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Bienvenue au royaume des perroquets

Hanaa Al-Mekkawi, Mardi, 15 octobre 2019

Entraîner les perroquets domestiques et sensibiliser leurs propriétaires aux besoins
et aux qualités de leurs oiseaux est l’objectif de la première académie des perroquets en Egypte. Visite d’un endroit surprenant, où les oiseaux sont rois.

Bienvenue au royaume des perroquets
(Photo : Moustapha Emeira)

Les perroquets sont des oiseaux sociables et intelligents, qui essaient de communiquer avec les humains en répétant ce qu’ils entendent. Une information parmi tant d’autres que Nada révèle à ceux qui veulent en savoir davantage sur le monde de ces volatiles sympathiques. Nada Abdallah, 28 ans, est la fondatrice de la première académie d’entraînement de perroquets en Egypte. Depuis 2014, cette dernière se charge d’entraîner plusieurs espèces de perroquets. Elle apprend par ailleurs aux êtres humains comment se comporter avec ces oiseaux. « Le but de mon travail est de créer une bonne relation entre le perroquet et son maître pour que les deux profitent au maximum de la vie ensemble », dit Nada, en affirmant que dans le cadre de son travail, elle a constaté que la majorité des gens n’avaient aucune idée sur la manière de s’occuper d’un perroquet. Sans savoir-faire ni connaissances, les propriétaires risquent alors de nuire à leur oiseau et manquent l’occasion de découvrir ses qualités surprenantes.

L’académie occupe un appartement au premier étage d’un immeuble situé dans l'une des rues paisibles du quartier de Héliopolis. Aucune enseigne n’indique le nom du lieu. L’appartement est composé d’une grande salle, d’une salle de bain, d’une kitchenette, d’une vaste terrasse et de quatre pièces où les perroquets sont logés selon leur taille : les plus grands, les moyens et les plus petits. La plupart du temps, les portes des cages et des chambres sont grandes ouvertes, pour que les perroquets puissent voler librement dans l’appartement. Toutes les bordures de fenêtres sont recouvertes d’aluminium pour les empêcher de grignoter le bois ou de s’échapper. Idem pour les fils électriques, qui sont protégés avec du papier aluminium.

Le bois est toutefois bien présent ailleurs dans les chambres, et sous plein de formes : arbre d’escalade, tronc d’arbre, perchoir et jouets en bois. Et pour cause, les perroquets adorent ce matériau et ont grand besoin de le grignoter pour s’occuper, entretenir leur bec ou tromper l’ennui, comme nous l’explique Nada. Dès qu’un visiteur arrive, il y a des battements d’ailes. Certains oiseaux restent calmes et se contentent simplement de jeter des regards inquisiteurs. D’autres, plus amicaux, s’approchent comme s’ils étaient des amis de longue date. Voilà Zi, le cacatoès à huppe qui s’approche. Pour attirer l’attention et se faire caresser, il se perche sur l’épaule, la tête ou le bras du visiteur. Et si ce dernier l’ignore, il commence à lui mordiller le doigt ou carrément la main. « Zi a commencé à se comporter de la sorte après avoir suivi plusieurs mois d’entraînement. Il n’a plus peur des gens et c’est là l'une de nos priorités », dit Nada.

Gagner la confiance

Nada explique que l’entraînement des perroquets à l’académie se base sur trois aspects essentiels : gagner la confiance du perroquet pour qu’il accepte de se soumettre aux ordres. A ce stade, il n’a plus peur des gens, il obéit lorsqu’on l’appelle et on peut le porter, le caresser ou lui faire des bisous. La deuxième étape est bien plus intéressante. Celle d’apprendre au perroquet à jouer avec les adultes et les enfants, à distinguer les couleurs, à lancer un petit ballon, à s’amuser avec des pièces de monnaie ou à faire semblant de faire le mort. C’est ce qu’on appelle le « dead play ». Enfin, on lui apprend à accepter d’être ausculté par un vétérinaire. « L'une des difficultés à laquelle font face les propriétaires, c’est lorsqu’ils amènent leurs perroquets pour faire une consultation. Les oiseaux attaquent et ne veulent pas être examinés par les vétérinaires, qui doivent parfois les soumettre par la force en portant des gants. Les mêmes moyens que ceux utilisés avec les chiens dangereux », dit Nada. A l’Académie, le perroquet s’habitue à passer une radiographie, à recevoir une injection ou à laisser le vétérinaire lui examiner le dos et la poitrine à l’aide d’un stéthoscope. Les outils nécessaires à l’entraînement sont de différentes formes et couleurs, en bois et en plastique écologique. L’entraînement peut prendre entre 2 et 3 mois et coûte entre 2 500 et 3 000 L.E.

Tout a commencé par hasard. Un jour, le cousin de Nada, qui avait des perroquets, a voulu s’en débarrasser et lui a demandé d’en prendre soin. « Depuis ma tendre enfance, j’ai toujours aimé les animaux. J’avais déjà des chats et des chiens, que j’avais recueillis dans la rue et adoptés. Ce qui a poussé mon cousin à me confier ses perroquets », raconte Nada, qui travaillait à l’époque dans le domaine des médias et n’avait aucune idée concernant la manière de s’occuper des perroquets. Il lui a fallu acquérir les connaissances nécessaires pour ne pas laisser ces oiseaux mourir ou tomber dans la déprime. « Les perroquets sont des créatures très sensibles et peuvent se mettre à déprimer suite à la négligence ou lorsque les maîtres les abandonnent, au point de commencer à s’arracher les plumes ou à se mutiler, un acte d’autoflagellation qui peut entraîner la mort de l’oiseau », explique Nada, qui a commencé à lire et à rechercher des informations sur cette espèce d’oiseaux.

Bienvenue au royaume des perroquets
(Photo : Moustapha Emeira)

Petit à petit, sa passion pour les perroquets s’est développée, au point de leur sacrifier tout son temps. « J’avais remarqué qu’en Egypte, il n’existait pas de lieux spécialisés pour les perroquets, sauf quelques marchands d’animaux de compagnie qui tentent de maîtriser les perroquets en les empêchant de crier, alors que c’est un mode de communication acquis chez ces oiseaux intelligents, qui ont des capacités cognitives et d’apprentissage extraordinaires. Ils peuvent apprendre une grande diversité de mots et même à compter ; j’ai alors voulu créer un endroit approprié à ces oiseaux et apprendre aux gens, ceux qui sont passionnés par les perroquets, comment se comporter avec eux », explique Nada.

La jeune femme a suivi plusieurs séances de formation par Internet et vidéo, données par des entraîneurs de divers pays. Aujourd’hui, elle est devenue une experte des perroquets et est aidée par 5 personnes pour diriger l’académie. Pionus, gris du Gabon, perruches, amazones, cacatoès, eclectus ou autres perroquets, on peut les trouver ici. Leurs couleurs et tailles diffèrent, mais ils ont tous le même comportement. « Les perroquets, comme les chiens et les chats, se comportent de la même manière et ont presque les mêmes réactions. Tous ont besoin d’amour et doivent être punis et récompensés pour obéir », dit Nada. Et d’ajouter que les perroquets les plus difficiles à apprivoiser sont ceux qui ont été capturés dans la nature et ne sont pas nés en captivité. Ces deniers n’acceptent pas facilement le fait d’avoir perdu leur liberté.

Lutter contre les idées reçues

« Bel oiseau » ou « bravo » sont des mots que les entraîneurs utilisent pour faire comprendre à l’oiseau qu’il s’est bien conduit lorsqu’il obéit aux ordres. Il y a aussi des récompenses que l’on offre pour les encourager, comme des pépites ou des bouts de fruits. L’académie accueille actuellement des perroquets pour suivre des entraînements et des oiseaux dont les maîtres sont partis en vacances, et propose un entraînement aux personnes désireuses d’apprendre comment se comporter avec cet oiseau de compagnie. « En amenant mon perroquet, je n’avais aucun espoir de le voir changer de comportement ; cependant, il s’est métamorphosé. Il est devenu entreprenant et aimable avec moi et mes enfants, ce qui n’était pas du tout le cas auparavant », dit la propriétaire d’un perroquet amazone.

Le regard des maîtres qui viennent chercher leur perroquet après l’entraînement en dit long. Car rendre heureux un perroquet, c’est aussi réussir à le rendre heureux avec son maître. L’objectif de Nada est de transmettre des informations détaillées et intéressantes sur les perroquets, surtout qu’elle a remarqué, au cours de plusieurs années de travail, que certaines personnes possèdent un volatile sans savoir comment interagir avec lui.

Pour Nada et ses collègues, les perroquets passent en priorité. Mais l’équipe lutte aussi contre les idées reçues en prenant la défense d’animaux que les gens détestent, tels que le corbeau ou le hibou. On voit ainsi Léonard, un corbeau, en train de voler librement dans l’appartement. Il obéit à Nada et répond lorsqu’elle l’appelle. Il accueille les visiteurs avec elle et ne peut s’empêcher de grimper sur leurs épaules ou de fouiller dans leurs sacs. On voit aussi des araignées et des lézards. C’est le moyen écologique adopté par Nada et ses collègues pour lutter contre d’autres insectes qui menacent les perroquets, surtout les fourmis.

Actuellement, l’académie participe deux fois par an à des concours et des événements avec l’organisation Alif, une organisation s’occupant des animaux. Dernièrement, pour la première fois, les perroquets ont pu participer. Ainsi, selon Nada, l’académie contribue à faire un travail d’information sur les perroquets, et ce, grâce aux efforts déployés par l’équipe. Aujourd’hui, beaucoup de personnes veulent adopter un perroquet. « Le perroquet est un oiseau intelligent et fascinant. Son prix varie entre 150 et 10 000 L.E. ; alors, c’est dommage de l’avoir chez soi sans savoir comment se comporter avec lui ou le comprendre, car il peut vraiment rendre notre vie plus agréable », dit Nada.

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