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Voyage au fond de la mer

Dina Darwich, Mercredi, 23 décembre 2020

La mer Rouge est considérée comme la deuxième meilleure destination pour les férus de plongée sous-marine, selon un sondage effectué par le magazine anglais Dive. Fascinés par la splendeur des fonds marins, les pas­sionnés de ce sport racontent leurs expériences, mais aussi des anecdotes amusantes. Témoignages.

Voyage au fond de la mer
Zeeslgorm, cette épave qui se trouve à une profondeur de 30 m, est considérée comme l’une des plus belles épaves dans le monde. (Photo : Beshoy Fayez)

A vos palmes. Véritable paradis sous-marin, la mer Rouge est devenue l’eldo­rado des plongeurs du monde entier. Ses fonds riches en coraux abritent des poissons aux cou­leurs fascinantes. Un véritable vivier pour les espèces marines et une desti­nation à ne pas manquer. Surnommée La Mecque des plongeurs, il est pos­sible de croiser des tortues, des murènes, des dauphins, des requins, des dugongs (un mammifère marin qualifié de vache marine, en voie de disparition) et d’autres espèces rares. Par ailleurs, les épaves qui y sont englouties attirent de nombreux plon­geurs. Un choix d’itinéraires permet­tant de découvrir le mystère des fonds marins et les magnifiques récifs coral­liens où de nombreuses espèces de poissons trouvent refuge. De Taba à l’extrême nord du Sud-Sinaï, à Marsa Alam, près de la frontière soudanaise, en passant par Charm Al-Cheikh, Gouna, Qosseir, Safaga, Dahab et Hurghada, les divers sites figurent dans le carnet de plongée.

Les sites de plongée en Egypte offrent plusieurs types de plongée et profondeurs accessibles à tous les niveaux des plongeurs. Découvrir les jardins de corail de Middle Reef ou de Chaab Saiman, les tombants vertigi­neux d’Abu-Kefan et Panorama Reef, la fameuse Anemones & Clowns City de Panorama Reef, Tobia Arbaa avec sa colonie de rascasses, l’émouvante épave du Salem Express, les histoires racontées par les plongeurs sont fantas­tiques, pleines d’intrigues et de sensa­tions et les anecdotes sont amusantes.

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Plus de 220 espèces de coraux durs et mous forment un écosystème qui fournit nourriture et refuge à plus de 1 100 espèces de poissons. (Photo : Beshoy Fayez)

« Je passe mon temps à explorer les fonds marins en quête de nouvelles découvertes et d’aventures. J’ai visité des sites de plongée d’une beauté inouïe et des récifs coralliens débor­dant de vie. J’aurais aimé filmer mon exploration du monde marin et la par­tager avec les autres », déclare Bechoy Fayez, blogueur de voyage et plongeur professionnel qui a suivi 7 stages avant de devenir instructeur. Ce plongeur chevronné passe la majeure partie de son temps à explorer les fonds marins de Marsa Alam, Dahab et Ras Mohamad, situé à proximité d’Hur­ghada. Les sites-épaves l’attirent parti­culièrement. « L’une de mes plus belles aventures de plongée a été lorsque j’ai pénétré l’épave Zeeslgorm ou SSThistlgorm. Une scène digne d’un film cataclysmique », raconte Bechoy Fayez, en précisant : « Ce navire de guerre britannique était muni d’un canon anti-aérien de 4,7 pouces (120 mm) et d’une mitrailleuse lourde fixée à la poupe. Après avoir fait 3 voyages (Etats-Unis, Argentine, Inde), il était en route pour Alexandrie en 1941 et a été coulé par deux bombardiers allemands durant la Seconde Guerre mondiale ». Et d’ajouter : « Cette épave, qui se trouve à une profondeur de 30 mètres, est l’une des plus visitées dans le monde. Les cales sont remplies de matériel militaire : des camions Bedford, des véhicules blindés Universal Carrier, des motos Norton 16H et BSA, des fusils Brain, des pochettes de munitions, des fusils 303, des équipements radio, des chaussures Wellington, des pièces détachées d’avi­ons et de wagons de chemin-de-fer. Bref, des découvertes sur la guerre et ses atrocités ».

Pour Bechoy Fayez, Ras Mohamad reste son site préféré pour la plongée. Là, au parc national, une réserve natu­relle, il se déplace d’un récif corallien à l’autre. « L’aspect de la vie maritime dans ce parc vierge est vraiment sur­prenant. J’ai pu voir de près le com­portement des requins et d’autres espèces de prédateurs comme les bar­racudas », raconte-t-il. « J’ai observé de près le requin-baleine qui mesure entre 5 et 7 m de long, et j’ai eu l’occa­sion de nager côte à côte avec une tortue géante de 1,5 m de long et dont l’âge dépassait les 100 ans. La règle à suivre lorsqu’on explore les fonds marins est de respecter l’univers des créatures marines, car nous, les êtres humains, sommes des intrus. Il ne faut pas déranger les poissons et surtout garder une certaine distance de sécu­rité en présence d’un requin pour ne pas mettre en danger sa vie », ajoute Bechoy Fayez, qui ne cesse de répéter à tous les plongeurs débutants, qui sui­vent ses cours, de ne pas polluer l’envi­ronnement en signe de respect pour les animaux marins.

Une aventure qui en vaut la peine

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Plus de 220 espèces de coraux durs et mous forment un écosystème qui fournit nourriture et refuge à plus de 1 100 espèces de poissons. (Photo : Beshoy Fayez)

En fait, selon un sondage effectué par le magazine anglais Dive, la mer Rouge en Egypte est considérée comme la deuxième meilleure destination au monde en 2020 pour faire de la plongée sous-marine. La raison, comme le résume Nagui Chokri, ce plongeur pro­fessionnel, est que les eaux calmes de la mer Rouge offrent une visibilité extraordinaire et la température de l’eau est modérée, rarement en dessous de 20 degrés. Par ailleurs, la mer Rouge possède l’une des biodiversités les plus importantes au monde. Plus de 220 espèces de coraux durs et mous for­mant un écosystème qui fournit nourri­ture et refuge à plus de 1 100 espèces d’animaux marins, dont près d’un cin­quième sont des espèces endémiques présentes uniquement dans les eaux locales égyptiennes.

Or, faire de la plongée pourrait aussi être dangereux. Explorer un canyon, qui regorge de poissons, est extraordi­naire, mais s’aventurer au Blue Hole présente des risques. Cette grotte sous-marine qui se trouve entre les rochers à 110 m de profondeur a tué plus de 200 personnes au cours des 20 dernières années. Certains l’appellent « la cathé­drale sous la mer », d’autres « le cime­tière des plongeurs », rappelant à la fois la majesté du lieu et le danger qu’elle présente, comme le décrit le site franceinfo Afrique. « Il nous est permis, lors d’une plongée récréative, de des­cendre à une profondeur de 40 m. On peut aller plus loin à condition d’avoir des équipements sophistiqués. Le pro­blème est qu’à 50 m de profondeur environ se dresse une arche naturelle qui laisse passer de la lumière et s’ouvre à l’eau. Certains plongeurs prennent le risque de s’y aventurer sans être bien équipés. Plus grave encore, certains, ayant atteint la profondeur de 30 ou 40 m ou plus, sont sensibles à la narcose à l’azote, ou l’ivresse des pro­fondeurs qui entraîne des troubles du comportement : euphorie, hilarité et excessive confiance en soi. Ebloui par la beauté de la faune et de la flore sous-marine, le plongeur risque de s’oublier et ne plus avoir d’oxygène. Et en cas d’angoisse ou de peur, il peut remonter rapidement, oubliant de respecter les paliers de décompression, ce qui peut entraîner une embolie pulmonaire », explique Imane Sélim, instructrice de plongée. Et pour amoindrir les risques, les instructeurs conseillent aux plon­geurs de descendre en groupe de deux, pour veiller l’un sur l’autre, c’est ce qu’on appelle le Body System. Mais il faut rester calme et savoir maîtriser ses nerfs. Bechoy Fayez rapporte l’histoire d’une jeune fille qui avait paniqué, car de l’eau avait pénétré à l’intérieur de son masque. Son rôle a été de la tran­quilliser sous l’eau et l’aider à trouver une solution à son problème. Une autre histoire, celle d’un plongeur atteint de narcose à l’azote, qu’il a aidé à remon­ter en respectant les paliers pour éviter l’accident de décompression.

« En fait, la plongée est un sport très sûr s’il est pratiqué correctement. A comparer avec d’autres activités spor­tives, comme le football, qui cause des blessures parfois très graves, en plon­gée, le nombre d’accidents par an est très faible. Ce sport se propage rapide­ment, depuis 20 ans », explique Khaled Zaki, plongeur professionnel, lors d’une interview publiée sur le site du quoti­dien Akhbar Al-Youm. Il ajoute que les médias ont contribué à faire circuler une image qui présente le diving comme un sport à risques, diffusant des films qui montrent des plongeurs attaqués par des requins. Cependant, d’après cette même source, le nombre de personnes blessées par la chute d’une noix de coco tombée d’un cocotier est plus important que les accidents de plongée. Emad Edouard, 54 ans, est un plongeur pro­fessionnel qui pratique ce sport depuis 1993. Il affirme que la plupart des cas de noyade ou d’accidents sont dus à des erreurs humaines. « La mer n’est pas impitoyable comme on le prétend, elle nous avertit à l’avance de l’arrivée d’une tempête. L’erreur vient soit du manque d’expérience ou quand un plongeur têtu veut s’aventurer en allant plus loin », explique Emad Edouard, un passionné de la mer Rouge qui passe la plupart de son temps entre Hurghada, Charm, Dahab et Hamatta.

Tout un monde sous l’eau

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Plus de 220 espèces de coraux durs et mous forment un écosystème qui fournit nourriture et refuge à plus de 1 100 espèces de poissons. (Photo : Beshoy Fayez)

Qu’ils soient en quête de sensations ou de découvertes, les histoires racon­tées par les plongeurs sont sensation­nelles, cependant, il y a d’autres qui sont amusantes. Bechoy dit faire de la danse et du chant sous l’eau. Il essaie avec ses compagnons de plongée d’écouter des chansons sous l’eau pour en deviner les titres en les écrivant sur une ardoise de plongée sous-marine. « On joue aussi X et O, lors des diffé­rents paliers que nous devons respecter tous les 5 m, pendant 3 minutes », dit Bechoy.

Or, pour s’aventurer dans les profon­deurs, il faut suivre une formation spé­ciale. « Le niveau 1 de la formation concerne les débutants : les enfants peuvent descendre jusqu’à 12 m de profondeur et les adultes 18 m. Pour le niveau 2, les plongeurs peuvent atteindre 30 m à condition de suivre des entraînements et des stages plus poussés avant de choisir entre les trois types de plongée, à savoir la plongée de nuit (Night Dive), la plongée sur épave (Wrech Dive) et la plongée déri­vante (Drift Dive) qui consiste à des­cendre à un point et nager avec le courant d’eau pour remonter d’un autre point, etc. Le niveau 3, plus pro­fessionnel (Advanced Rescue Diver), concerne le plongeur sauveteur. Ce dernier, en plus de sa formation, doit suivre en parallèle des cours de secou­risme d’urgence (Emergency First Response) », explique Edouard. « C’est un sport fascinant et facile à apprendre. Il suffit de rappeler que chacun de nous a passé neuf mois de sa vie à nager dans le ventre de sa mère, donc, nous sommes des plongeurs invétérés. D’ailleurs, les académies qui présen­tent des programmes d’apprentissage existent partout dans les villes situées aux alentours de la mer Rouge », ajoute Emad Edouard, qui tient à décrire la beauté des fonds marins de la mer Rouge. « C’est un véritable para­dis pour les amateurs de plongée sous-marine ». Emad ajoute que si d’autres pays possèdent des paysages agréables, des prairies fleuries, des forêts impres­sionnantes ou des montagnes, la richesse de l’Egypte se trouve dans ses fonds marins. Il suffit d’apprendre à faire de la plongée sous-marine. « Je donne un conseil à tous ceux qui veu­lent faire ce sport de ne pas prêter l’oreille à ceux qui disent que c’est un sport dangereux, mais de plonger pour faire leur propre expérience. Ma philo­sophie est qu’il faut faire de la plongée pour juger. Lorsque quelqu’un veut découvrir la faune et la flore sous-marines et la richesse que procure la diversité des écosystèmes, il sera plus motivé de sauvegarder l’univers marin menacé par les déchets plastiques », conclut Emad Edouard, qui lance un appel aux Egyptiens, tous âges confon­dus, pour faire de la plongée, afin de protéger nos précieuses faune et flore.

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