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Une valeur menacée

Dahlia Réda, Lundi, 26 novembre 2012

Malgré la récente déclaration du gouvernement égyptien niant toute tendance à la dévaluation, les économistes estiment la dépréciation probable si des politiques pour l’amélioration des indices économiques ne sont pas vite appliquées.

Livre Egyptienne

La dévaluation de la livre égyptienne suscite en ce moment de fortes inquiétudes sur le marché égyptien, suite à un recul considérable de sa valeur, atteignant 6,11 L.E. contre un dollar, la semaine dernière, soit son plus bas niveau depuis 2003.

Durant l’année de la révolution, la livre a commencé à baisser par rapport au dollar, atteignant 5,90 L.E., alors qu’elle s’échangeait à 5,75 L.E. au début de la révolution. La L.E. a continué à baisser à partir de juin dernier, atteignant 6,01 pour un dollar. Actuellement, elle coûte 6,08 pour un dollar. Selon certains économistes, laisser flotter la monnaie locale en fonction de l’offre et de la demande servirait à convaincre la délégation du FMI qu’il est vraiment urgent de conclure le prêt prévu de 4,8 milliards de dollars.

Le sujet de la dépréciation de la monnaie égyptienne soulève ainsi des craintes chez presque tous les acteurs du marché, qui s’attendent à ce que l’impact d’une telle chute soit violemment ressenti par toute la société. C’est ce qui expliquerait que le premier ministre, Hicham Qandil, en avait nié, jeudi 22 novembre, l’éventualité, tout en soulignant que rien ne pourra être entrepris concernant la monnaie avant la fin du programme de réforme sollicité par le FMI, qui devrait se terminer fin 2014.

Mais ces déclarations n’ont pas réussi à persuader les experts du marché qui estiment que le repli de la monnaie égyptienne est inévitable. Selon Malak Réda, économiste au Centre égyptien pour les études économiques, la livre égyptienne fait face actuellement à une forte pression qui pourrait mener à une dévaluation, « si le gouvernement ne prend pas des mesures sérieuses pour améliorer les indices économiques détériorés ». Elle ajoute :« Il faut adopter des politiques limitant le déficit budgétaire en rationalisant les dépenses gouvernementales, en encourageant le paiement des impôts afin d’augmenter les recettes fiscales ; promouvoir les exportations tout en limitant les importations afin de réduire le déficit de la balance des paiements, surtout que la facture des importations est le double de celle des exportations. Et enfin, il faut encourager l’investissement local dans des projets productifs, afin de garantir le maximum d’embauches. Si ces facteurs ne sont pas respectés, la L.E. connaîtra une forte dépréciation ».

Le gonflement du déficit budgétaire à 11 % du total du PIB, la chute de plus de 20 milliards de dollars depuis début 2011 des réserves en devises étrangères s'élevant actuellement à 15 milliards de dollars, soit l’équivalent de trois mois d’importations des biens stratégiques, l’important déficit de la balance des paiements ... Tous ces facteurs réduiront la capacité de la Banque Centrale d’Egypte (BCE) à maintenir la monnaie égyptienne en injectant le billet vert sur le marché afin d’éviter la chute de la monnaie locale, comme elle le faisait auparavant. Réda explique que l’effondrement des recettes en dollars provenant du tourisme, des transferts de l’étranger, des revenus du Canal de Suez réduit les liquidités en dollars et accroît le besoin du crédit du FMI. L’idée d’une dévaluation de la livre égyptienne persistera tant qu’aucune politique sérieuse de reprise économique ne fonctionnera.

2013, année de stabilité

Cette crainte de dépréciation est aussi dominante chez un grand nombre d’analystes comme Hani Guénena, chef du département de recherches auprès de la Banque d’investissement Pharos, qui note qu’à long terme, la situation n’est pas trop inquiétante, mais estime que ce risque pourrait menacer l’Egypte en 2014. Il note que 2013, considérée comme la première année des réformes préconisées par le FMI, « sera une année de stabilité ou plutôt de prospérité, si le crédit du FMI nous est accordé ainsi que des prêts d'autres pays arabes. Ils assureront un montant considérable de réserves, équivalent au montant de celles détenues par la BCE avant la révolution du 25 janvier. L’annulation des subventions pour l’essence 95 rapportera aussi une somme considérable », note-t-il.

La situation est désormais plus rassurante, puisque les prix internationaux des biens stratégiques sont actuellement en baisse, ce qui signifie que les montants accordés par le FMI serviront d’ici un an, assurant la stabilité de la valeur de la monnaie égyptienne. Guénena souligne : « Le FMI n’a pas sollicité de dévaluation de la monnaie dans son communiqué publié le 20 novembre dernier, et la délégation s’est contentée du niveau déjà existant, tournant autour de 6,10 à 6,11 le dollar ». Il assure également que la stratégie de l’actuel gouverneur de la BCE est d’approuver le maintien de la livre égyptienne à son niveau.

Guénena estime qu’en 2013 la monnaie égyptienne sera stable si le crédit du FMI est accordé, « en particulier parce que le gouvernement, dans ses dernières déclarations, semble obéir aux recommandations d’un grand nombre de banques d’investissement. La livre égyptienne maintiendra le niveau actuel ou bien pourrait effectivement se stabiliser à 5,90 contre le billet vert ». Pour lui, il n’y aura pas d’important changement au niveau de l’inflation si la monnaie nationale maintient son niveau actuel. Aucune hausse des prix internationaux des denrées n’est par ailleurs attendue, et l’annulation toute récente des subventions à l’essence 95 octane n’aura pas d’impact sur le marché.

Mais pour assurer ce niveau de prospérité, l’Egypte aura beaucoup à faire pour maintenir le niveau de sa monnaie. Mohamad Al-Abiyad, président du département des bureaux de change auprès de l’Union des Chambres de commerce, partage la même idée soulignant que pour garantir ce scénario de prospérité, le gouvernement égyptien doit, selon les recommandations du FMI, baisser le taux d’intérêt des dépôts bancaires afin d’encourager l’investissement local et étranger. « Ces mesures attireront sans doute le flux des capitaux étrangers et mèneront à une reprise économique », note-t-il.

La dévaluation ne disparaîtra que si le programme de réforme entrepris par le gouvernement s’intensifie. Toutefois, Guénena souligne que, lorsque les réserves en dollars s’épuiseront suite à l’achat des biens stratégiques en 2013, le scénario de la dévaluation pourrait se reporter à l’année d’après. Ce qui le rend probable, c’est que le gouvernement tend en 2014 à annuler les subventions sur le gasoil, une opération difficile et compliquée. L'annulation des subventions du gasoil élèvera le prix des produits sur le marché et par la suite augmentera l’inflation.

De plus, la facture des importations des biens stratégiques ainsi que des produits pétroliers importés par l’Organisme égyptien du pétrole est considérable et pourrait également connaître une hausse sur le marché international, alors que « déjà, le montant des dettes cumulées de l’Organisme du pétrole est estimé à 8 milliards de dollars. Si la monnaie locale est dévaluée, l’Organisme du pétrole échouera à fournir au marché ses besoins en matières pétrolières, puisque la facture de l’importation connaîtra un gonflement dû à la différence de prix », accentue-t-il.

En somme, le gouvernement devra adopter diverses politiques pour prévenir le scénario de la dévaluation de la monnaie nationale, scénario qui pourrait éventuellement mener à un effondrement économique.

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