Tendre la main aux plus faibles et aux plus défavorisés n’est pas un fait du hasard pour Sara El Amin, fondatrice de l’association civile Happy Africa (l’Afrique heureuse) au Kenya depuis 3 ans. « Très jeune, j’ai été passionnée par la lecture du livre d’Ishmael Beah, un Sierra-Léonais, qui raconte, dans Le Chemin parcouru: Mémoires d’un enfant soldat, comment sa vie a basculé à l’âge de 12 ans. J’ai découvert que dans le continent où je vis, il y a des conflits armés, des pays en guerre et de la famine. L’idée d’aider les gens vulnérables m’a traversé l’esprit, mais je ne savais ni comment ni par où commencer », déclare Sara El Amin. Ce livre marquera un tournant dans sa vie. Active et dynamique, elle n’est pas restée les bras croisés en attendant de devenir plus indépendante pour aider les pauvres gens. Dès l’adolescence, elle s’investit bénévolement dans plusieurs associations égyptiennes qui proposent aux familles en difficulté des livres scolaires et des vêtements pour leurs enfants. L’idée de contribuer à trouver des solutions pour transformer une situation est devenue un souci majeur pour elle. Elle demandait à ses amis de l’aider à collecter de l’argent pour acheter des médicaments pour les malades, des lits ou des couvertures afin de protéger les plus démunis du froid de l’hiver. Les années se sont écoulées et ce concept d’aider les plus faibles est devenu un élément essentiel de son quotidien. Elle décide donc d’aller plus loin. Une chose qui semble même forger son itinéraire aussi bien que sa carrière.
Et si Sara a choisi de s’orienter vers le journalisme, c’est pour disposer d’outils qui pourront lui permettre d’être influente et de transformer ses idées en projet personnel. Rassembler des informations et se servir de ses connaissances qui sont au coeur des stratégies du travail journalistique lui ont rendu service et l’ont aidée à développer sa théorie du changement.
Un bénévolat ici et ailleurs
« En octobre 2018, je me suis rendue en tant que bénévole dans un camp de réfugiés somaliens au Kenya avec une organisation non gouvernementale italienne dont l’objectif était d’instaurer un état de symbiose parmi les malades atteints du sida », raconte Sara. Suite à ce voyage qui a duré 15 jours, elle a ressenti de l’engouement pour ce genre d’initiatives. Elle participe ensuite à des événements ayant un rapport avec le développement en Afrique, et ce, pour avoir la capacité de mieux répondre aux attentes et besoins des gens qui mènent des conditions de vie difficiles. « J’ai participé à des ateliers de développement et j’ai eu l’occasion de rencontrer des fondateurs d’associations en Afrique. J’ai gardé les coordonnées des personnes pouvant m’aider à entamer le pas et m’expliquer comment réduire au plus bas le risque d’échec d’une mission dont j’ai toujours rêvé d’être l’acteur principal en trouvant les moyens efficaces pour améliorer la vie des gens », raconte-t-elle.
Mais le jour où Sara a fait savoir à son entourage qu’elle s’apprêtait à s’envoler pour le Kenya afin d’accomplir une mission, celle d’aider les populations défavorisées en leur fournissant des services vitaux, elle fut traitée de folle. « Comment une jeune fille peut-elle envisager de se rendre seule dans un pays où il n’y a aucune garantie de sécurité ? », Sara a entendu ces propos tant de fois! Mais cela ne l’a pas dissuadée. « J’ai habité au Westlands à Nairobi où j’ai loué une chambre et vécu en cohabitation avec une famille égyptienne. Le choix idéal pour garantir ma sécurité, éviter de vivre seule et réduire le coût du loyer », se souvient-elle.
L’aventure kényane
Sara a contribué à la construction d’une dizaine de puits à Kisumu, au Kenya.
Pour éviter les frais supplémentaires, Sara a mis de côté son confort afin d’épargner la moindre somme d’argent pour mener à bien son projet et garantir aux populations défavorisées certains services vitaux. Etre active et sociable a permis à Sara d’avoir un réseau d’amis et d’être soutenue financièrement. « Le fait de collecter des dons pour les actions caritatives est une chose normale pour mes amis. Avant de partir au Kenya, j’ai ouvert un groupe WhatsApp de donateurs et mes amis ont agrandi ce cercle. Des dizaines de personnes sont venues s’ajouter et ont contribué à la mise en oeuvre de divers programmes, tels que creusement et forage de puits, alimentation et interventions chirurgicales », ajoute Sara.
Mais les bonnes intentions ne suffisent pas pour que la jeune fille mène à bien sa mission. Il y avait des restrictions de déplacements. « C’était dangereux de sortir après 20h. L’insuffisance d’éclairage public rendait difficile aux piétons de marcher dans les rues », raconte-t-elle. Ayant l’esprit pratique, elle a appris quelques mots en swahili. « Apprendre un peu la langue était un moyen d’autodéfense pour éviter les risques de vol et les actes de violence », poursuit-elle. Sara tenait aussi à signaler son itinéraire à ses amies. « On ne sait jamais », pensait-elle. Elle n’est pas de nature pessimiste, mais elle préfère être prudente. « Un jour, j’ai pris un bus avec des maçons pour me rendre à Kisumu, troisième ville du pays. Le véhicule a été attaqué par des jets de pierres. La peur au ventre, il fallait garder son calme et prier pour son salut », souligne-t-elle.
Au début, elle a dû gagner la confiance des autres, leur faire comprendre qu’être étrangère ne signifie pas une occupante venue profiter de leurs biens. Elle a contacté le chef de la tribu de Luo à Kisumu pour avoir son autorisation, pouvoir travailler tranquillement et se mettre en sécurité. Ce chef l’a présentée à des familles chez qui elle pourrait être hébergée le temps de procéder au creusement et forage du puits. « Une fois le travail entamé, je ne pouvais pas rentrer à Nairobi, le lieu où je résidais. La distance à parcourir étant de 350 km, 5 heures de route », explique Sara. Aujourd’hui, elle a terminé la construction d’une dizaine de puits à Kisumu, ce qui a permis aux habitants d’avoir accès à l’eau potable. Ces derniers étaient obligés de parcourir chaque jour 14km pour ramener une quantité d’eau qui ne suffisait même pas à leurs besoins quotidiens.
L’Egyptienne est le surnom donné à Sara, qui a déjà fait preuve de crédibilité en construisant le premier puits dont les habitants assurent aujourd’hui la gestion. En fait, les défis auxquels elle devait faire face pour mener une vie normale n’étaient pas le souci majeur de Sara. « L’attitude offensive est maitrisable, mais j’ai été choquée en découvrant la situation catastrophique dans laquelle vivaient les réfugiés et ma santé en a pâti », raconte Sara, au corps maigrichon. Elle confie avoir perdu l’appétit en voyant des gens manquer de nourriture, car les repas distribués grâce aux dons étaient insuffisants en nombre, il fallait donc choisir entre celui qui a besoin d’un repas chaud et celui qui est capable d’attendre. Mais pour elle, le plus difficile était de faire le choix parmi les enfants pour subir des interventions chirurgicales et mettre d’autres sur la liste d’attente. « J’ai pris la décision de sauver le jeune Maurice qui souffrait d’une tumeur du premier degré et ne pouvait pas attendre, car cela aurait aggravé son cas. Cependant, Zeitouna, qui avait un problème au pied ayant dégénéré suite à un diabète, a dû attendre 1 mois de plus », dit Sara tristement.
Elle estime que son travail n’est pas encore achevé. Des projets, elle en a dans la tête et ses efforts ont fait écho auprès des responsables. Le ministère d’Etat à l’Emigration et aux Affaires des Egyptiens à l’étranger l’a nommée ambassadrice du soft power. Elle a reçu une autre décoration émanant du même ministère en tant que « femme valant une centaine d’hommes ». « Sincèrement, je suis contente et j’espère réaliser des projets qui renforcent notre relation avec les pays du continent », dit Sara. Elle rêve d’ouvrir 54 écoles dans plusieurs pays africains et d’offrir aux meilleurs élèves des bourses universitaires pour poursuivre leurs études supérieures en Egypte. Autre projet: Sara est en train de préparer les documents nécessaires pour inaugurer Happy Africa en Egypte, afin de porter soutien aux villages égyptiens dépourvus de services .
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