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Covid-19 : Les interrogations subsistent sur l’origine du virus

Al-Ahram Hebdo avec Reuters, Mardi, 16 février 2021

Après des conclusions conciliantes à l’égard de la Chine sur l’origine du SARS-CoV-2, l’OMS affirme n’exclure aucune piste

Covid-19 : Les interrogations subsistent sur l’origine du virus
Les activités ont repris au marché de Wuhan soupçonné d’être un des premiers lieux d’éclosion du SARS-CoV-2. (Photo : AFP)

Au bout de sa mission de 28 jours (dont 14 en confinement) dans la ville chinoise de Wuhan, l’équipe d’experts nommée par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) explore quatre principaux scénarios sur la façon dont le SARSCoV- 2, le virus responsable du Covid-19, se serait transmis à l’homme.

Selon le premier scénario, une seule personne aurait été exposée au SARS-CoV-2 par contact direct avec l’espèce hôte, en l’occurrence la chauve-souris rhinolophe fer-àcheval. Le virus aurait ainsi circulé chez l’homme pendant un certain temps avant de se propager dans la ville très peuplée de Wuhan.

Un deuxième scénario, considéré comme le plus probable, suggère une transmission à l’homme via une espèce intermédiaire encore inconnue. Liang Wannian, chef de la délégation de scientifiques chinois en mission conjointe avec l’OMS, a déclaré que les pangolins étaient des candidats potentiels, mais que d’autres animaux — y compris des visons et même des chats — pourraient également avoir servi de réservoir animal.

D’après une troisième possibilité, privilégiée par des experts chinois, le Covid-19, après un passage par l’un ou l’autre des deux premiers scénarios, aurait ensuite été transmis par le biais d’aliments surgelés importés en Chine.

Enfin, le SARS-CoV-2 se serait échappé de l’Institut de virologie de Wuhan, connu pour ses recherches sur les coronavirus. Peter Ben Embarek, un grand spécialiste des maladies animales de l’OMS, a exclu cette possibilité affirmant qu’elle ne ferait pas l’objet de recherches supplémentaires. Des accidents se produisent, a-t-il dit, mais c’était « très improbable » dans ce cas. Sur le plan géographique, les experts jugent peu probable qu’il y ait eu des clusters importants à Wuhan ou ailleurs en Chine avant décembre 2019, mais n’excluent pas la circulation du virus dans d’autres régions antérieurement à cette date. Liang Wannian a déclaré qu’il n’y avait toujours pas de preuves suffisantes pour déterminer comment le virus est entré dans Huanan, mais qu’il était clair qu’il circulait ailleurs à Wuhan au même moment.

De l’autre côté de la frontière

Un passage du virus à l’homme, soit directement à partir de chauvessouris soit à partir d’une espèce intermédiaire, suggérerait sa propagation à Wuhan par le biais du commerce d’espèces sauvages. Ben Embarek a suggéré qu’il y aurait pu être introduit via un « produit », y compris des animaux sauvages congelés. Il serait utile d’effectuer l’expérience pour voir si un animal congelé sur un marché, dans les bonnes conditions, pourrait déclencher une rapide propagation du virus, a-t-il préconisé.

Marion Koopmans, également membre de l’équipe d’experts, a déclaré que certains animaux en vente sur le marché des fruits de mer de Huanan à Wuhan pourraient provenir de régions renfermant des habitats de chauves-souris. L’une de ces régions est la province du Yunnan, au sud-ouest de la Chine, mais l’équipe considère également la possibilité que la première transmission humaine aurait eu lieu de l’autre côté de la frontière au Laos ou au Vietnam.

La Chine avait exprimé sa crainte que l’enquête menée par l’équipe de l’OMS ne soit « politisée » et a déclaré qu’elle ne souhaitait pas être tenue pour responsable de la pandémie.

En excluant la thèse de la fuite du virus d’un laboratoire chinois et en acceptant la possibilité que le Covid- 19 puisse provenir de l’extérieur de la Chine, l’équipe de l’OMS n’a franchi aucune des lignes rouges de Pékin. Les Chinois se seraient également réjouis de voir l’équipe de l’OMS considérer la théorie d’une transmission du virus par le biais d’aliments surgelés. Pékin avait longtemps avancé l’hypothèse d’une arrivée du virus à Wuhan via des produits alimentaires congelés et a affirmé à plusieurs reprises avoir découvert des traces du coronavirus dans de la nourriture importée. Or, les conclusions de l’équipe de l’OMS ont peu de chance de satisfaire ceux qui accusent la Chine de dissimuler des preuves.

Covid-19 : Les interrogations subsistent sur l’origine du virus
Liang Wannian, chef des scientifiques chinois, et Peter Ben Embarek, chef des experts de l’OMS … des conclusions peu concluantes. (Photo : AFP)

Selon le Wall Street Journal, qui cite des enquêteurs de l’OMS, la Chine a refusé de fournir à l’équipe de l’OMS des données individuelles brutes sur les premiers cas de Covid- 19, des informations qui auraient pu l’aider à déterminer quand et comment le coronavirus a commencé à se propager en Chine. Un porteparole de la Maison Blanche a par ailleurs déclaré que l’Administration de Joe Biden n’avait pas été impliquée dans la « planification et la mise en oeuvre » de l’enquête de l’OMS et souhaitait procéder à un examen indépendant de ses conclusions.

Pour sa part, l’OMS continuera d’explorer toutes les pistes qui pourraient lui permettre de découvrir quelles sont les origines du Covid-19. « D’aucuns ont avancé l’idée que certaines hypothèses avaient été écartées. Après m’être entretenu avec des membres de l’équipe, je tiens à confirmer que toutes les hypothèses sont à l’étude », a déclaré vendredi son directeur, Tedros Adhanom Ghebreyesus.

Fournir les preuves

Arrivée à Wuhan le 14 janvier, l’équipe de l’OMS a dans un premier temps été placée en isolement pendant deux semaines, par précaution sanitaire, avant de débuter ses travaux sur le terrain, visitant le marché de la ville où les premiers cas connus d’infection ont été signalés, ainsi que l’Institut de virologie impliqué dans les recherches sur la pandémie et au coeur de certaines théories du complot. Les membres de l’équipe de l’OMS estiment que la Chine devrait maintenant fournir les preuves qui permettent d’étayer les thèses qu’elle avance. Ben Embarek a considéré que les échantillons de la banque de sang seraient un bon point de départ. « Les communautés de chauves-souris près de Wuhan ont été exclues en tant que source, et il reste encore beaucoup à faire pour parcourir les grottes dans d’autres régions pour voir si une souche plus proche du SARS-CoV-2 puisse y être trouvée », poursuit-il. « Les animaux en vente sur le marché de Huanan doivent également être examinés de plus près, et le rôle potentiel des produits surgelés nécessite également plus de recherche », ajoute encore le chercheur.

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