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Le nouveau filon des mines et carrières

Gilane Magdi, Dimanche, 21 décembre 2014

Un projet de loi sur les ressources minérales vise à maximiser les recettes de l'Etat dans un secteur qui pourrait devenir pour le pays une véritable poule aux oeufs d’or. Explications.

Le nouveau filon des mines et carrières
Le report de la loi a fait perdre au Trésor des milliards de L.E.

Une concession d’un hectare de terrain riche en minerais est louée à 25 L.E., soit le prix d’un Big Mac chez McDonald’s. Après extraction, par exemple de l’argile, matière indispensable à l’industrie du ciment, il ne sera payé qu’une taxe de 75 piastres (0,10 dollar) par tonne. Ainsi, l’Etat ne perçoit qu’une somme dérisoire pour l’exploitation des richesses minérales du pays, avec quelque 0,5 milliard de L.E. pour l’exercice fiscal dernier. Pour comparer, une seule cimenterie de taille moyenne a cumulé des profits de 0,3 milliard de L.E. lors des 9 premiers mois de 2014, une des années de vaches maigres. Et l’Egypte compte une vingtaine de cimenteries.

Un projet de loi soumis au président de la République, qui détient provisoirement le pouvoir législatif, tente de remédier à cette situation presque ubuesque. De son côté, le ministère du Pétrole et l’Organisme des ressources minérales accélèrent le pas pour faire passer cette loi visant en premier lieu à accroître les recettes de l’Etat. « La promulgation de cette loi permettra d’injecter dans le budget entre 10 et 12 milliards de L.E. grâce aux mines et 1,5 milliard de L.E. grâce aux carrières. Une somme qui dépasse le montant alloué aux subventions en denrées alimentaires », estime Omar Teyema, président de l’Organisme des ressources minérales. « Par exemple, le nouveau projet a déterminé une concession annuelle de 50 000 L.E. par hectare, contre les 25 L.E. actuelles », ajoute-t-il.

Le texte élaboré par le gouvernement, et approuvé récemment par le Conseil d’Etat, réglemente les activités des mines et carrières et modernise les clauses d’exploitation minérales ainsi que les permis d’extraction. Il augmente également le prix des concessions annuelles, celui des redevances et licences minérales (or, gaz, hydrocarbures) ou des carrières (sable, argile, gypse, calcaire), inchangés depuis plus d’une cinquantaine d’années.

Ce n’est pas la première fois qu’un gouvernement tente de modifier cette loi. Celui des Frères musulmans avait évoqué le sujet en 2012 et l’a inclus à son budget. Mais cette fois, tout comme la précédente, l’idée suscite une large vague d’opposition : industriels et investisseurs du secteur pétrolier et celui des matières de construction ont exprimé leur refus de ce projet en le qualifiant d’« inconstitutionnel » et de « loi anti-investissement ». Selon Diaa Hamza, directeur exécutif de la Chambre des industries chimiques, au sein de l’Union égyptienne des industries, les modifications suggérées « renforcent le rôle des gouverneurs au niveau de l’octroi des licences et de partage des profits alors qu’elles limitent le rôle de l’Organisme des ressources minérales aux aspects techniques ». Et d’expliquer que la loi donne au gouverneur le droit de changer des loyers des mines et carrières tous les deux ans, selon les prix du marché. De même, ils ont le droit à une part des profits annuels réalisés par les investisseurs ayant des licences d’extraction de matières minérales, afin de financer leurs plans de développement social. « Ces articles font des gouvernorats nos partenaires », s’insurge Sayed Abaza, un investisseur dans le domaine de la porcelaine et de la céramique, également membre de l’Union des industries. Il préfère que le gouvernement se décide sur un prix stable « au lieu de prendre une part des profits ». Abaza ajoute que la collecte des parts de profits doit se faire sous la surveillance de l’Organisme des ressources minérales et du ministère des Finances en vue de limiter la corruption dans les gouvernorats.

Cas de corruption

Recettes étatiques des droits d

Déjà des cas de corruption ont été identifiés sous la loi actuelle. Par exemple, le gouverneur d’Ismaïliya a été accusé en 2011 d’avoir détourné 19 millions de L.E. (2,5 millions de dollars) du fonds des ressources minérales, et versés sous forme des primes et salaires à des conseillers du projet des carrières dans le gouvernorat. Les investisseurs sont également accusés de corruption. « Ils paient des pots-de-vin à hauteur d’au moins 7 milliards de L.E. par an aux responsables des gouvernorats, pour obtenir des licences ou entamer leurs travaux. Nous estimons que ces sommes seront injectées dans le Trésor public avec la nouvelle loi », assure Abdel-Khaleq Farouk, directeur du Centre du Nil pour les études économiques. « La promulgation de cette loi est une nécessité pour pallier maints défauts de l’actuelle loi », salue Farouk. Ainsi, la nouvelle loi placera les mines et carrières sous la surveillance de l’Organisme des ressources minérales pour freiner le gaspillage des matières premières. « Tandis que les autorités locales freinent les quatre fers pour garder le statu quo actuel », assure Omar Teyema. « Il faut aussi accorder à l’Organisme des ressources minérales la surveillance financière et non seulement technique de cette activité », tempère Farouk.

Parmi les clauses les plus saluées du nouveau projet, l’une interdit l’exportation des matières premières brutes. « Le projet de loi engage les investisseurs à réaliser une valeur ajoutée au lieu d’exporter les matières brutes », explique Omar Teyema. Cela signifie plus d’emplois, plus de recettes d’exportation et donc davantage de recettes publiques. Le marbre est un exemple de ce potentiel dilapidé sous la loi actuelle. Il est, en effet, extrait et exporté en Chine pour être poli... puis renvoyé en Egypte et revendu 100 fois plus cher. Pour davantage de recettes étatiques, Abdel-Khaleq Farouk appelle à la création de nouveaux partenariats publics-privés, à condition de conserver une propriété publique de 51 % sur les mines et carrières. L’idée est de garantir la fabrication de matières premières sans se limiter à leur extraction .

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