Rayonnante et pleine de vitalité, telle est l’impression que nous donne Ghada Al-Khodari, 46 ans. Elle, qui travaillait comme traductrice de l’anglais vers l’arabe, a décidé de changer de métier à l’âge de 39 ans. Un vrai défi pour cette femme qui exerce aujourd’hui le métier d’entraîneur d’aérobic. Sa journée commence à 6h du matin et s’achève à 22h : un emploi du temps bien chargé. Elle doit revoir chaque jour ses fiches, élaborer des programmes nutritifs pour chaque cliente et donner ses cours d’aérobic accompagnés d’une musique à rythme soutenu tout au long de la journée. Aujourd’hui, Ghada dirige l’une des plus grandes salles de gymnastique catégorie A (premier degré) à Zamalek.
Avant de se lancer dans sa nouvelle profession, elle a dû prendre des cours d’aérobic, durant 3 mois à l’académie de Samia Allouba, une célébrité dans le domaine. « Cette activité développe la joie de vivre », explique Ghada. Retrouver sa sveltesse, afficher un corps modelé, et surtout avoir confiance en soi, c’est ce que tente de transmettre indirectement Ghada aux femmes qui suivent ses cours et semblent très enthousiastes. « Cette expérience m’a enrichie. En exerçant un entraînement de musculation ou en pratiquant des mouvements de culture physique en rythme et en coordination avec une musique endiablée, je me rends compte à quel point je suis robuste. J’ai aussi appris à connaître mon corps et ça c’est un atout », poursuit Ghada qui, depuis qu’elle exerce cette activité, sa vision des choses a changé. « Le concept du vieillissement n’est qu’une sorte de réflexion subjective qui détruit toute évolution chez l’individu », dit-elle. Son dynamisme et sa capacité à guider ses élèves ont fait d’elle un entraîneuse chevronnée en quelques années, alors qu’elle a commencé assez tard dans cette discipline.
Ghada Al-Khodari ne pouvait plus supporter d’être clouée sur une chaise pour faire son travail. (Photo : Salah Ibrahim)
Elle, qui était obligée de rester enfermée durant des heures, entourée de dictionnaires, les yeux fixés sur l’écran de son ordinateur pour achever son travail, est aujourd’hui libre de ses mouvements. « Je n’arrivais plus à me concentrer ni même à consacrer du temps à mes enfants ou à ma famille. Sortir pour aller faire du sport m’a permis de me détendre et changer de cadre », poursuit-elle. Pour elle, le métier de traductrice n’était pas toujours rentable à comparer avec l’effort déployé. Par contre, l’aérobic lui a permis de se sentir plus jeune, pleine de vitalité, et surtout de gagner un peu plus d’argent. « A part le fait de me sentir en superforme, travailler dans ce domaine m’a permis de connaître des gens de tous bords. J’ai même reçu des personnes atteintes de maladies graves et qui voulaient retrouver la forme », explique Ghada. Des cas pour qui elle consacre des mouvements adaptés pour ne plus dépendre des autres ou tonifier leurs muscles cardiaques tout en renforçant d’autres. Par ailleurs, elle donne des cours de yoga, Samba, Zomba.
Les différents exercices physiques n’ont pas été les seules sources de renouvellement. En effet, les professeurs d’aérobic doivent suivre des études théoriques et pratiques annuelles, pour être au courant de toute nouveauté dans ce domaine. « A présent, je connais parfaitement l’anatomie du corps humain, comment faire des massages, soigner les blessures et donner les premiers secours. Je suis à la fois l’enseignante et l’élève. C’est un processus continu », explique Ghada, qui a su trouver le bon équilibre entre sa vie professionnelle et sa vie personnelle. « Quel que soit le problème, j’ai suffisamment confiance en moi pour pouvoir le résoudre », dit Ghada. Un choix pour lequel Ghada a dû braver quelques défis. Elle qui porte le voile, a réussi à convaincre ses parents conservateurs à devenir professeure d’aérobic. Elle leur a expliqué que dans les salles d’aérobic, il n’y a que des femmes et l’accès est interdit aux hommes. « Les séances d’aérobic me permettent de dégager toutes les pressions négatives émises par la société », confie Ghada qui se sent aujourd’hui plus libre. Elle bouge, saute et danse sans avoir la crainte que quelqu’un vienne la critiquer ou dénigrer son travail. « Lorsqu’on m’invite dans un mariage, je ne bouge pas de ma place même si la musique est ensorcelante, car je suis une maman et de surcroît voilée ». Ghada espère continuer à travailler dans une telle ambiance chaleureuse que d’autres métiers n’offrent pas. « C’est un travail divertissant, où il n’est pas admis de créer des problèmes, car c’est un moment de détente et de vrai bonheur pour moi ».
Zoom sur le monde
« Prendre une photo, c’est décrire un sentiment, raconter une histoire, découvrir une personne », ainsi s’exprime Mohamad Ismaïl, 45 ans. Dès qu’il commence à parler de sa fougue pour la photo, ses yeux brillent de mille feux. « C’est ma plus grande passion, une belle photo parle d’elle-même », poursuit Mohamad Ismaïl dont le studio ressemble à un musée.
Un silence règne à l’intérieur du centre Art of Seeing (l’art de la vision), qui se situe dans l'une des rues les plus paisibles d’Héliopolis. Ce lieu a ouvert ses portes en février dernier et accueille les passionnés de la photo qui désirent suivre une formation. Sur une pancarte suspendue au-dessus de la porte, on peut lire Khatwa aziza (terme d’hospitalité destiné aux visiteurs).
Assis devant son ordinateur, Mohamad Ismaïl, propriétaire de ce centre, sélectionne une série de photos qui vont lui servir à enseigner une technique de prise de vue. Ce photographe fait tout pour faire ressortir les talents cachés de ses stagiaires. « J’arrive au centre assez tôt pour inspecter les locaux et préparer mes cours » , dit-il avec enthousiasme. La bâtisse dont les murs sont peints en trois couleurs (vert, violet et bleu) est en fait la maison familiale où Mohamad Ismaïl a installé son studio et un laboratoire pour développer et faire les tirages de photos.
Ce photographe très connu est un spécialiste des photos commerciales et publicitaires. Il a quitté son boulot de gynécologue en 2011 pour s’adonner à sa passion. Mais quel lien entre ces deux métiers ? Et comment Mohamad Ismaïl a eu l’audace de changer de carrière ? Il répond tout simplement que rien n’est comparable à son amour pour la photo.
« La médecine, c’est aussi de l’art. J’ai profité de mes 7 ans d’études pour observer certains détails du corps humain et la fonction de ses organes. Cela peut paraître bizarre, mais mes observations m’ont servi dans le domaine de la photo », dit-il avec un sourire coquin. « Le photographe est capable de lire l’effet recherché d’une photo avant même de la prendre ».
En 1989, lorsqu’il a entamé ses études de médecine, il a suivi en parallèle des stages dans le domaine de la photographie au Club de la caméra à Alexandrie, sa ville natale. Là, il a appris comment prendre des photos et s’est initié aux différentes étapes de développement et tirage sur papier. Plus tard et tout en exerçant son métier de gynécologue, il a suivi une autre formation pour devenir instructeur en photographie en prenant des cours au centre régional de formation à l’Université de Aïn-Chams. « Pour prendre une photo, il faut aller au-delà de ce qu’on aperçoit dans son objectif et tester tous les domaines disponibles dans cette activité », dit-il. « J’ai également suivi plusieurs stages à l’Université américaine du Caire et en Indonésie. Ainsi, j’en ai profité pour acquérir les compétences nécessaires dans ce domaine », explique Mohamad qui dit avoir élargi ses connaissances en lisant les ouvrages de Mery Fisher et Freman Paterson dans l’art de la vision.
Pour le photographe Mohamad Ismaïl, chaque photo prise parle d’elle-même.
Entre son métier de gynécologue et sa passion pour la photographie, il se sentait tiraillé. Cependant, les prix qu’il a reçus l’ont encouragé à faire son choix. Des prix décernés par le Club de la caméra, le Salon des jeunes au Caire et la Télévision d’Alexandrie. Ismaïl ne regrette pas avoir changé de métier. « C’est difficile d’investir de l’argent dans un projet ayant trait au domaine médical, par contre, avec la photographie, c’est possible et plus simple », précise Ismaïl, en ajoutant que c’est à lui de décider des prix de ses photos publicitaires.
Le cours vient de commencer, les stagiaires ont les yeux braqués sur leur coach. Il s’agit d’une séance de méditation programmée dans ce centre. Un moyen pour développer leur créativité. Avant de commencer sa séance, Ismaïl réclame le silence. Un jeune se lève et distribue aux stagiaires des bandages pour les yeux, de couleur verte et bleue, afin de mieux les aider à se concentrer. « Retenez votre souffle et faites un flash- back sur votre enfance. Vous êtes encore des enfants et vous ouvrez une porte et vous êtes en compagnie de l’un de vos camarades. Vous découvrez la nature et l’air pur, vous respirez à pleins poumons tout en admirant chaque couleur, chaque détail », lance Ismaïl en observant ses stagiaires, tout en les incitant à faire preuve d’imagination.
L’atmosphère se détend. Laisser libre cours à son imagination, tel est l’objectif de cette séance. Ismaïl choisit le moment propice durant la méditation pour demander aux stagiaires de reproduire un tableau qu’ils ont déjà vu ou de faire des taches d’encre à l’aide d’une plume, sur une feuille de papier, tout en gardant les yeux bandés. Une demi-heure passe sans que personne ne se rende compte du temps qui est passé. Après cette séance de méditation, tout le monde semble revenir d’un autre monde, plus à l’aise et plus motivé. Ismaïl sait décortiquer chaque photo ou image, tout en expliquant l’effet produit de chacune. C’est en fait cela que l’on appelle l’art de la vision. Pour Ismaïl, il s’agit là d’ouvrir les horizons à ces fans de la photo, cette passion qui a chamboulé sa vie.
Du bistouri aux casseroles
Malgré le prestige du métier de neurologue, Wessam Massoud n’a pas hésité à se transformer en chef cuisiner.
« Tout ce que vous mangez au restaurant, vous pouvez le préparer chez vous. N’ayez pas peur de vous lancer dans cette expérience, testez vos compétences, essayez et réessayez, peu importe si le résultat n’est pas extraordinaire, cela mérite l’effort ! », répète Wessam Massoud, chef cuisinier, lors d’une émission télé, tout en préparant une recette peu commune chez le commun des Egyptiens, les « California Roll », sorte de Sushi à base de câpres, de tranches de concombre et de riz cuit, le tout roulé dans des feuilles d’algues réhydratées. Recette très simple, mais qui demande de la patience en ce qui concerne la présentation pour paraître alléchante. Un plat japonais assez coûteux dont il dévoile les secrets à ses téléspectateurs.
L’émission « Cuisine 101 », présenté par Wessam Massoud sur la chaîne CBC Sofra, propose des mets de tous les pays du monde. Ce chef qui excelle dans son métier est, en fait, un autodidacte en matière de cuisine : Wessam est neurochirurgien de formation.
Et c’est à l’âge de 35 ans qu’il a décidé de changer de carrière en devenant chef cuisinier. Aujourd’hui, il a ouvert son propre restaurant dans un centre commercial et anime un programme télévisé. Wessam n’a jamais regretté d’avoir renoncé à son poste de chercheur en médecine aux Etats-Unis où il était parti préparer son doctorat. Peu passionné par la médecine, il quitte tout et décide de rentrer en Egypte pour devenir chef. Déjà, aux Etats-Unis, son passe-temps favori était de passer des heures dans un supermarché à choisir les ingrédients nécessaires à la préparation d’une de ses nouvelles recettes. « Chaque jour, je préparais un nouveau plat. Je prenais le livre de l’Académie des Chefs, en choisissais une tout en la revisitant à ma manière. C’était pour moi un pur moment de bonheur. Car, dans ce pays cosmopolite, je trouvais des ingrédients et des produits de toutes sortes nécessaires à l’art culinaire », relate Wessam.
C’est grâce à l’Académie des Chefs, aux Etats-Unis, qu’il a pu acquérir son expérience dans ce domaine. D’ailleurs, il ne cesse de faire des comparaisons entre ce qu’il faisait avant et sa passion d’aujourd’hui. Il dit qu’en médecine, il faut respecter la déontologie et suivre des protocoles de soins bien précis alors que dans l’art culinaire, on déborde de créativité. « J’étais convaincu qu’en médecine, je ne pouvais pas protéger la santé d’un être humain face aux sociétés internationales qui refusent d’investir dans la recherche de nouveaux médicaments, afin de traiter certaines maladies chroniques, alors que je peux atténuer les causes d’un mal par une nourriture plus saine », telle est sa philosophie.
En exerçant le métier de chef cuisinier, Wessam se sent à l’aise, et surtout bien plus créatif. Pour lui, le fait de mélanger de nouveaux ingrédients pour obtenir un mets au goût exquis, c’est aussi de la recherche. « Sortir un plat au bon moment signifie que le chef est compétent et respecte ses clients », ajoute Wessam. Il a donc décidé d’enlever sa blouse blanche pour enfiler une autre de même couleur, mais dans un autre domaine qui le passionne. « Je suis fier d’être un chef cuisinier. J’ai commencé à présenter une émission bien avant que plusieurs chaînes ne médiatisent les chefs, devenus, depuis, des stars de la télé », confie Wessam. Ce dernier a commencé d’abord par travailler, au début des années 2010, dans les grands restaurants de la capitale. Quelques années plus tard, il a ouvert son propre restaurant. Il dirige aujourd’hui une équipe de 12 chefs et a une bonne clientèle (environ 160 clients par jour). Son travail au restaurant, les tournages et le marketing prennent tout son temps. « Je n’ai plus le temps de rendre visite à ma mère, rencontrer mes amis, et je suis encore célibataire ». Quant aux candidates au mariage, elles l’ont déçu. « Si un jour je me marie, j’imposerai mes goûts en matière de cuisine et j’irai acheter moi-même tous les ustensiles nécessaires, car je suis persuadé que la femme qui partagera ma vie serait incapable de le faire à ma place », conclut Wessam.
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