Healthy clean eating (alimentation saine et propre), tel est le slogan qu’a soulevé Nadia Abou-Taleb, fondatrice d’un des premiers restaurants spécialisés en nourriture saine en Egypte. Inauguré depuis un an et demi, Be good to you tente de servir non seulement des plats délicieux et sains, mais aussi de commercialiser l’idée de manger sainement, tout en créant une nouvelle culture gastronomique. « Il y a quelques années, j’ai été atteinte d’une maladie auto-immune. J’ai refusé l’idée d’avaler des médicaments tout le reste de ma vie. J’ai commencé à faire des recherches sur Internet concernant les avantages de la nourriture saine pour guérir, et surtout éviter d’autres maladies.
Quand j’ai décidé de changer mes habitudes alimentaires en mangeant sainement, j’ai constaté un changement positif sur ma santé, et ce, sur une courte période de temps. Et pour approfondir mes connaissances scientifiques, j’ai fait une année d’études pour devenir health coach, et j’ai suivi une autre année de cours pour devenir une experte en nutrition, et surtout apprendre des recettes de plats favorables à la santé et à l’organisme. Aujourd’hui, le médecin m’a autorisée à arrêter le médicament que je prenais car ma santé s’est nettement améliorée. J’ai donc voulu partager cette expérience avec d’autres personnes », explique Nadia qui, après l’inauguration de son tout dernier restaurant au sein d’une entreprise de télécommunication, espère voir cette expérience s’étendre dans les écoles, les universités et les lieux de travail, et apprendre aux gens à manger sainement.
Du bio, que du bio
Fayrouz Nasser, responsable du premier site pour le bien-être en Egypte, pratique le yoga et mange sainement pendant la pause dans son travail.
Son restaurant situé à Qattamiya est une plateforme où elle tente de développer son savoir-faire. Là, la cuisine est une véritable ruche. Le principe de base de sa conception en matière culinaire est d’utiliser les ingrédients qui ne renferment aucun produit chimique. Les légumes et les fruits sont bios, ainsi que les viandes et les oeufs. Et à la place du sucre, on utilise dans sa cuisine du miel ou des fruits naturels. Le moindre ingrédient est préparé à la main pour respecter les normes imposées par Nadia. Même les sauces et le ketchup sont préparés à base de tomates fraîches et non pas de tomates en conserve. Les pâtes sont préparées sur place et les produits industrialisés, comme les macaronis, sont interdits. « On a surtout voulu montrer qu’une alimentation saine n’est pas synonyme de plats fades, au contraire, ça peut être tout aussi appétissant », avance Abou-Taleb.
Au restaurant qui témoigne d’un vaet- vient incessant, les menus semblent convenir à toutes les catégories de personnes : celles qui souffrent d’allergie au gluten et celles qui ont une intolérance au lactose. Environ 50 % des menus sont réservés à ce genre de client, et le lait utilisé est d’origine végétale comme le lait de noix ou de noix de coco. Une autre partie du menu est réservée aux personnes qui veulent suivre un régime. Des nutritionnistes proposent aux clients qui veulent perdre du poids différents types de régimes, leur conseillant de suivre ce qui leur convient le mieux. Alors que d’autres se chargent de leur fournir des programmes détox.
Manger mieux, vivre mieux
Ce restaurant, qui tente de véhiculer de nouvelles idées, fait partie de tout un marché qui commence à prospérer en Egypte. Dans une société où les habitudes culinaires et alimentaires ne sont généralement pas saines — plats traditionnels trop gras, surconsommation de viandes rouges, usage excessif du sel et du sucre, etc. —, la tendance manger sain tente de se frayer un chemin. Des échoppes en ligne commercialisent du poulet et des oeufs sans hormone, d’autres vendent de la viande de mouton et de veau nourris sainement, et ce, sans compter le nombre en hausse de fermes qui cultivent des produits bio ou hydroponique. Bref, une mobilisation qui commence à rendre service au principe du Healthy food (nourriture saine).
« Il y a trop de pollution en Egypte et les produits chimiques font également des ravages. Ils sont omniprésents dans les aliments, dans les produits désinfectants pour faire le ménage, sans compter le plastique qui est un polluant très puissant. Résultat : le cancer fait des ravages. Beaucoup d’études ont pointé du doigt la qualité de la nourriture comme étant le premier responsable », explique Amina Rachad, health coach (instructrice en santé) et fondatrice de la marque Glow smoothies and snacks qui produit des jus frais de légumes et de fruits ainsi que de graines.
En effet, selon les chiffres du ministère de la Santé et de la Population, 113 personnes sur 100 000 sont atteintes de cancer. Un chiffre qui risque de tripler d’ici 2020. Et d’après une étude britannique effectuée dans 125 pays par l’organisation Oxfam sur la consommation alimentaire et son impact dans différents pays du monde, et dans laquelle les chercheurs ont étudié la disponibilité de la nourriture, la capacité des gens à l’acheter, la qualité de la nourriture et le taux de maladies liées à la consommation d’aliments malsains, l’Egypte est arrivée à la 80e place au niveau mondial et la 6e place en Afrique. Face à ce constat alarmant et face au fléau du cancer, de nombreuses familles sont à la recherche d’alternatives préventives.
L’alimentation saine pourrait en être une. « Je souffre depuis quelques années de diabète. Les médicaments m’ont épuisée. Mon médecin m’a conseillé de suivre un régime alimentaire, j’ai donc décidé d’être très sélective en ce qui concerne mes habitudes alimentaires. Consommer de la nourriture saine m’a beaucoup aidée à améliorer mon état de santé. Mon médecin a été étonné du résultat au point de réduire le taux d’insuline que je devais m’injecter régulièrement », confie Nagwa, ingénieur de 40 ans. Un autre exemple est celui de Mohamad, qui est atteint de rhumatoïde depuis un an et qui a rejoint un camp qui offre un traitement par le biais d’une alimentation saine. « Je suis resté dans ce lieu quelque temps sous surveillance. Je jeûnais mais en buvant seulement de l’eau, puis, j’ai commencé à manger des fruits et des légumes et à boire des jus frais et bio. Le résultat a été satisfaisant à tel point que le corps médical a commencé à me réduire graduellement les médicaments. Je connais aussi des personnes atteintes de cancer dont l’état s’est beaucoup amélioré grâce à cette nourriture saine », précise Mohamad, homme d’affaires qui se plaint cependant de la cherté des produits bios.
Nouveaux métiers en vogue
Ces constatations ont donc donné à ce nouveau mouvement un élan positif. La tendance se propage et ses adeptes ont du succès. Health coach, Nutrition coach et expert en matière gastronomique sont devenus des stars. Et si la présentatrice Mona Amer, femme d’un ex-diplomate qui s’est servie de ses recettes pour préparer des plats sains, lors de ses tournées avec son conjoint à travers le monde, a lancé l’idée, Sally Fouad, qui a présenté une émission sur la chaîne CBC sofra, était devenue la grande star, bénéficiant d’une grande audience. Sa page Facebook compte plus que 4 millions de membres. Outre la télé, sur les réseaux sociaux aussi, la tendance se propage. Après avoir terminé une étude online sur la nourriture saine, qui a duré une année, Shahinaz Al-Tarouty a reçu un diplôme d’un Institut de nutrition intégrale à New York. Elle a décidé d’entamer sa carrière comme coach en nutrition.
« J’ai toujours été intéressée par la nourriture et la santé. Et quand j’ai atteint l’âge de 40 ans, ne me sentant pas bien, j’ai commencé à contrôler mon poids tout en n’admettant pas l’idée du ralentissement du métabolisme à cet âge. J’ai aussi découvert que beaucoup d’experts en nutrition manquaient d’exactitude lors de leurs consultations », confie Al-Tarouty, en assurant qu’elle a pu, grâce à ses études, apprendre comment augmenter son métabolisme, afin de vieillir moins vite, assurer une bonne connexion avec son corps et créer ce qu’elle appelle Inner guide (guide interne). « J’ai appris beaucoup de choses qui ont changé tout ce que j’avais lu auparavant. Par exemple, les aliments qui font grossir ne sont pas les mêmes chez tous les individus, ni avec le même taux. C’est ce qu’on appelle l’alimentation biologique individuelle », avance Al-Tarouty, qui a élaboré une approche intégrale qui se base sur l’équilibre : manger sainement, bien dormir, faire du sport et réduire le stress. « L’enseignement à l’institut nous a donné les informations nécessaires, les outils et l’entraînement qu’il faut pour devenir coach en nutrition ». Aujourd’hui, Shahinaz est devenue une experte dans ce domaine.
Quel est l’impact de l’addiction du sucre blanc sur le corps ? Comment manger après la quarantaine pour vieillir moins vite ? Comment suivre un programme détox convenable ? Un tas de questions auxquelles elle tente de répondre à travers les réseaux sociaux. Son petit bureau de consultation online ne cesse d’attirer une large clientèle aussi bien en Egypte que dans d’autres pays. Elle a aussi recours aux vidéocalls et vidéoconférences pour communiquer avec ses clients. Sur sa page Facebook et son compte Instagram, elle glisse des messages sans oublier de tenir des ateliers dans divers domaines sur Webseminar ou Youtube qui va servir de plateforme pour publier des recettes saines et diététiques.
Autre exemple, celui d’Amina Rachad, Health coach, qui a étudié à l’Institut de nutrition intégrale, à New York. Celle-ci utilise d’autres plateformes pour répandre ses idées. Sa page Facebook compte plus de 6 400 fans, et son compte sur Instagram plus de 8 000, elle donne aussi des cours et sensibilise les gens, tout en leur apprenant comment se nourrir sainement. Au restaurant Eatary, situé dans un centre commercial, elle ne rate pas son rendez-vous mensuel avec les personnes intéressées par le Healthy food. Elle leur montre alors les étapes de préparation des smoothies, de la soupe et des plats riches en vitamines et en matières nutritives. « Je leur communique des informations qui les aident à suivre leur état de santé, jour après jour, à commencer par la couleur de leur urine », commente Rachad.
Un site spécialisé
Amina Rachad fait
circuler son savoir-faire sur le healthy food à travers des ateliers dans un restaurant à Al- Tagammoe Al-Khamès.
Un marché prospère qui a donné naissance non seulement à de nouveaux métiers dans le domaine du Healthy food, mais aussi à la fondation du premier site Internet en Egypte qui présente des services. « Des coachs en nutrition, des coachs pour rester en bonne santé, des life coach, des entraîneurs de fitness, de nouvelles spécialités qui avaient besoin de quelqu’un pour les présenter au public et montrer leur utilité. On a donc pris cette initiative, surtout qu’on a trouvé qu’il n’existe pas de site Internet en Egypte qui parle de cela. Les sites sur la santé parlent seulement de la diète et du sport, alors, on a voulu présenter une conception plus large sur le bien-être, qui est une approche holistique et plus intégrale pour la santé », explique Fayrouz Nasser, fondatrice du site Daily crisp lancé en 2017 en anglais, et qui a réussi en une année à attirer plus de 250 000 lecteurs.
Le site, qui compte actuellement plus de 40 health coachs diplômés, s’apprête aujourd’hui à élargir son cercle de lecteurs et lancer une version en arabe. « On veut que les gens, qui vivent en Egypte et qui sont à la recherche d’habitudes alimentaires saines, puissent trouver une personne capable de leur fournir des informations correctes à travers des experts.
Tous ceux qui écrivent sur le site possèdent des certificats agréés chacun dans son domaine », poursuit Fayrouz. Comment, par exemple, acheter des produits alimentaires ou préparer un mets pour les malades atteints d’intolérance au gluten ? Quelles sont les recettes adéquates pour celles qui suivent un régime végétalien ou à base de plantes ? Comment peut-on manger sainement dans la rue durant une journée de labeur ? Quelle est la différence entre le régime paléo, riche en protéines animales en excluant les céréales, les légumineuses, les huiles végétales et les produits laitiers et le régime céto caractérisé par une baisse de consommation en glucides et en protéines et par une augmentation de la proportion de l’énergie provenant des corps gras ? « On tente de fournir au public un arsenal d’informations crédibles pour le sensibiliser et le mettre sur le bon chemin », conclut Nasser.
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