Des campagnes, des conférences et des rassemblements partout, mais les avis divergent. « C’est terminé, Morsi a perdu sa légitimité, il faut qu’il parte », scandent les uns. Dans l’autre camp, le ton est autre : « C’est un président élu et il doit achever son mandat de quatre ans ». C’est la situation à l’approche du 30 juin, date du 1er anniversaire de l’accession au pouvoir du président Mohamad Morsi. Le débat autour de sa légitimité est acharné. Chaque camp défend ses points de vue avec véhémence. Un an plus tôt, la scène était bien différente.
Le 30 juin 2012, lorsque les résultats des premières élections démocratiques d’Egypte annoncent la victoire de Mohamad Morsi avec 51,7 % des suffrages, l’explosion de joie retentit dans les rues d’Egypte, et non seulement chez les sympathisants des Frères musulmans. Ceux qui voyaient en lui le symbole du premier président civil élu, membre d’une confrérie qui a longtemps souffert de l’oppression et de l’autoritarisme de l’ancien régime, étaient de la partie.
Mais aujourd’hui, beaucoup exigent le départ de Morsi, car selon eux, son bilan va à l’encontre de ce qu’ils attendaient de lui. Pire, certains considèrent qu’il a même repris les procédés de l’ancien régime. En même temps, d’autres insistent pour dire que Mohamad Morsi gère de bonne main le pays et que les « ennemis de l’islam » demandent son départ.
En 2013, la scène des Egyptiens rassemblés derrière leur président élu a disparu. En juin 2012, le président s’est rendu sur la place Tahrir pour prononcer son premier discours. En signe de confiance, il a grand ouvert sa veste et a montré qu’il ne portait pas de gilet pare-balle. Aujourd’hui, le président est entouré par une nuée de gardes du corps même lorsqu’il se rend à la mosquée. Ces agents le séparent des citoyens qui, à leur tour, commencent à l’agresser verbalement en public. Mais les choses vont plus loin.
« Le président Morsi a remporté les dernières élections avec au moins 14 millions de voix sur un ensemble de 50 millions d’électeurs. Si un moyen est trouvé de prouver que le nombre de ceux qui veulent lui retirer la confiance dépasse le nombre de personnes qui l’ont réellement élu, on pourra dire que ce président a perdu sa légitimité », explique Tamer Ahmad, l’un des défenseurs de la campagne de Tamarrod (rébellion), lancée il y a quelques mois contre le président Morsi. Selon ses membres chargés de rassembler les signatures, deux scénarios sont possibles : la démission du président ou l’organisation d’élections présidentielles anticipées.
Fantaisie ou romantisme révolutionnaire ? C’est la question qui se pose depuis le déclenchement de cette campagne qui a pris de l’écho. Initiée par une jeunesse n’appartenant à aucun parti, la campagne Tamarrod est un succès, soutenue dans tous les gouvernorats du pays. Cette initiative appelle tous les opposants à Morsi à descendre dans la rue le 30 juin pour réclamer son départ. « Un an ça suffit pour lui. Il a perdu sa légitimité populaire depuis les décrets constitutionnels de novembre et ses promesses non tenues. Sa gestion du barrage de la Renaissance en Ethiopie a terni l’image de l’Egypte dans la région », dit Samir Mounir, employé et qui appelle tous les patriotes à participer aux manifestations du 30 juin. « C’est notre dernière chance. Si on ne proteste pas, les Frères musulmans s’accapareront du pouvoir pour de longues années », lance Ahmad Chaabane, chauffeur.
Contrer Tamarrod
Les défenseurs de Morsi refusent cette vision des choses et commencent aussi à bouger. Tagarrod (désistement) est leur mouvement formé en majorité d’islamistes, pour contrer Tamarrod. Ces islamistes, qui prétendent se désister de tous les intérêts personnels pour le bien du pays, sont, eux aussi, en train de rassembler des signatures pour soutenir Morsi et sa politique. « Le président n’a pas été élu par la volonté du peuple, mais par celle de Dieu, alors ceux qui veulent son départ sont opposés à Dieu », estime Karem Gamal. Comme lui, beaucoup pensent que Morsi doit terminer son mandat. Tous ceux qui mènent une guerre contre lui sont des « traîtres », « des apostats » et s’inscrivent contre le projet islamique. C’est pourquoi il faut descendre le 30 juin pour soutenir le président.
Entre ces deux groupes, une troisième voix existe, insatisfaite du président mais qui refuse de manifester contre lui. Renverser un président élu par le peuple serait une démarche antidémocratique, estiment ses partisans. Ce groupe descendra aussi dans la rue le 30 juin pour défendre la légitimité des urnes.
Un an après la prise du pouvoir par le premier président élu, de différents groupes veulent donc se faire entendre. La position de la police et de l’armée sera déterminante pour garder le calme, même si chaque camp espère qu’elles se rangeront de son côté. Plus inquiétant : tous voient la victoire ce 30 juin comme une question de vie ou de mort.
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