que vous êtes inscrite au programme de protection sociale Takafol we Karama (solidarité et dignité) lancé par le ministère de la Solidarité sociale, vous pouvez désormais vous procurer, par le biais des cartes d’approvisionnement, des produits nutritifs tels que des légumes ou des fruits pour une valeur de 100 L.E. par mois en plus de la subvention alimentaire mensuelle allouée par l’Etat estimée à 500 L.E. Cette petite somme fait partie du programme « Les 1 000 premiers jours de la vie de l’enfant ». Un programme qui vise à atteindre 41 000 mères et 30 000 enfants avec un budget de 56,68 millions de L.E. D’autres partenaires collaborent au programme comme l’USAID, la Fondation Sawirès, l’Institut national de nutrition et le Programme Alimentaire Mondial (PAM) en fournissant un soutien financier et technique. L’objectif étant de lutter contre la malnutrition des enfants défavorisés.

« Le ministère de la Solidarité sociale attache un intérêt particulier au programme Les 1 000 premiers jours de la vie de l’enfant, tout en fournissant un soutien à tous ceux qui sont exposés aux effets de la malnutrition tels que les femmes enceintes, allaitantes, les nourrissons et les enfants de moins de 2 ans. Ce programme garantit aux enfants une bonne nutrition durant les différentes étapes de leur vie, car il devient difficile de pallier les conséquences dues aux carences alimentaires », indique Névine Al-Qabbag, ministre de la Solidarité sociale. Elle ajoute que les effets de la malnutrition représentent un lourd fardeau pour les services sanitaires et éducatifs dont les conséquences ont un impact sur la capacité productive de l’individu, ce qui complique davantage la tâche de l’Etat. C’est pour cette raison qu’investir dans la santé et la nutrition dès le début de la grossesse et durant les 2 premières années de la vie de l’enfant est crucial.

Jihane Fouad, directrice de l’Institut national de la nutrition, cite quelques chiffres du ministère de la Santé : 21 % des enfants qui ont moins de 5 ans souffrent de nanisme ; 8 % sont rachitiques ; 6 % ont un poids qui ne correspond pas à leur taille ; 15 % sont en surpoids ; 25 % des enfants âgés entre 6 mois et 59 mois souffrent d’anémie.

Deux volets

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L’initiative comprend deux volets : offrir des aliments nutritifs, mais aussi et surtout sensibiliser les mères aux principes d’une alimentation saine. Pour ce, des conseillères rurales ont été formées pour expliquer aux mères les principes nutritionnels et lutter contre les concepts erronés et ancrés chez les populations rurales. L’une d’elles, Achgane Wadie, travaillant dans le Saquil à Guiza, déploie de grands efforts pour bannir le proverbe populaire « Ibn Arbaa Rabbaéouh », signifiant faire asseoir un bébé de 4 mois et lui donner à manger comme le reste de la famille. « Il y a des idées transmises de génération en génération et il est difficile de convaincre les femmes qu’elles sont fausses. Par exemple, beaucoup de mamans pensaient que le fait d’habituer le bébé à manger comme les grands lui permettrait de grandir plus vite et devenir plus fort. Je leur ai fait comprendre que les six premiers mois, la règle est : allaitement naturel exclusif. Ensuite, il faut introduire les aliments de façon réfléchie et progressive ».

Pas facile de les convaincre, dit-elle. Mais Achgane est fière d’avoir aidé 300 mamans qui ignoraient les critères de développement des petits enfants. « J’ai commis des erreurs avec mon premier enfant, car nos grandsmères répétaient souvent que les biscuits trempés dans un petit verre de thé pouvaient servir de repas pour l’enfant. Pire encore, son père lui mettait du miel à sucer sur la tétine pour qu’il arrête de pleurer. Résultat : le petit a commencé à aimer tout ce qui est sucré », dit Safaa, femme au foyer. Et ce goût pour le sucre n’a fait qu’augmenter. Aujourd’hui, Nabil a 6 ans et se gave de bonbons, et même de sucre brut tout simplement. Et à force d’en consommer au cours de la journée, il n’arrive déjeuner. Sa santé en a pris un coup et il tombe souvent malade, le pédiatre lui a donc prescrit un traitement pour booster son immunité. Sans oublier les problèmes dentaires dus à l’excès de sucre. Heureusement, Safaa a rattrapé le coup avec sa cadette Jana, 7 mois. Elle a suivi les conseils de la conseillère en commençant à lui faire goûter des légumes et en respectant la méthode de cuisson des aliments pour savoir si elle manifeste des allergies à certains produits alimentaires.

Apprendre les bonnes habitudes

Malnutrition : Agir dès les premiers jours

Dans les milieux ruraux, nombreuses sont les femmes qui donnent aux bébés les mêmes repas quotidiens de la famille. Ce qui risque de provoquer des problèmes de santé. « Dès que ma fille avait commencé à consommer de la nourriture pour adultes, son ventre s’est mis à gonfler et elle souffrait de douleurs atroces. La conseillère rurale m’a fait comprendre que son estomac n’était pas prêt à recevoir des repas copieux », souligne Wafaä, paysanne. Cette dernière a appris qu’au début, une ou 2 cuillères à café sont largement suffisantes pour faire goûter au bébé un légume. Elle a appris aussi qu’il faut commencer par des légumes bouillis à l’eau sans assaisonnement et écrasés en purée. Et qu’il faut introduire légume après légume. Sel et sucre sont bannis.

La conseillère rurale rassemble un certain nombre de femmes rurales pour des discussions qui ressemblent à des leçons en nutrition. Elle explique aux mamans qu’il ne faut jamais réchauffer des repas mis dans le réfrigérateur, car c’est un véritable nid à bactéries, ce qui peut provoquer des problèmes gastriques, des diarrhées ou des vomissements. Soad Eissawy, conseillère rurale à Badrachine à Guiza, raconte : « La femme d’un ouvrier m’a dit que durant les 3 premiers mois de sa grossesse, elle se réveillait à midi et se contentait de manger un paquet de chips et boire une boisson gazeuse. Je lui ai fait comprendre qu’elle devait diversifier, fractionner ses repas et boire beaucoup d’eau avec quelques gouttes de citron pour parvenir à dépasser cette période difficile ».

Autre chose, « Les 1 000 premiers jours de la vie de l’enfant » facilite l’accès à des services de santé pour les mamans et leurs enfants, afin d’obtenir les suppléments alimentaires nécessaires après avoir effectué des analyses de sang. Amal Zaki, responsable du programme au ministère de la Solidarité sociale, dit qu’il faut expliquer aux mères que les micronutriments sont essentiels pour donner de l’énergie et protéger le corps de certaines maladies. Par exemple, le calcium sert à consolider les os et l’iode pour réguler le métabolisme cellulaire. Les vitamines A, D et K sont liposolubles et sont nécessaires pour la santé du cerveau, la coagulation du sang et les os. Ce sont des informations que toute mère doit connaître pour préparer des repas équilibrés à ses enfants.

Car la malnutrition est un souci national. D’après Alia Hafez, directrice de l’unité de nutrition au bureau du PAM en Egypte, le pays subit des pertes qui s’élèvent à 1,9 % du PIB par an à cause des carences nutritionnelles, un fardeau économique qui coûte 20 milliards de L.E. par an. D’où l’importance d’une telle initiative qui veille sur la santé des générations futures.

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