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Cher père Noël ...

Chahinaz Gheith, Mardi, 02 janvier 2018

A quoi peuvent bien rêver les enfants d’aujourd’hui ? A l’occasion de Noël, l’Hebdo a donné la parole à des enfants de conditions différentes. Ils parlent de leurs difficultés, de leurs rêves et de leurs voeux les plus chers.

Cher père Noël  ...

J’ai des rêves pour mes futurs enfants, plus pour moi »
Mina, 13 ans

Cher père Noël  ...

Malgré ses 13 printemps, Mina a des mains de vieillard. Il fait tourner une briqueterie située à Hélouan. « Ça fait mal. Mes paumes sont boursouflées de cals gros comme des cailloux. Mon dos est strié d’écorchures tellement asséchées qu’elles semblent prêtes à se déchirer », dit Mina, surnommé « l’enfant des briques », en se massant les doigts. « Je travaille ici depuis que j’ai 6 ans. Ma journée commence dès l’aube et se termine tard le soir. Je creuse la terre pour en extraire l’argile, transporte les briques dans des charrettes, les sèche au soleil et charge les camions. Un métier dur, mais je n’ai pas le choix. La pauvreté et la mort de mon père et de ma mère suite à un accident m’ont piégé dans ce travail laborieux, et surtout mal rémunéré (30 L.E. par jour). Je sais que je ferai des briques toute ma vie. Si on m’avait donné le choix, je serais allé à l’école et vécu comme les gens instruits afin de mener une meilleure vie. Et si j’ai des enfants un jour, ils recevront tous l’éducation à laquelle je n’ai jamais eu droit. J’ai des rêves pour eux, plus autant pour moi. Je voudrais qu’ils soient médecins ou ingénieurs. Mais pour assurer cet avenir ambitieux, il faudra que j’économise pour ouvrir ma propre briqueterie », confie Mina.

« Je veux sortir des sentiers battus »
Omar, 17 ans

Cher père Noël  ...

Elève en troisième secondaire, il attend impatiemment de passer son bac pour aller poursuivre ses études universitaires à l’étranger. « Je rêve de nouveaux horizons, de voyages, je suis avide de découvertes et de rencontres. Je veux voler de mes propres ailes, trouver ma voie tout seul », dit Omar, avec un trop plein d’enthousiasme et un optimisme qui peut être jugé exagéré. Ce jeune garçon, qui semble croquer la vie à pleines dents, dit refuser de suivre le parcours traditionnel, d’entrer dans les rangs. « Je veux sortir des sentiers battus. Mon ambition n’est pas de faire des études de commerce dans une université privée comme la plupart de mes copains, chercher un travail dans une multinationale, et rester dans la maison familiale jusqu’à ce que je me marie et que je devienne à mon tour chef de famille. Je veux essayer autre chose, avoir un parcours différent, pas forcément partir pour ne pas revenir, au contraire, j’aimerais revenir avec un plus, et monter mon propre business. Etre fonctionnaire, travailler enfermé dans un bureau, avec des horaires et des règles rigides, ce n’est pas pour moi ». Féru d’aventures, intrépide, voire impulsif, il a fait un deal avec son père : qu’il finance ses études à l’étranger en contrepartie de ne lui acheter ni appartement, ni voiture en Egypte. « C’est un risque, je sais, mais je suis prêt à le prendre ».

« Les projecteurs me fascinent »
Malak, 9 ans

Cher père Noël ...

« J’aimerais être une actrice, une star. Je suis assez timide, mais à l’école, sur les planches du théâtre, j’oublie mes réserves et tout le monde est impressionné par mon niveau », lance cette petite fille, scolarisée dans une école internationale. « J’adore le cinéma et la danse. Les proje­teurs me fascinent. Dès l’âge de 5 ans, j’ai commencé à sin­ger mes camarades. J’imitais les gestes de mon père et ma mère et répétais comme un per­roquet ce que mes cousines disaient. Très inquiète, ma mère m’a emmenée chez un psychologue. Mais il lui a dit que j’étais une enfant normale. Il lui a dit aussi que j’avais besoin de faire des activités artistiques pour m’exprimer. C’est ma mère qui m’a raconté tout cela plus tard », confie Malak, qui parle déjà comme une jeune fille de 25 ans. « J’aimerais aider les enfants palestiniens et syriens qui ris­quent la mort tous les jours. Je partage aussi la peine des enfants de la rue et des orphe­lins », dit-elle. Fan de cinéma, Malak espère devenir un jour la nouvelle Zébeida Sarwat, la célèbre actrice égyptienne

« Je veux vivre ailleurs que dans un cimetière »
Hani, 10 ans

Cher père Noël ...

« Je dois travailler comme vendeur à la sauvette deux jours par semaine afin de participer au financement de mes études. Les professeurs nous obligent à prendre des cours particuliers, sinon, ils nous frappent et nous donnent de mauvaises notes. J’aime l’école et j’espère poursuivre mes études, mais mon père, qui est fossoyeur, ne peut pas payer les frais de ces leçons pour ses cinq enfants », confie Hani, qui habite avec sa famille dans une pièce dans le cimetière de Bassatine. « La chambre est très étroite. L’eau sale des égouts nous inonde souvent, ce qui fait que nous sommes obligés de manger sur le lit. Je révise mes leçons sur les tombes et parfois dans la rue. Mon école est aussi étroite, il n’y a pas de cour pour jouer et courir. J’espère vivre avec ma famille dans un endroit plus vaste et plus propre, et aussi trouver un lieu où jouer ailleurs que dans un cimetière. Je rêve d’être un jour un célèbre chanteur et de faire un disque », dit-il tout en répétant les dernières chansons en vogue.

« Je rêve d’un McDo »
Ibrahim, 8 ans

Cher père Noël ...

Ibramim est atteint d’une leucémie en phase terminale. « J’ai toujours faim. Une sonde me nourrit. Quand je mange un peu de vraie nourriture, une douleur à l’estomac se réveille. Pourrai-je un jour décider de ce que je veux manger et quand j’en ai envie ? Je sais bien que non. Je ne fais jamais ce que je veux, je dois obéir à des restrictions quotidiennes. Mon grand souhait est de manger un sandwich de McDonald’s et de se déguiser en Spiderman ». Ibrahim a un autre voeu qui lui est cher et qu’il aimerait pouvoir concrétiser pendant les derniers jours qui lui restent à vivre : celui de rencontrer son idole : l’acteur Ramez Galal, une personne qu’il voit à la fois déjantée et sympathique. « Je rêve de lui jouer un tour. Je réfléchis à mille et une ruses, puis je renonce. Non, non, je n’oserai jamais lui faire ça, je l’aime beaucoup. Je veux seulement le voir, c’est mon souhait ».

« Mon objectif : Gagner ma vie moi-même »
Nagui, 12 ans

Cher père Noël ...

Natif de Qalioubiya, ses profs disaient de lui qu’il était paresseux, bon à rien. « En fait, je séchais les cours pour travailler dans une fonderie d’aluminium. C’est mon voisin Ragab qui m’a toujours encouragé dans cette voie. Il faut que tu gagnes ton propre argent, me disait-il. Mon père, fonctionnaire, lui, voyait les choses sous un tout autre angle. Il venait me chercher chaque jour à la sortie de l’école pour s’assurer que j’y étais bien : il voulait que je sois aussi studieux que mes deux frères, qui ont plus d’ambition que moi. Mais au bout d’un certain temps et au vu de mes résultats, il a accepté que j’abandonne l’école, alors que j’étais à l’époque en troisième primaire. En fait, je ne sais pas quand exactement j’ai quitté mon établissement », raconte Nagui. En lui posant la question s’il a aimé poursuivre ses études, il répond : « Evidemment que non. Là, les professeurs me battent pour un oui ou pour un non. Je préfère encore me faire gifler par mon patron. Au moins, il m’apprend quelque chose d’intéressant et il me paie ! (500 L.E. par mois). Mon objectif, c’est gagner ma vie moi-même. En tout cas, je ne forcerai jamais mes enfants à aller à l’école s’ils ne le veulent pas. Je leur laisserai toujours le choix. Tout dépend de ce que l’on aime ».

« J’aurais voulu qu’il n’y ait pas de discrimination entre les filles et les garçons »
Khadiga, 16 ans

Cher père Noël ...

Déjà mère de deux enfants, analphabète et issue d’une famille nubienne, elle dit n’avoir jamais eu le droit de rêver. « Je me suis habituée à enterrer mes rêves. J’ai toujours souhaité aller à l’école pour devenir un jour médecin, journaliste ou avocate. Je tenais tant à changer ma vie : ne plus avoir à faire les corvées quotidiennes, ni essuyer les réprimandes de mon père ni tolérer cette discrimination entre moi et mes frères, mais j’en étais incapable. J’aurais voulu qu’il n’y ait pas de discrimination entre les filles et les garçons. Pour ma famille, les seuls enseignements autorisés à une fillette étaient d’apprendre à cuisiner, à faire le ménage et à élever un enfant. Et comme toutes les filles de mon entourage, j’ai subi l’excision. A 13 ans, mon père a décidé de me marier. J’ai pensé alors que mon supplice allait prendre fin, mais je me suis trouvée sous le joug d’un mari autoritaire. Dans mes conditions, même l’espoir est un luxe réservé aux couches aisées »

« L’école de nos rêves est une école tournée vers le monde »
Zeina et Kenzy, 10 et 12 ans

Cher père Noël ...

Ce sont deux soeurs en 5e primaire et 1re préparatoire. « Nous ne voulons qu’un allégement des programmes sco­laires que nous étudions. Les devoirs nous accaparent au quotidien et ne nous ména­gent pas de moments de par­tage et de plaisir. L’école de nos rêves est une école tour­née vers le monde. On y apprend des autres et on aime y apprendre. C’est une école qui cherche à éveiller en nous la curiosité et la créativité et où nous irons de nous-mêmes avec le désir d’apprendre chaque jour. Durant les cours, nous sommes amenées à bouger pour des visites, des expositions, des musées, ou de réguliers ateliers de lec­ture et de création d’histoires à la bibliothèque », dit Kenzy, l’aînée qui espère poursuivre ses études à l’étranger et devenir une artiste peintre. Quant à Zeina, elle veut une « école sans notes, sans programmes, sans leçons, et surtout sans car­table trop lourd à porter, et qui lui permet de réussir à la fin de l’année. J’aimerais être hôtesse de l’air pour faire le tour du monde ».

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