La FIBA est revenue dernièrement sur sa décision de 2004 interdisant le port du voile sur terrain. Une bouffée d’oxygène pour les basketteuses égyptiennes et pour les responsables de la Fédération de basket. Selon les chiffres de la Fédération égyptienne de basket-ball, le nombre des joueuses de basket atteint les 4 500. « 50 % d’entre elles sont voilées. Ce qui signifie que l’ancienne loi de la FIBA — promulguée en 2004, interdisant de jouer avec un voile — a privé beaucoup de basketteuses de saisir leur chance dans ce sport collectif, que ce soit au niveau local ou international », commente Mohamad Abdel-Motteleb, vice-président de la Fédération égyptienne de basket-ball. « On va pouvoir aujourd’hui élargir nos critères de choix lors de la sélection dans les différents clubs d’Egypte. Beaucoup de joueuses talentueuses ont été mises à l’écart à cause de la précédente décision. Dorénavant, il est possible d’améliorer notre classement mondial avec les équipes féminines égyptiennes qui occupent actuellement la 26e place pour les moins de 16 ans et la 60e place pour les plus âgées », précise Abdel-Motteleb.
Parmi ces joueuses talentueuses figure Noha Chéta, 21 ans, qui évolue au sein du club Héliopolis. Elle s’apprête désormais suite à la décision de la FIBA à rejoindre l’équipe nationale féminine de basket-ball avec laquelle elle a remporté la seconde place au Championnat d’Afrique avant de décider de porter le voile. « J’aimerais participer aux Jeux africains en septembre 2017, mais la mise en application de la nouvelle décision de la FIBA ne prendra effet qu’en octobre. Néanmoins, mes ambitions sont sans limite. J’aimerais participer à la Coupe du monde de 2018 et réaliser mon rêve qui sommeille en moi depuis six ans », dit-elle avec enthousiasme.
D’après le site l’Equipe.fr, la décision de la FIBA met fin à une interdiction des couvre-chefs religieux, initialement imposée pour des raisons de sécurité. Le voile, le turban ou la kippa seront de couleur blanche, noire ou de la même couleur que le maillot. Les couvre-chefs religieux ne doivent couvrir ni entièrement, ni partiellement une partie du visage, ni présenter de danger pour autrui.
« Avant, lorsque je devais sélectionner des joueuses, j’éliminais d’emblée celles qui étaient voilées, même si elles étaient excellentes, car il n’y avait pas d’espoir à cause de cette interdiction du port du voile sur le terrain. Aujourd’hui, je suis prêt à faire le tour des clubs pour reprendre les meilleures d’entre elles », affirme Mohamad Hamed, entraîneur de l’équipe nationale de basket.
Tamer Gamal, entraîneur du club Al-Ghaba, est sur la même longueur d’onde. « J’avais dans mon équipe une joueuse qui mesurait 1,95 m, et jouait en position de pivot. Quand elle a décidé de porter le voile, elle a quitté l’équipe, car elle voyait qu’elle n’avait pas d’avenir en basket-ball. Ce fut une grande perte pour moi, car la majorité des filles en Egypte sont de petites tailles, et trouver une joueuse de ce gabarit est extrêmement rare », lance Gamal.
Sueurs sous le body en lycra
Avant, toutes les fédérations internationales interdisaient le port du voile, et cela engendrait de gros problèmes pour les sportives, même au sein de leur famille. Une joueuse de Karaté de 18 ans qui, elle aussi a requis l’anonymat, raconte qu’à chaque compétition, elle se disputait avec sa mère, car elle devait ôter son voile à l’étranger.
Les basketteuses voilées respirent certes après cette décision de la FIBA, mais leurs défis et ceux des autres sportives égyptiennes sont multiples. Le plus important et incommodant est la tenue de sport adéquate pour la sportive voilée. « Je suis obligée de porter un body en lycra sous le t-shirt pour jouer, ce qui n’est pas commode, car je transpire énormément des aisselles, et beaucoup de salles ne sont pas équipées de climatiseur en Egypte. Un autre exemple, lors des compétitions internationales, au Congo et au Nigeria, où l’humidité dans l’air était trop élevée, j’ai joué sous une chaleur torride et je n’étais pas habillée légèrement, alors que mes rivales jouaient en shorts et t-shirt. Résultat : mon jeu et mes mouvements étaient lents. Je veux seulement porter un t-shirt léger à manches longues en coton et répondant aux critères imposés par la Fédération internationale de ping-pong », dit Farah Abdel-Aziz, 15 ans, qui vient de remporter la Coupe arabe de ping-pong.
Le regard pesant de la société
Nombreux sont les défis auxquels font face les sportives voilées.
Dans une société qui n’encourage pas les filles à pratiquer du sport, « dire à nos enfants que pratiquer un sport est important, mais il faut aussi leur apprendre à respecter nos principes », commente une mère qui a requis l’anonymat. Les filles sportives n’ont pas la vie facile. Les familles ne misent pas sur les filles comme sur les garçons. Mis à part le port du voile ou pas, on ne regarde pas d’un bon oeil une fille qui voyage beaucoup seule pour des tournois internationaux sans sa famille. Les pressions sont énormes, Aya Médani, 28 ans, championne de pentathlon (sport comportant cinq épreuves dont l’escrime, la natation, l’équitation, et l’épreuve combinée qui regroupe la course à pied et le tir), en connaît un bout. « Après les Jeux Olympiques (JO) de Pékin, toutes mes camarades se sont opposées à ma décision de porter le voile, craignant que je propage l’idée parmi les rangs des sportives. J’avais besoin de leur soutien alors que je traversais une période difficile. Après avoir été championne du monde, je suis restée deux ans (entre 2010 et 2012) privée de terrain après avoir porté le voile. C’était dur pour moi, mais je suis revenue sur la scène, considérant que l’on devait respecter mon choix, car je ne portais ni atteinte à la liberté d’autrui, ni aux règles et aux lois du jeu ».
Médani a dû enfiler tout de même un maillot à la cinquième épreuve, à savoir l’épreuve de la natation. De quoi augmenter les pressions au sein de la société.
Parfois, ces sportives doivent faire face au fanatisme même sur terrain. Farah Abel-Aziz assure que certains coéquipiers qui devaient jouer un match de ping-pong avec elle ne cessaient de lui conseiller de quitter la compétition. Ils lui disaient qu’elle avait grandi et qu’il fallait qu’elle arrête toute activité sportive, car cela n’est pas autorisé aux femmes en islam. « Ils n’osaient pas révéler leurs idées rigoristes aux joueuses qui ne portent pas le voile. En ce qui me concerne, ils jugeaient que je devais me retirer », assure Farah.
A l’étranger, il arrive parfois que ces sportives subissent une sorte de discrimination. Randa Atef, 18 ans, championne du monde de karaté, raconte qu’il y a quelques années, un arbitre l’avait chassée du terrain sans raison probante. Elle photographiait ses coéquipières installées sur le podium après avoir remporté la compétition. « J’ai senti qu’on m’avait poignardé au coeur et j’ai porté plainte à la Fédération internationale de Karaté, car je considérais cela comme une sorte de discrimination », raconte-t-elle.
Voile ou pas, les hommes sont aussi moins enclins à s’unir avec des sportives. Randa Atef relate qu’un projet d’union a été annulé, car le prétendant ne voulait pas qu’elle continue à pratiquer du sport. « La plupart des hommes ont peur de se marier avec une sportive, car ils la trouvent audacieuse d’aller à l’étranger seule à n’importe quel moment pour participer à une compétition », conclut la championne de Karaté, qui n’a aucunement l’intention de stopper sa carrière de sportive pour autant.
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