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Coton : Un noeud dans les fils

Marwa Hussein, Lundi, 12 janvier 2015

La fin des subventions au coton pourrait mettre un terme à une industrie, jadis florissante. Pourtant, des solutions existent pour redynamiser une culture qui souffre de nombreuses concurrences. Le coton égyptien, aux fibres longues, est en effet d’une exceptionnelle qualité.

 Coton : Un noeud dans les fils
La superficie allouée aux cultures du coton a été divisée par 5 depuis les années 1980.

L’agriculture du coton égyptien, connu dans le monde pour son exceptionnelle qualité, pourrait fortement régresser. En cause: la décision du ministre de l’Agriculture de ne plus subventionner ce produit. La décision, contestée par les agriculteurs, les filatures, les exportateurs, voire par certains responsables du ministère, met fin aux subventions directes aux agriculteurs et aux filatures locales.

« Le gouvernement n’offrira de subvention, ni au coton ni à son filage cette saison. Les agriculteurs doivent savoir comment produire sans compter sur l’intervention de l’Etat », a déclaré Adel Al-Beltagui, ministre de l’Agriculture, lors d’une conférence de presse il y a quelques jours. A cela s’ajoute une baisse de 5% de la demande mondiale pour les fibres longues. Les associations de producteurs de coton, d’entreprises de filatures et d’exportateurs ont vivement réagi et cherchent des solutions pour surpasser la crise.

Le gouvernement a, par ailleurs, demandé aux entreprises de filatures et aux exportateurs de préciser les quantités de coton dont ils ont besoin et d’indiquer un prix. « C’est une première ! Comment pouvons-nous fixer un prix alors que les prix internationaux du coton changent du jour au lendemain? Les importateurs ne vont pas acheter le coton si les prix fixés sont supérieurs aux prix internationaux au moment de l’achat ! », lance Mefreh Al-Beltagui, président de la Fédération des exportateurs du coton.

Différentes sources estiment que beaucoup d’agriculteurs pourraient renoncer à cultiver du coton en 2015, (la saison commence en mars), si le gouvernement poursuit dans cette voie. « Si ce qu’on dit à propos de l’annulation des subventions est vrai, je ne vais peut-être pas en cultiver cette année », dit Abdel-Alim, agriculteur dans le gouvernerat de Daqahliya.

Fixer un prix garanti

Walid Al-Saedani, président de l’Association des producteurs de coton, demande que le gouvernement fixe un prix pour le coton local en dessous duquel il offre des subventions, afin de rassurer les agriculteurs. Ainsi, si les cours baissent trop, le gouvernement prendrait en charge la différence. « L’article 29 de la Constitution oblige le gouvernement à fixer des prix minimum et maximum pour les denrées stratégiques. Nous réclamons juste que le gouvernement mette en application la Constitution que nous avons votée », demande Al-Saedani.

Le gouvernement égyptien a arrêté de subventionner directement les agriculteurs en 1994 (ils recevaient 100 L.E. par feddan pour la lutte contre les parasites). Cependant, la libéralisation des prix du coton n’a jamais été totale. Afin de soutenir l’une des agricultures les plus importantes de l’Egypte moderne, le gouvernement offrait des subventions aux filatures locales, publiques et privées, qui privilégiaient le coton local au coton moins cher provenant de Syrie, de Grèce, du Burkina Faso ou des Etats-Unis.

L’année dernière, les agriculteurs ont été exceptionnellement subventionnés en raison de la baisse flagrante des cours internationaux qui menaçaient la production locale. En plus de 350 L.E. (environ 50 dollars) offertes aux filatures par quintal, les agriculteurs ont reçu 1400 L.E. (197 dollars) supplémentaires par feddan. Le prix du quintal de coton en juillet 2014 avait baissé à 800 L.E., contre 1700 L.E. l’année précédente.

« L’idée était d’offrir des subventions aux filatures qui achètent du coton local avant le 10 août, pour garantir aux agriculteurs les liquidités nécessaires à la saison prochaine. Mais le gouvernement n’a commencé son soutien qu’en novembre », regrette Hamdi Assem, vice-ministre de l’Agriculture. Le ministère souffre, en effet, de nombreux différends depuis ces derniers mois. Assem estime que le gouvernement fera marche arrière.

Au sein du ministère de l’Agriculture, nombreux sont ceux qui contestent cette décision. Mahmoud Al-Barghouti, ancien porte-parole du ministère, a démissionné de son poste il y a quelques semaines affirmant que les politiques adoptées sont contre les agriculteurs. « En quelques mois, le gouvernement a haussé les prix du diesel et des engrais (une hausse de 33%), et maintenant il ne soutient plus la production de coton! Le coût de production est devenu trop élevé pour les paysans », dit-il, désormais en tant que porte-parole de l’Union des paysans.

Le ministre de l’Agriculture a, en outre, fait état de 82 employés accusés de corruption, dans une lutte acharnée entre le ministre et plusieurs hauts responsables.

Une superficie divisée par 5

L’agriculture du coton en Egypte, comme l’industrie du textile, souffre depuis plusieurs années. La superficie cultivée en coton est tombée de 2,5 millions de feddans dans les années 1980, à moins de 400000 feddans car sa culture est devenue nettement moins lucrative. Les filatures et usines de textile préfèrent acheter du coton importé, moins cher et à fibres courtes, plus propice aux produits bon marché.

« Le gouvernement a un rôle à jouer pour maintenir l’agriculture du coton. D’abord, il doit aider au marketing du coton égyptien à fibre longue. En outre, il doit oeuvrer à raffiner sa qualité, à le protéger de l’hybridation et à instruire les paysans pour une culture optimale », avance Hamdi Assem. L’ancien porte-parole du ministère de l’Agriculutre ajoute qu’une fois ces conditions mises en place, le gouvernement peut alors procéder à une diminution graduelle du soutien financier au secteur.

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