Les enfants préfèrent les livres leur permettant de s'identifier aux héros. (Photo: Nader Ossama)
« Les enfants détestent les livres qui font la morale à travers des histoires. Ils préfèrent choisir des ouvrages où ils peuvent s’identifier aux héros », souligne Mme Balsam, propriétaire d’une librairie portant le même nom et spécialisée dans l’édition et la vente de livres pour enfants. Ici, le livre choisi ce mois-ci par les enfants est celui de l’auteure Rania Hussein Amin, intitulé Faqed Al-Hob Yoatih (celui qui a perdu l’amour peut encore le donner). Il s’agit de l’histoire d’un petit garçon maltraité par sa famille et qui trouve refuge dans la rue. Là, il fait la connaissance d’un chien errant exposé à toutes sortes de maltraitances. Ensemble, ils font la connaissance d’une vieille femme chassée de sa maison par son fils et sa belle-fille. Les trois malheureux s’entraident et s’aiment d’un amour inconditionnel en dépit de leurs tourments. « Ce livre a connu un succès énorme auprès des enfants de moins de dix ans, car ils ont pu s’identifier au héros de l’histoire, surtout que le livre aborde un sujet de société, celui des gens qui vivent dans la rue », explique la libraire pour qui chaque enfant, grâce à son imagination, peut créer son propre livre, son histoire. « La leçon qu’on veut leur transmettre c’est que toute solution, à n’importe quel problème, doit émaner d’eux », dit-elle. En effet, cette nouvelle tendance d’impliquer les enfants dans le choix des thèmes, des dessins et parfois de l’édition de leurs livres porte ses fruits. A tel point d’être considérée comme un facteur important pour donner envie aux enfants de lire.
(Photo: Nader Ossama)
Pour Marwa Abdel-Rahmane, directrice de la Bibliothèque nationale pour enfants à Héliopolis, « les livres qui connaissent le plus de succès sont les ouvrages scientifiques ». Un avis partagé par l’auteur de livres pour enfants Yaacoub Al-Charouni : « Il faut que les livres pour enfants évoluent au même rythme que la société et les mentalités. C’est pour cette raison que les livres scientifiques occupent la tête de liste des livres que les enfants aiment lire ».
En effet, il n’existait pas en Egypte, avant les années 1970, une littérature pour enfants proprement dite. Les auteurs égyptiens abordaient des sujets simples avec des leçons de morale. L’auteur Yaacoub Al-Charouni, qui fait partie de ces écrivains ayant constaté le changement qui s’est opéré chez ses jeunes lecteurs, n’a pas tardé à changer sa façon de s’adresser aux enfants. « J’ai commencé par demander aux enfants de participer avec moi au choix de sujets qui les intéressent ainsi que les dessins », souligne l’auteur, dont le dernier livre est sorti avec trois différents types de dessins exécutés par les enfants. Si une partie de la nouvelle génération aime lire des livres qui la touche de près, d’autres enfants restent encore fidèles aux livres qui ont forgé l’esprit de leurs parents et les trouvent aussi intéressants.
Dar Al-Maaref encore et toujours
Trois filles et un garçon attendent devant la porte de la maison d’édition Dar Al-Maaref située à la rue Chérif au centre-ville. C’est l’heure de la prière du vendredi et la maison d’édition n’a pas encore ouvert ses portes. Racha Fathi, âgée de six ans, accompagnée de sa soeur aînée Randa, manifestent des signes d’impatience. « Quand est-ce qu’on ouvre ces portes? Je veux acheter d’autres exemplaires de la série Al-Maktaba Al-Khadraa Lél Atfal (La Bibliothèque verte pour enfants) », lance impatiemment la petite Racha, agacée d’attendre. Racha a en fait lu plusieurs exemplaires de cette série que sa grande soeur avait lue alors qu’elle avait son âge. Enthousiasmée par le contenu, Racha a continué d’en acheter pour terminer de lire toute la série. « J’ai beaucoup aimé l’aventure d’Al-Moghamir Al-Garië (le courageux aventurier) dans laquelle les manoeuvres du méchant géant ont échoué », explique toujours avec enthousiasme la petite Racha. Randa, sa soeur, ne peut cacher un léger sourire aux propos lancés par sa soeur. En grandissant, cette dernière a conservé son amour pour la lecture, mais a changé de genre de livres. A l’adolescence, Randa a commencé à s’intéresser aux romans à l’eau de rose. La prière terminée, c’est l’heure de l’ouverture. Plusieurs enfants et adolescents s’emparent des lieux, à la recherche de leurs livres favoris parmi des centaines de titres publiés. Abdel-Rahmane Moustapha, l’un des jeunes, accompagné de ses deux soeurs, demande au responsable s’il y a le livre qui raconte l’histoire des animaux dans le Coran. Mais le livre n’a pas encore été réédité et le stock est épuisé. « Mes parents, qui sont très pieux, aiment bien que je lise des livres ayant trait à la foi », explique Abdel-Rahmane. Les livres d’Histoire sont aussi appréciés par les jeunes.
La famille Al-Sobki est en train de se préparer pour partir passer les vacances de la mi-année à Louqsor et Assouan. Le tout jeune Yéhia Al-Sobki est complètement absorbé par la lecture d’un livre de poche qui raconte l’histoire de la ville de Louqsor et de ses célèbres sites. « J’ai l’habitude de lire l’histoire de la ville qu’on va visiter pour mieux la connaître et la raconter ensuite à ma famille », explique le tout jeune Yéhia, âgé de 12 ans. Il n’est pas l’unique adolescent à s’intéresser à l’histoire de son pays. Adel, un autre jeune lecteur, est pris de passion pour l’Histoire du monde. Il s’intéresse surtout à la période de la Seconde Guerre mondiale dont il a retenu les événements principaux. Il est devenu un historien en herbe.
(Photo: Nader Ossama)
Les livres édités par Al-Moässassa Al-Arabiya Al-Haditha (la fondation arabe moderne) plaisent aussi aux enfants. Le propriétaire de cette maison d’édition, feu Hamdi Moustapha, a voulu encourager les enfants et les adolescents de la génération des années 1980 à la lecture, en leur offrant une littérature égyptienne variée: romans fantastiques ou à l’eau de rose, science-fiction, aventures, romans policiers. Ces livres continuent à plaire à la génération d’aujourd’hui, car adaptés à leurs besoins. Les deux séries Fantasia et Extra-naturel, rédigées par l’auteur décédé Ahmad Khaled Tawfik, étaient très prisées à tel point qu’il fut appelé après son décès « Le parrain, celui qui a incité les enfants à lire ». Plusieurs sites électroniques ont été créés par les jeunes pour célébrer sa vie et son oeuvre.
Toutes ces initiatives et réactions de la part des enfants, adolescents et même adultes contredisent bel et bien l’idée répandue selon laquelle les enfants égyptiens ne lisent pas.
Beaucoup d’enfants aiment, au contraire, la lecture mais préfèrent participer au choix des thèmes et des dessins. Ils veulent simplement que l’on respecte leurs goûts.
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