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Mohamed Fatin : Un patient cancéreux doit avoir un suivi harmonieux pour traiter le cancer et le coronavirus

May Atta, Mercredi, 07 octobre 2020

Les patients atteints d’un cancer, notamment du sang, ont la double obligation de ne pas interrompre leur traitement, tout en observant toutes les mesures barrières pour éviter une infection au coronavi­rus. Eclairage avec le docteur Mohamed Fatin, professeur d’hématologie à l’Université du Caire.

Mohamed Fatin

Al-Ahram Hebdo : Des études récentes ont indiqué que les patients atteints de certains can­cers, notamment les cancers du sang, courent un risque plus élevé de mou­rir d’un coronavirus. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ?

Pr Mohamed Fatin : D’une manière générale, un cancer affaiblit l’immunité. Les cancers du sang, en particulier, entraînent un dérèglement de formation de globules blancs ou de lym­phocytes, dont le rôle est d’attaquer les corps étrangers comme les microbes et les virus, afin d’en protéger l’organisme. Par conséquent, un patient atteint de leucémie, par exemple, serait plus exposé à attraper le coronavirus et à manifester de graves symptômes qui peuvent entraîner la mort. Son système immunitaire répondra difficilement au traitement, ce qui permet au virus de prendre contrôle de son corps. Mais ce scénario n’est pas toujours iné­vitable.

— En quoi la gravité de l’infection dif­fère-t-elle selon le type de cancer du sang ?

— Les cancers varient en sévérité. Le degré d’un cancer du sang est déterminé par le pour­centage de prolifération des leucocytes imma­tures. Les globules blancs se forment dans la moelle osseuse et à mesure qu’ils mûrissent, ils sont pompés dans le corps. Mais dans le cas de la leucémie, les globules blancs immatures sortent dans le corps en grande quantité, et ils n’ont pas de rôle dans la protection du corps comme les globules blancs matures. Plus ce pourcentage est élevé, plus la personne atteinte est exposée à l’in­fection. Son état se détério­rera même si elle est infec­tée par des virus moins graves que le Covid-19.

— Dans ce cas, quelles sont les consignes à res­pecter pour cette catégorie de patients ?

— Ce sont les mêmes ins­tructions qui sont données à une personne normale pour se protéger contre le coronavirus : porter un masque, se laver les mains fréquemment, éviter de se toucher le visage, surtout à l’extérieur de la maison, observer la distanciation sociale et essayer d’éviter les endroits bondés autant que pos­sible. Malheureusement, il n’y a pas de médi­caments pour renforcer le système immuni­taire dans le cas du cancer du sang, car le système immunitaire restera déficient tant que le corps ne produira pas correctement les glo­bules blancs ou les lymphocytes.

— Et en cas d’infection par le coronavi­rus, en quoi le traitement d’un patient can­céreux diffère-t-il en termes de traitement et de suivi, et qu’en est-il pour ceux qui suivent une chimiothéra­pie ?

— Un patient cancéreux atteint du coronavirus doit consulter son médecin trai­tant, c’est-à-dire l’oncolo­gue, tout en recevant en parallèle le protocole de traitement du coronavirus. Il doit y avoir un suivi inté­gré et harmonieux entre les deux médecins en charge du traitement du cancer et du virus. Quant à ceux qui reçoivent une chimiothéra­pie et sont infectés par le virus, il faut suspendre la chimiothérapie en attendant que les symptômes disparaissent complètement et que le patient récupère sa santé pour pouvoir la reprendre.

— Paradoxalement, la chimiothérapie rend les malades plus vulnérables face aux virus …

— Pour certains types de cancers, le patient peut rentrer chez lui après la séance de chimio­thérapie. Ce n’est pas le cas pour les patients du cancer du sang qui, eux, souffrent déjà d’une immunité précaire que la chimiothérapie affaiblit davantage.

C’est pourquoi ces patients sont placés dans une chambre stérilisée à l’hôpital pour recevoir leur traitement chimiothérapique et y restent deux semaines après la fin de celui-ci, après quoi ils peuvent rentrer chez eux tout en conti­nuant d’observer les consignes de précautions.

— Dans les circonstances actuelles, beau­coup, notamment ceux à la santé précaire, restent confinés de peur d’attraper le virus. Ces circonstances ont-elles eu un impact négatif sur le suivi des patients atteints d’un cancer ?

— Malheureusement, oui, et ce, pour plu­sieurs raisons. D’abord, de nombreux hôpitaux ont été à un moment donné saturés par les patients atteints du coronavirus qui avaient la priorité d’admission, ce qui a eu comme conséquence de négliger les autres patients. Aussi, certains oncologues ont choisi de fer­mer leur cabinet pendant le pic de l’épidémie. De leur côté, les patients ont eu peur d’aller voir leur médecin ou de se rendre dans une clinique effectuer les examens et les radiogra­phies demandés dans le cadre du suivi.

Or, le suivi est très important dans le cas d’un patient cancéreux dont le traitement est constamment ajusté en fonction de l’évolution de son état. Aujourd’hui, cette appréhension n’est plus aussi forte, surtout avec la diminu­tion du nombre des cas atteints du coronavirus, mais surtout grâce aux mesures de précaution que les médecins mettent en place dans leur cabinet.

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