Des dessins transformés en objets.
Myriam, 6 ans, a passé des heures à dessiner son personnage imaginaire, avec des traits arrondis et souples, le tout bien coloré et fait avec amour, puis elle est rentrée dormir. Ce dessin, elle l’a complètement oublié jusqu’au jour où, en entrant dans sa chambre, elle a découvert que le personnage de fiction qu’elle avait dessiné s’était transformé en poupée. C’est sa maman qui l’a envoyé à Imane. Cette dernière et son équipe se sont chargées de fabriquer une poupée en tissu à l’effigie du personnage imaginé par la petite fille. « C’est l’usine où les rêves des enfants se transforment en réalité », explique Imane Al-Saeid, créatrice de l’initiative « Arousti » (ma poupée). Imane raconte que l’idée a germé dans sa tête lorsqu’elle travaillait comme professeure d’art dans une maternelle, soit avec des enfants entre 3 et 5 ans. Désirant lancer un magazine, elle a proposé aux enfants de faire appel à leur imagination pour dessiner des personnages, à condition de ne pas imiter ceux qu’ils voient dans les dessins animés diffusés à la télé. « Le résultat a été une surprise pour moi. Sur leurs dessins, les enfants ont fait preuve d’une imagination débordante, mettant en évidence les traits de leurs personnages avec des détails reflétant une créativité sans limites », dit Imane.
Bien plus qu’une poupée
Cette expérience l’a inspirée, et quelque temps plus tard, elle a voulu la répéter avec d’autres enfants et leurs camarades, quand la maîtresse leur a demandé de trouver des idées sur le thème « activités artistiques ». Et cette fois, au lieu d’un magazine, Imane a promis aux enfants de transformer leurs personnages imaginaires en poupées. Très enthousiastes, les parents ont encouragé leurs enfants en leur fournissant des morceaux de tissus, des boutons et d’autres objets que l’on trouve à la maison, et Imane a pris en charge de transformer les figurines dessinées en poupées. « J’ai été éblouie par la réaction des enfants. Les mamans ont décrit la joie et la fierté des enfants en rentrant à la maison et tenant dans leurs mains les poupées qu’ils ont créées », raconte-t-elle.
Cette jeune femme qui a fait des études d’arts appliqués a appris que l’art doit jouer un rôle fonctionnel, ainsi, elle a décidé de rendre les enfants heureux. Elle a fondé l’initiative « Arousti », qui encourage les enfants à dessiner sur papier des figurines d’amis sortis de leur imagination, et c’est à elle de leur donner vie et les rendre réelles. « L’idée dépasse les bienfaits des jeux de poupée chez l’enfant, il s’agit de lui apprendre comment fabriquer ses propres jouets, selon son goût, et devenir un producteur et non un consommateur. Et surtout lui permettre de laisser libre cours à son imagination et prendre conscience que ses rêves peuvent être réalisés », explique Imane. Avant la crise sanitaire du Covid-19, la jeune femme avait organisé des ateliers dans plusieurs écoles qui ont remporté un grand succès, à tel point que le ministère de l’Education lui a demandé de programmer des activités identiques dans les écoles publiques. « Arousti » a été sollicitée par des établissements scolaires en Arabie saoudite. Mais suite à la pandémie du Covid-19, ces invitations ont été annulées et les ateliers des enfants ont lieu en ligne tout comme le reste.
A chaque oeuvre une histoire
Imane travaille avec une équipe constituée d’artistes dans différents domaines : bois, verre, tissu, etc. Cette équipe a fait évoluer l’idée en profitant du dessin de l’enfant pour fabriquer essentiellement des poupées, mais aussi d’autres objets pouvant servir à l’enfant : couvre-lit, abat-jour, verre, assiette, t-shirt, etc. « Chaque poupée fabriquée raconte une histoire : un enfant très attaché à sa grand-mère, un autre qui voudrait serrer dans ses bras les membres de sa famille, un troisième qui a peaufiné son ami imaginaire après l’avoir créé sur un jeu électronique. Tous les personnages dessinés par les enfants ont été transformés en poupées. Face au résultat final, la joie des bambins est indescriptible », dit Imane. De telles réactions et émotions vives ont fait comprendre à cette dernière qu’elle avait une mission à accomplir, celle de rendre les enfants plus heureux.
Alors, grâce à la participation du Conseil national de la femme et de l’Onu, Imane a appris à 15 femmes égyptiennes sans emploi et des immigrées africaines à faire des poupées portant plusieurs couleurs. Les femmes ont cousu les poupées et les ont transformées en pochettes. Suspendues au-dessus des lits des enfants hospitalisés à Aboul-Rich, elles servent à placer les flacons contenant des solutions médicales. « Lorsqu’on a pensé à rendre les enfants heureux, il fallait aussi penser à tous les enfants », achève Imane.
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