«
Après la naissance de mon fils Malek, j’avais pris du poids, et comme j’habitais trop loin du club de Maadi
, me remettre à faire du sport me paraissait difficile. C’est grâce aux encouragements de mon père et de mon mari que j’ai réussi à retrouver ma forme et le plaisir de jouer au handball, mon sport collectif favori que j’avais commencé à l’âge de 8 ans », déclare Nadine Al-Chobary, 31 ans, ancienne joueuse de handball au club de
Maadi.
Sur le terrain, au club de Maadi, il règne une atmosphère conviviale. Des femmes, toutes dans la trentaine, sont ravies de se retrouver le premier vendredi de chaque mois pour pratiquer le handball, se ressourcer et se remémorer les bons souvenirs tout en jouant un match amical. Elles portent des tenues de sport qui ne présentent aucun signe d’appartenance à un club. Plusieurs sont venues avec leurs enfants. Ceux-ci s’amusent aux abords du stade et l’un d’eux se promène tranquillement sur le terrain durant le match.
C’est Nadine Al-Chobary qui a eu l’idée, il y a 7 mois, de créer une page Facebook pour lancer un appel aux anciennes joueuses de la sélection nationale junior des années 1990 qui ont lâché le handball pour des raisons liées au travail ou aux études, ou suite au mariage, et ce, pour former une équipe et se remettre à jouer. Abdel-Aziz Al-Chobary, père de Nadine et gynécologue, a beaucoup incité sa fille à le faire. « J’apprécie sa façon de jouer. Elle a des passes rapides, s’investit sur le terrain et est toujours tenace », indique-t-il. Il est arrivé très tôt au stade ce jour-là pour assister au match et a pris une haute place dans les gradins pour mieux voir toutes les joueuses. En tant que spectateur, il interagit en s’opposant à une erreur défensive ou applaudit quand un but est marqué. « Les tâches ménagères pèsent lourdement sur les femmes ainsi que les tâches de gestion et d’organisation pour le bon fonctionnement du foyer ou même d’ordre professionnel. Je pense qu’elles ont le droit de consacrer un peu de temps au sport, car le stress au quotidien peut facilement nuire à leur santé », affirme Al-Chobary.
Ce « retour au stade » a été favorablement accueilli par les anciennes joueuses de handball. Différents commentaires ont été publiés non seulement par celles qui faisaient partie du club de Maadi, mais aussi de celles des clubs Chams, Guézira, Ahli et Tayarane. Parmi tous ces clubs, 14 femmes ont retrouvé leur terrain de jeu préféré et se sont remises à pratiquer le handball de manière régulière. Ce nombre est suffisant pour disputer un match. Une fois les équipes constituées, un groupe WhatsApp a été créé pour planifier les rencontres et les femmes ont aussi réussi à rassembler d’autres joueuses, dont la présence est plus irrégulière. « J’ai pratiqué ce sport durant 26 ans et j’ai arrêté il y a 5 ans. Je travaille actuellement dans une société pétrolière. Mon activité professionnelle est ardue, il m’arrive souvent de rentrer à la maison à 20h. Avant de répondre à l’appel, j’ai rêvé que j’étais en train de participer à un championnat de handball. Je suis heureuse qu’il y ait eu un écho à ce rêve pour compenser ce grand vide dans ma vie », commente Noha, 35 ans. Elle est fière d’avoir été décorée en 1992 comme meilleure gardienne de buts et, en 1995, comme meilleure joueuse. « Je suis de la génération née en 1983. Nous avons vécu l’époque des championnats où l’Egypte était bien classée au niveau mondial dans les années 1990. Des joueurs tels qu’Ayman Salah, Mahmoud Hussein et Awad ont été des exemples qui m’ont inspirée, une motivation pour aller de l’avant », dit Noha.
Les anciennes joueuses présentent des traits communs : dos bien dressé et épaules larges. Et si certaines ont pris de l’embonpoint, toutes ont les bras musclés et robustes. Une demi-heure avant la fin du match, Mariam Ahmad, dentiste, décide de quitter le terrain. « Mon corps n’est plus aussi résistant, mais j’ai tout de même fait des progrès par rapport au premier match. Le handball me permet d’évacuer le stress des études et de mon travail à l’hôpital et en clinique », souligne-t-elle.
Faire revivre les souvenirs
Se retrouver sur le terrain fait revivre des souvenirs d’enfance. (Photo : Nader Ossama)
En se retrouvant, les anciennes joueuses, surtout celles qui se connaissent depuis longtemps, savent facilement repérer les faiblesses de leurs coéquipières. Durant le match, on peut entendre des éclats de rires, et certaines n’hésitent pas à plaisanter de la manière dont joue l’une d’entre elles. Les buts ne sont pas comptés, l’objectif étant de se faire plaisir en jouant au handball. Durant la pause, les joueuses donnent l’impression de faire partie d’une même famille.
Les souvenirs reviennent. Elles se remémorent les moments qu’elles ont vécus ensemble dans les camps de jeunes, un séjour indispensable avant chaque championnat. « On a sillonné les quatre coins de l’Egypte et j’ai eu l’occasion de visiter plusieurs villes, notamment Tanta, Damanhour, Qéna et Port-Saïd. Ces séjours sportifs m’ont permis d’être plus indépendante et d’assumer mes responsabilités », souligne Injy Achraf, 30 ans, pharmacienne. Cette ancienne handballeuse a arrêté de jouer en 2008, mais a réussi à s’organiser pour faire partie de cette équipe. « Je me réveille à 6h du matin. Ma journée est répartie entre mon travail en tant que pharmacienne, la préparation du déjeuner et m’occuper de mes enfants. Je dois faire une sieste pour être en forme pour ce rendez-vous », explique-t-elle. Elle ajoute que son mari l’a encouragée à reprendre le sport.
« Je pense que notre flexibilité et notre envie de rejouer au handball, nous les devons à nos anciens entraîneurs, qui nous ont insufflé cet esprit de cohésion et d’équipe. Nous faisons partie de cette génération qui a vécu l’âge d’or du handball », dit, pour sa part, Hiam Abaza, 31 ans. Elle évoque la déchirure du ligament qu’elle a subie lors d’un match et qui l’a éloignée du terrain durant quelques mois. Aujourd’hui, elle doit mettre une genouillère pour maintenir son genou pendant les matchs. « Je dois subir une intervention que je reporte à chaque fois, car après l’opération, il faut une période de convalescence, ce qui va m’empêcher de jouer, et ça, je ne suis pas prête à le faire pour le moment », affirme-t-elle.
Si, pour les unes, il s’agit d’un passe-temps agréable, pour d’autres, c’est bien plus que ça. L’envie de se retrouver un jour dans un stade a toujours hanté l’esprit de quelques anciennes joueuses. Yasmine Gomaa, 35 ans, comptable dans une université privée, pense même changer de carrière et devenir entraîneur de handball pour débutants. « Je cherche à suivre des stages au sein de la Fédération égyptienne de handball pour être capable d’accomplir cette fonction et reprendre, par la même occasion, le contact avec la communauté sportive », précise Yasmine, qui pense que le retour des anciennes joueuses de handball constitue un message qui montre que les femmes sont capables de continuer à faire du sport et de participer à des championnats convenant à leur catégorie d’âge.
Le match du jour est terminé. « J’espère que la Fédération égyptienne de handball pourra trouver une formule offrant plus d’opportunités aux joueuses de continuer ce sport. Le budget consacré au handball permet aux joueurs hommes de continuer à jouer bien plus longtemps que les femmes. Il faut que les fédérations sportives revoient leurs règlements concernant chaque activité sportive, afin de garder les femmes le plus longtemps dans le domaine sportif », affirme Abdel-Aziz Al-Chobary. Pour l’heure, les joueuses sont heureuses de revoir leur ancien entraîneur Mohamad, qui est venu assister au match et qui les félicite de leur performance. « Je suis ravi de constater que le handball coule dans vos veines et que les efforts déployés durant des années ne sont partis dans le vide », conclut-il.
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