Un énorme élan de solidarité. De nombreux internautes se sont mobilisés ces derniers jours pour aider la famille de Rachid, un enfant âgé d’un an et neuf mois et atteint d’amyotrophie spinale musculaire (SMA), dans sa forme la plus sévère. Une maladie génétique rare qui cause une atrophie musculaire des membres inférieurs et supérieurs, ainsi que des difficultés respiratoires. Pour sauver leur fils de cette maladie mortelle, Yasser Taha et Hoda Hassan ont besoin d’une seule injection du médicament le plus cher du monde, le Zolgensma. Tenez-vous bien, il coûte 34 millions de L.E., soit 2,1 millions de dollars. Hors de prix. Face à cette somme astronomique, ces parents n’ont pas hésité à lancer sur Twitter et Instagram un hashtag «#Sauvez Rachid », sollicitant aussi le président Abdel-Fattah Al-Sissi et les responsables pour les aider à financer ce traitement génique exorbitant. Ils se sont tournés aussi vers le public, invité à contribuer et à faire don sur leurs comptes bancaires.
Une angoissante course contre la montre pour les parents de Rachid dont l’espérance de vie est actuellement de trois mois. Car, les enfants qui souffrent de cette maladie n’atteignent généralement pas les deux ans. Leurs muscles, y compris le coeur, deviennent si faibles qu’ils perdent la vie. Leur appel à l’aide n’a pas tardé à trouver un important écho. Ainsi, des milliers d’internautes ont posté et reposté un autre hashtag : «#Ensemble pour soutenir les patients d’amyotrophie musculaire ». Sans compter les parents qui ont pris d’assaut Twitter pour témoigner de leur combat quotidien, espérant de la sorte sauver les leurs. « Je n’arrive pas à le croire. Merci à tous pour leurs contributions financières. Nous n’avons jamais eu autant d’espoir de pouvoir sauver Rachid. Cela nous a rendus très émus d’être ainsi épaulés, de sentir cette présence à nos côtés lorsque nous perdons courage », a déclaré Hoda Hassan, la mère de Rachid, tout en assurant que cette campagne électronique vise non seulement à sauver son fils, mais aussi à sensibiliser l’opinion et à dévoiler la souffrance des autres familles désespérées de trouver une issue. « On est tous dans le même bateau. On se bat pour Rachid, mais également pour tous les enfants atteints de cette maladie. C’est pour cela qu’il faut conscientiser un maximum de monde et faire connaître l’amyotrophie spinale infantile. Nous avons perdu un temps précieux dans le traitement de notre bébé, car peu de pédiatres connaissent la maladie et ils sont encore moins nombreux à savoir qu’il existe un médicament, alors qu’il est essentiel que ces enfants soient pris en charge le plus tôt possible », explique-t-elle, tout en ajoutant que son fils était, au début de sa naissance, comme tous les enfants. Il bougeait beaucoup, souriait et était en pleine forme.
Le choc
Tout allait bien. Au fur et à mesure qu’il grandissait, et précisément à l’âge de neuf mois, elle a senti qu’il devenait un peu plus mou. Il ne remuait pas ses jambes, ne levait plus les bras et avait du mal à déglutir. Depuis, les questionnements ont débuté suite à une visite au pédiatre qui a dit aux parents de patienter et de le laisser vivre, parce que c’est un enfant qui va peut-être se développer moins rapidement que les autres. Mais ils n’étaient pas rassurés, ils voyaient que quelque chose n’allait pas. Ils avaient envie d’avoir un deuxième avis. Ils sont allés voir un deuxième neuro-pédiatre qui a programmé une IRM, une échographie de la moelle épinière et une prise de sang. Le diagnostic les a écrasés. Rachid souffrait d’une amyotrophie spinale infantile, une maladie orpheline très peu connue. Il restait à savoir de quel type. Le plus grave, le type 1, ne laisse aux enfants touchés qu’une espérance de vie de deux ans. Les autres formes, quoique très handicapantes, ne sont pas mortelles. « On s’est pris un grand choc. Au début, on était dans le déni et on se disait que peut-être les médecins se sont trompés et notre petit garçon mettrait simplement plus de temps à marcher, qu’il lui faudrait de la kiné intensive », confie Yasser Taha, le père qui s’est rendu chez un autre neurologue pour s’assurer. Et d’ajouter : « C’est un cauchemar infernal, pourtant, on ne va pas céder au désespoir et on se battra pour que notre enfant vive. Si on n’agit pas vite, Rachid partira dans trois mois ».
Rachid, mais aussi Layal, Issel, Hamza, Malik, Youssef, Mohamad et Mina, ainsi que d’autres enfants sont atteints d’une amyotrophie spinale (SMA) et risquent de perdre leur vie, face à ce médicament très onéreux. Cette maladie, en apparence méconnue, qui concerne une naissance sur 10 000, représente la première cause de mortalité génétique chez les enfants. Pourtant, il n’existe pas, en Egypte, de chiffres officiels concernant le nombre d’enfants malades.
Aya Zowayed, responsable de l’Association des enfants de SMA, estime que si le taux de natalité annuel en Egypte est de 2 %, on s’attend à ce qu’il y ait 200 enfants nés chaque année avec une amyotrophie spinale et 70 % d’entre eux en meurent. « Au cours des trois dernières années, on a recensé 213 cas d’enfants atteints d’amyotrophie spinale », lance-t-elle, tout en ajoutant qu’en 2021, 11 enfants sont décédés, contre une vingtaine en 2020. « Bien que cette maladie ne soit pas nouvelle, je suis contactée tous les jours par des parents paniqués auxquels les services de santé n’ont pas pu répondre pour soigner leurs enfants », poursuit-elle.
Le traitement le plus cher au monde
Grâce à la loterie mondiale, Rayan est le premier enfant à avoir pu recevoir, en mars 2021, la précieuse dose de Zolgensma
C’est en 2019, explique-t-elle, que Zolgensma du Suisse Novartis, premier traitement révolutionnaire, est apparu. Un traitement qui, en une seule injection, permet aujourd’hui de sauver une vie humaine. Cette thérapie est approuvée par la Food and Drug Administration des Etats-Unis et elle est proposée dans plus de quarante pays à travers le monde, dont l’Allemagne, la France et l’Italie, mais elle est devenue le traitement le plus cher du monde : 2,1 millions de dollars l’injection unique. Mais comment un traitement capable de sauver une vie humaine peut-il coûter si cher ?
Dr Naguia Fahmi, directrice du département des maladies neuromusculaires à l’Université de Aïn-Chams, pense que si ce médicament, commercialisé uniquement aux Etats-Unis, est si cher, c’est parce qu’il repose sur une avancée biologique majeure. Pour traiter les malades atteints d’amyotrophie spinale, il faut corriger le gène anormal des motoneurones, les neurones qui gèrent les actions motrices. « Dans ce genre de maladie, les sociétés pharmaceutiques sont en situation de complet monopole. Une maladie orpheline, c’est comme un pari : la recherche et le développement vous coûtent cher, mais comme vous êtes seuls sur le marché, vous fixez vous-mêmes le prix. En outre, un nouveau produit peut compter sur 10 ans d’exclusivité commerciale, et 10 ans d’exclusivité sur le brevet. A la décharge de Novartis, l’entreprise pharmaceutique concernée, le médicament vient de sortir sur le marché. Il n’y a pas encore de négociations sur les prix avec les pays intéressés », explique-t-elle, tout en ajoutant qu’il existe quatre types de cette maladie neuromusculaire génétique, à savoir deux types infantiles mortels, un type juvénile et un type de l’adulte. Cependant, le type varie en fonction de l’âge d’apparition et définit la gravité de la maladie. Elle survient chez les nourrissons dès la naissance, ou le plus souvent entre trois et six mois. Elle se caractérise par une faiblesse musculaire, puis une paralysie progressive des membres, entraînant une insuffisance respiratoire chronique, une toux inefficace, une déglutition, succion et digestion troublées. Elle n’affecte cependant pas l’intellect ou la sociabilité et l’éveil, qui sont souvent exceptionnels chez les enfants atteints.
Cette maladie rend les bébés très fragiles et très peu d’entre eux atteignent l’âge d’un an. Quand un enfant est touché, toute la famille est impactée. Dans 98 % des cas, le gène malade est transmis par l’ascendance et le mariage consanguin. Autrement dit, si un cas d’amyotrophie se déclare dans une famille, il y a des chances que les autres membres soient porteurs sains, comme environ 1/40 personne dans la population.
Lueur d’espoir ?
« J’ai vu tellement d’enfants mourir de cette maladie. Nous avons dû dire à des parents : je suis désolée, nous n’avons rien pour stopper l’avancée de la maladie », raconte Dr Naguia, attristée, tout en se rappelant les enfants décédés tels que Hanine Mohamad, Zizi Sayed, Mahmoud Ismaïl, Achraf Mohamad et d’autres dont les parents ont été confrontés à la maladie de leur enfant et n’ont pu rien faire. Cela a été très dur de se dire qu’il fallait se préparer à les voir partir avant l’âge de 2 ans. « Je n’arrivais pas à imaginer que ma fille Hanine puisse mourir si petite. Surtout de la manière dont elle est partie, en étouffant, en ne sachant plus respirer car ses poumons et ses muscles n’avaient plus la force de fonctionner », se lamente Mohamad Moussa, le père de Hanine. D’autres familles, qui se battent au quotidien contre cette maladie, attendent encore désespérément ce traitement si cher. Roba Réda, la maman de Layal, livre un combat intérieur pour ne pas se laisser abattre. Elle se dit alors que c’est la dernière chance pour sa fille de vivre. « J’espère que ma fille, âgée d’un an et huit mois, aura son injection au bon moment. Elle perd chaque jour sa vitalité, elle ne tient plus sa tête, ses mains perdent aussi en motricité, et des signes de faiblesse apparaissent au niveau de la déglutition. Il faut agir vite. C’est une course contre la montre », témoigne-t-elle, tout en ajoutant qu’il n’est pas possible de faire une récolte de fonds pareille pour chacun d’entre eux, à l’instar de ce qui s’est passé avec Rachid. « Il est inconcevable que les firmes pharmaceutiques continuent à avoir ce pouvoir de mettre un tel prix, alors que nous citoyens, nous devrons faire des dons pour que nos enfants aient la possibilité d’avoir le traitement. L’Etat devrait mettre en place un budget spécifique dédié aux maladies rares afin d’assumer ses obligations vis-à-vis de ces bébés », s’emporte Héba. Un avis partagé par le député parlementaire Ahmad Zidane, qui a appelé à faire un recensement des cas de SMA, et le plus important est que cette thérapie génique soit couverte par l’institution de sécurité sociale gérée par l’Etat.
Cependant, Dr Naguia Fahmi continue à lancer le défi, appelant les parents à ne jamais perdre espoir. Elle leur déclare une bonne nouvelle : le laboratoire Novartis a procédé à un tirage au sort pour offrir le médicament à 100 enfants malades qui vivent dans des pays où le médicament n’est pas encore approuvé. « Grâce à cette loterie mondiale, Rayan Mohamad est le premier enfant à avoir pu bénéficier en mars dernier de cette injection à l’hôpital spécialisé de Aïn-Chams », souligne-t-elle, tout en assurant que deux autres enfants s’apprêtent à recevoir la précieuse dose de Zolgensma. « Mais comment peut-on jouer à la loterie avec la vie d’un enfant ! », s’emporte une mère. D’ailleurs, Dr Fahmi estime que cette loterie mondiale est une petite lueur d’espoir au bout du tunnel. C’est comme si on donnait une seconde chance à ces enfants. « Mon fils Rayan a atteint ses deux ans avec un souffle de vie. Aujourd’hui, il s’éveille petit à petit, au lieu de s’éteindre. C’est une renaissance », se réjouit Mohamad Mesbah, avant de conclure : « Rayan a deux dates d’anniversaire : le premier a été fêté le 2 mars 2019 et le second en mars 2021 où il est revenu au monde ».
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