Afrique du Sud connaît la plus grande épidémie de VIH au monde, avec 8,2 millions de personnes infectées. (Photo : Reuters)
Des chercheurs ont récemment identifié un variant du VIH très virulent, une découverte scientifique rare qui pourrait aider à mieux comprendre comment le virus du VIH, à l’origine de la maladie du sida, attaque les cellules. Ces travaux démontrent également qu’un virus peut bien évoluer pour devenir plus virulent, une hypothèse scientifique très étudiée en théorie, mais dont il n’existait jusqu’alors que peu d’exemples. Le variant Delta du coronavirus en a récemment été un autre.
Au total, les chercheurs ont trouvé 109 personnes infectées par ce variant, dont seulement quatre en dehors des Pays-Bas (en Belgique et en Suisse). La majorité était des hommes ayant des rapports avec d’autres hommes, d’un âge similaire aux personnes infectées par le virus en général. Le variant a été nommé « variant VB », pour « variant virulent du sous-type B », le sous-type le plus répandu en Europe. Le virus du VIH est en constante évolution, de telle sorte que chaque personne infectée en présente une version légèrement différente, ce qui n’a la plupart du temps pas d’importance. Mais le variant découvert comporte, lui, plus de 500 mutations.
Une fois soignées, les personnes diagnostiquées ne présentent pas davantage de risque de complications que les autres. Mais alors que signifie cette virulence accrue? Par le passé, les différences de gravité de la maladie d’une personne à l’autre étaient interprétées comme uniquement liées à la plus ou moins bonne capacité de leur système immunitaire à se défendre. Généralement, la progression de la maladie est mesurée grâce au nombre de lymphocytes T CD4 dans le sang. Ces cellules, qui font partie du système immunitaire, sont la cible du virus. Or, les personnes infectées par le variant présentaient un nombre de CD4 plus bas que les autres au moment du diagnostic, avec un déclin estimé comme deux fois plus rapide. Les chercheurs ont calculé que, sans traitement, le seuil dangereux de 350 lymphocytes T-CD4 par microlitre de sang serait atteint en 9 mois avec ce variant, contre 3 ans pour les autres patients. La charge virale (quantité de virus dans le sang) des personnes infectées par ce variant était également significativement plus élevée. En plus de sa virulence, les chercheurs ont, par ailleurs, montré qu’il était hautement transmissible.
« Nos résultats soulignent l’importance d’un accès régulier à des tests pour les personnes à risque de contracter le VIH, afin de permettre un diagnostic tôt, suivi d’un traitement initié immédiatement après », a souligné l’épidémiologiste Christophe Fraser, co-auteur de l’étude. Les chercheurs n’ont pas pu expliquer quelles mutations précises du variant VB provoquaient sa haute virulence, ni par quel mécanisme. Ils espèrent que des études futures pourront le faire. « Il s’agit d’un avertissement, nous ne devrions jamais être trop présomptueux et présupposer qu’un virus va évoluer pour devenir plus bénin », a de son côté souligné Chris Wymant, chercheur en épidémiologie à l’Université d’Oxford et auteur principal de cette étude. Une conclusion qui intéressera dans le cadre de débats actuels autour du Covid-19.
Collision des deux pandémies
Parallèlement, des scientifiques sud-africains ont entamé une recherche sur la double infection par les virus du sida et du coronavirus, alors que des preuves de plus en plus nombreuses suggèrent que la collision des deux pandémies pourrait générer de nouvelles variantes du coronavirus. L’équipe du Network for Genomic Surveillance in South Africa (NGS-SA), qui a récemment détecté le variant Omicron, a déclaré qu’il était temps de mener une enquête « systématique » sur ce qui se passe lorsque les patients atteints du VIH non traité contractent le Covid-19. Un certain nombre d’études, dont une publiée par l’équipe la semaine dernière, ont révélé que les personnes dont le système immunitaire est affaibli — comme les patients atteints du VIH non traité— peuvent souffrir d’infections au coronavirus persistantes, souvent pendant des mois. Le virus reste dans leurs systèmes et accumule des mutations, dont certaines peuvent lui donner un avantage. Certains chercheurs pensent que cela pourrait être la façon dont Omicron et certains des autres variants du Covid se sont développés.
Tongai Maponga, auteur principal de l’étude et chercheur à l’Université de Stellenbosch, a déclaré que lui et ses collègues du NGS-SA envisageaient une étude plus approfondie pour étayer l’hypothèse. « Les quelques cas qui ont jusqu’à présent été observés et décrits se produisent uniquement à cause d’une surveillance aléatoire. Mais je pense que nous ferons bientôt quelque chose de plus systématique pour examiner spécialement ces patients gravement immunodéprimés atteints du VIH, pour voir ce qui se passe », a-t-il déclaré. Il a ajouté que le travail se concentrerait sur deux éléments: sur les patients et la façon dont leur système immunitaire gère l’infection au Covid-19, et sur la preuve si de nouveaux variants sont susceptibles d’émerger de cette manière. « Si tel est le cas, nous devons améliorer notre façon de procéder et nous assurer qu’elles reçoivent un diagnostic et un traitement rapides », a-t-il ajouté.
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