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La molécule à controverse

Al-Ahram Hebdo avec AFP, Lundi, 08 juin 2020

Utilisée depuis des décennies contre le paludisme, l’hydroxychloroquine alimente désormais un débat houleux dans les milieux scientifiques quant à son efficacité contre le Covid-19.

La molécule à controverse

La chloroquine est prescrite depuis plusieurs décennies contre le paludisme, dû à un parasite véhiculé par le moustique. Son dérivé, mieux toléré, l’Hydroxychloroquine (HCQ), est aussi utilisée contre le lupus ou la polyarthrite rhumatoïde. C’est le plus souvent l’HCQ qui est testée contre le Covid-19. Connues et peu onéreuses, ces molécules ont suscité beaucoup d’espoir, même si elles sont très loin d’être les seules à être testées contre la maladie qui a déjà tué près de 400 000 personnes.

L’hydroxychloroquine connaît depuis fin février une notoriété inédite quand le Pr Didier Raoult, de l’Institut Hospitalo- Universitaire (IHU) Méditerranée-Infection à Marseille, a relayé les résultats de scientifiques chinois affirmant que la chloroquine semblait efficace chez des malades du Covid-19. Elle a ensuite connu une renommée mondiale lorsque le président américain Donald Trump s’en est fait l’apôtre, à tel point d’en prendre lui-même pendant un temps, à titre préventif.

Plusieurs fois, autorités sanitaires et scientifiques ont appelé à la plus grande prudence quant à sa prescription, tandis que d’autres, des médecins ou des personnalités politiques, ont appelé à un usage plus large, au nom de l’urgence sanitaire.

L’hypothèse d’une action de ces molécules contre le nouveau coronavirus vient du fait que leurs propriétés antivirales ont montré, in vitro ou sur des animaux et sur différents virus, des résultats parfois positifs. Des études cette année ont aussi montré des effets in vitro sur le SARS-Cov-2. Toute la question est de savoir si elles ont une efficacité sur l’homme. Et sur ce point, il n’y a pas de consensus scientifique. Déterminer l’efficacité d’un médicament est long et très complexe car il faut éliminer le plus de facteurs variables possibles (âge et autres pathologies, dosages, etc.) pour savoir si c’est bien le traitement qui a une influence sur l’état du patient. D’autant que l’immense majorité des malades du Covid-19 guérissent spontanément : il faut donc s’assurer que le médicament change la donne de façon significative.

L’immense majorité des études rendues publiques ne permettent pas de conclure.

Suspension et reprise des essais cliniques

Une étude — portant sur 96 000 patients dans le monde — publiée le 22 mai dans la revue médicale prestigieuse The Lancet est venue porter la confusion à son comble. Très médiatisée, elle concluait à l’inefficacité et même à la dangerosité du traitement, que ce soit la chloroquine ou l’hydroxychloroquine, associées ou non à un antibiotique. Dans la foulée, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) avait annoncé la suspension des tests d’HCQ. Concrètement, les essais cliniques testant l’HCQ ont alors cessé d’intégrer de nouveaux patients.

Mais coup de théâtre : après plusieurs jours de critiques scientifiques autour des données utilisées dans l’étude du Lancet, trois des quatre auteurs la désavouent. De nombreux experts estiment que les données, telles que publiées dans l’étude, ne sont pas cohérentes. Suite au retrait de l’étude, l’OMS fait volte-face et annonce alors la reprise des essais. Mais vendredi, nouveau rebondissement : les responsables de l’essai britannique Recovery annoncent que l’HCQ ne montre « pas d’effet bénéfique » pour les malades du Covid. Et d’annoncer dans la foulée l’arrêt « immédiat » de l’inclusion de nouveaux patients pour ce traitement suite à leurs observations. « C’est décevant que ce traitement soit inefficace, mais cela nous permet de nous concentrer sur les soins et la recherche sur des médicaments plus prometteurs », a commenté Peter Horby, principal responsable de l’essai .

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