Al-Ahram Hebdo : A l’arrivée du patient à l’hôpital, comment s’assurer qu’il est atteint du virus ? Quels patients sont admis ?
Dr Mohy El-Din Soliman : D’abord, pour savoir si la personne est atteinte du virus, nous effectuons le test de dépistage PCR, des analyses de sang, une radiographie pulmonaire, entre autres examens selon le cas. Les patients qui sont admis à l’hôpital sont ceux qui souffrent d’une insuffisance respiratoire, une toux et une fièvre persistante, ou un taux d’oxygène inférieur à 90 %. Les patients qui présentent ces symptômes aigus sont en général admis aux soins intensifs et, si besoin, branchés au respirateur.
— Quel est le protocole de traitement adopté à l’hôpital ?
— Le traitement consiste en des vitamines, des antipyrétiques, des antibiotiques, de l’hydroxychloroquine ainsi que des anticoagulants dont le type est choisi en fonction du jugement clinique du patient. L’hospitalisation s’étend sur dix jours après la disparition des symptômes, après quoi le patient est conseillé de passer deux semaines en auto-confinement chez lui.
— Et comment sont suivis les patients qui sont renvoyés d’emblée chez eux en autoconfinement, et qui représentent la majorité ?
— Ces patients présentent des symptômes modérés, notamment une fièvre qui ne dépasse pas 38 degrés, une légère inflammation au niveau de la gorge ou des oreilles, parfois une perte du goût et de l’odorat, ou une diarrhée. Ces patients, qui n’ont pas besoin d’être hospitalisés, se dirigent à l’hôpital public le plus près où le même traitement leur est délivré gratuitement.
Mais il est préférable que le patient effectue un cardiogramme et qu’il se fasse mesurer sa tension artérielle avant de commencer le traitement. Les patients qui souffrent de maladies cardiaques, hépatiques ou rénales doivent effectuer des analyses à titre régulier au cours du traitement, étant donné les effets indésirables de l’hydroxychloroquine. De manière générale, les patients auto-confinés sont vivement conseillés d’entreprendre leur traitement sous surveillance médicale.
— Ces médicaments sont-ils toujours disponibles pour ceux qui en ont besoin ?
— Oui, les médicaments sont disponibles en quantités suffisantes que ce soit pour les patients admis à l’hôpital ou ceux qui sont en autoconfinement. Dans les centres médicaux et les hôpitaux publics le traitement est délivré gratuitement.
— Le ministère de la Santé a récemment annoncé la fabrication en Egypte du Remdesivir, pour le traitement des cas sévères de Covid-19. Avez-vous intégré ce médicament dans votre protocole de traitement ?
— Notre protocole de traitement que je viens de détailler n’a subi aucun changement jusqu’ici. Nous n’avons pas utilisé le Remdesivir dans notre hôpital. Le laboratoire qui le fabrique a fait don de 1 100 flacons au ministère de la Santé, et c’est pourquoi ce médicament n’a été rendu disponible que dans quelques hôpitaux.
Nous ne savons pas si le ministère consacrera un budget à l’achat du Remdesivir, sachant qu’un seul patient a besoin en moyenne de dix injections et que le prix d’une injection est de 2 000 L.E. En attendant, nous continuons d’utiliser l’hydroxychloroquine, un médicament qui n’est pas cher et qui montre une efficacité sur un grand nombre de cas.
— Qu’en est-il de l’utilisation du plasma convalescent pour le traitement des malades du Covid- 19 ?
— Nous n’avons pas utilisé cette technique dans notre hôpital, mais on a appris qu’elle avait donné de bons résultats chez certains patients.
— Combien de lits compte votre hôpital ? Quel est le taux d’occupation ? Existe-t-il une pénurie de lits dans les hôpitaux égyptiens en général ?
— Nous avons 300 lits d’hospitalisation conventionnelle et 30 en soins intensifs. Au début de la pandémie, les gens étaient paniqués et ont pris d’assaut les hôpitaux, ce qui a amené à un débordement des capacités d’accueil. Aujourd’hui, avec l’adoption du système d’autoconfinement pour les cas modérés, nous avons un taux d’occupation entre 70 % et 80 %. Quant aux soins intensifs, le nombre de lits a toujours été insuffisant, même avant la pandémie.
— Comment le patient hospitalisé reste-t-il en contact avec sa famille ? Les visites sontelles autorisées ?
— Les visites sont strictement interdites, le malade peut utiliser le téléphone pour parler à sa famille, et s’il a besoin de quelques effets personnels, on peut les lui déposer à l’accueil, sans entrer.
— Quel est le taux de mortalité du coronavirus en Egypte ? Est-il élevé par rapport à la moyenne mondiale ?
— D’après les chiffres officiels, le taux de mortalité se situe entre 4 % et 6 %, c’est un taux relativement élevé, qui s’expliquerait en partie par les hospitalisations tardives et l’automédication auprès des pharmacies …
— Combien de cas sont-ils apparus parmi le personnel médical dans votre hôpital ?
— Environ 30 % des infirmiers et 20 % des médecins, dont moi-même, ont contracté le virus. Heureusement, il n’y a pas eu de morts. Ceux parmi le personnel médical qui attrapent le virus, si leur état est stable, passent un mois en auto-confinement avant de reprendre le travail.
— Mais 3 000 médecins égyptiens ont attrapé le virus en travaillant, dont une centaine est décédée. Comment l’expliquez-vous ? Etesvous satisfaits des mesures prises pour la protection des personnels de santé ?
— Je n’ai pas d’explication pour le nombre de décès, ni pourquoi il est élevé. Mais je peux vous dire qu’au niveau de notre hôpital, le matériel de protection est mis à notre disposition et que les masques et les gants sont fournis en quantités suffisantes.
— Certains rapports parlent d’une possible résurgence, chez certains patients, de symptômes du Covid-19 après leur guérison. Avez-vous des éclaircissements sur cette éventualité ?
— Je n’ai vu aucun patient, que ce soit à l’hôpital ou dans mon cabinet privé, qui a été infecté à deux reprises par le Covid-19. Je n’ai donc aucune information là-dessus.
— Avez-vous constaté une hausse du nombre de cas cette dernière semaine depuis la levée du couvre-feu et l’allégement des restrictions ?
— Non, il n’y a pas eu de changement jusqu’ici, parce que les gens ont toujours peur. Il n’y a toujours pas beaucoup de monde dans les centres commerciaux, les cafés, les restaurants ou les clubs sportifs.
— On entend beaucoup parler d’une « mutation du virus ». Celuici est-il vraiment devenu moins virulent ? Moins mortel ?
— A en juger par les patients que je vois à l’hôpital et dans mon cabinet, c’est possible. Au début, beaucoup de patients présentaient des symptômes graves, les cas qu’on accueille aujourd’hui présentent des symptômes beaucoup moins sévères. Mais ce n’est qu’un constat, il n’est basé sur aucune étude scientifique.
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