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La facture risque d’être salée

Névine Kamel, Mardi, 06 novembre 2012

Après la visite de la délégation en Egypte pour discuter du prêt de 4,8 milliards de dollars, les négociations en cours sont un secret bien gardé par le gouvernement. Une situation qui pourrait réserver des surprises.

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Le gouvernement égyptien fait la sourde oreille. Les négociations avec la délégation du Fonds Monétaire International (FMI) en Egypte, qui durent depuis près deux semaines, passent jusqu’à maintenant inaperçues, le programme de réforme économique discuté avec le FMI restant un secret bien tenu, tandis que les différents responsables du gouvernement ne cessent de confirmer que le gouvernement défend les droits de la société égyptienne, de l’économie et de la justice sociale.

Le ministre des Finances, Momtaz Al-Saïd, l’a confirmé à l’Hebdo. « Le FMI n’exerce aucune pression sur le gouvernement en ce qui concerne les subventions », dit-il, en signalant que la délégation du FMI ne voit aucun danger dans le volume du déficit budgétaire. Le ministre de l’Investissement, Ossama Saleh, lui aussi, a nié toute demande d’intervention du FMI en ce qui concerne la privatisation et les entreprises du secteur public des affaires.

L’image est maintenant limpide. Le gouvernement et la grande majorité des partis politiques sont unanimes sur l’importance de ce crédit. Les islamistes, qui s’y sont longtemps opposés, le défendent maintenant bec et ongles. Désormais le gouvernement égyptien espère un montant de 4,8 milliards de dollars.

Selon les responsables gouvernementaux, le crédit du FMI est indispensable, surtout avec le gonflement du déficit budgétaire de 11 % du total du PIB, la chute des réserves en devises étrangères de plus de 20 milliards de dollars depuis la révolution, et l’important déficit de la balance des paiements. De plus, comme le note le ministre des Finances, les conditions sont favorables. Les propos du ministre des Finances expliquent la position du gouvernement : un taux d’intérêt « raisonnable », de « bonnes » conditions de remboursement ainsi qu’une « facture moins coûteuse » pour le financement du déficit budgétaire.

Mais le gouvernement néglige l’autre face de la réalité. « L’octroi d’un tel crédit doit être accompagné d’une intervention du FMI. La Jordanie, qui a récemment obtenu un crédit du FMI, en fait bon exemple. Toute intervention du FMI ne sera donc pas en faveur du pays, surtout en ce qui concerne les classes démunies. Ces classes auront-elles à payer la facture de la crise, bien qu’elles aient payer auparavant celle de la croissance ? », se demande Samer Attallah, membre de la Campagne populaire pour l’annulation de la dette de l’Egypte.

Il semble que le gouvernement tente de calmer la population jusqu’à ce qu’il obtienne le crédit du FMI. Car selon les déclarations d’un responsable du Parti Liberté et justice, qui préfère garder l’anonymat, les conditions discutées par les deux partis ne sont jamais en faveur de la société égyptienne. Il a confié à l’Hebdo quelques traits principaux du programme économique présenté à la délégation. « Réduire les subventions constitue une priorité dans les négociations. La restructuration du système fiscal également. Il ne s’agit pas seulement des taxes progressives mais d’une nouvelle série imposée sur différentes catégories », dit-il sans plus de détails.

Et d’ajouter que le gouvernement essaie de s’en servir pour obtenir du FMI qu’il ne touche pas à la valeur de la livre égyptienne. « C’est un tabou actuellement », dit-il, en assurant que les discussions avec le gouvernement passent dans une situation de « gagnant-gagnant ».

Aux dépens de la vie sociale

« Cela ne peut pas être vrai. Le FMI n’est pas une banque commerciale qui accorde un crédit pour réaliser des gains par le taux d’intérêt. C’est une organisation internationale, fondée après la Deuxième Guerre mondiale, pour assurer l’intérêt de ses membres importants », assure Amr Adli, directeur de l’unité justice sociale et économique dans l’Initiative égyptienne pour les droits personnels.

Le FMI a, en fait, été longtemps critiqué pour ses politiques visant une croissance économique aux dépens de la vie sociale. Il a toujours plaidé pour une baisse des dépenses aux dépens des salaires, des sommes consacrées à l’éducation, à la santé, etc. « Le crédit du FMI pourrait être une solution partielle pour des problèmes économiques à court terme. Mais qu’en est-il du long terme ? », se demande Adli.

Pour lui, l’obtention d’un tel crédit va sans doute être accompagnée d’une intervention du FMI dans les politiques financières, monétaires et commerciales. Le défi le plus important, selon lui, est de savoir comment le gouvernement va réagir aux impacts négatifs de ce crédit sur les politiques économiques et sociales de l’Egypte.

Le gouvernement égyptien a assuré à maintes reprises que le FMI n’essaie plus d’imposer ses conditions. « Il s’agit en fait de discussions à propos du moyen d’appliquer le programme proposé et de l’approbation de tous les partis politiques. Et cela est bien présent actuellement. C’est pourquoi les négociations avancent cette fois à pas rapides », lance Mahamad Gouda, membre de la commission économique au Parti Liberté et justice.

A noter que les réformes proposées par le précédent gouvernement Ganzouri, qui comptait le ministre des Finances actuel, renfermaient plusieurs procédures pesant lourd sur les démunis, comme la hausse des taxes de vente et celle des loyers des terrains agricoles ; une mesure appliquée en 1997 qui a accru la pauvreté dans les zones rurales. « Il est difficile d’accepter l’idée que le FMI ne veut plus imposer ses conditions. Car si c’est le cas, de quoi le gouvernement égyptien discute avec la délégation en Egypte ? Pourquoi les délégations et le programme politique sont un secret vis-à-vis de la société égyptienne ? », se demande Wael Gamal, autre membre de la Campagne populaire pour l’annulation de la dette de l’Egypte.

Gamal propose, en fait, d’autres alternatives pour éviter le crédit du FMI, et par conséquent « une intervention du FMI dans les politiques du pays, défavorable aux classes démunies et à l’économie du pays », avec entre autres la restructuration des dépenses étatiques. A titre d’exemple les subventions allant aux riches, aux propriétaires de yachts, d’hôtels cinq étoiles et d’industries lourdement consommatrices d’électricité. Porter le taux maximum de l’impôt sur le revenu à 25 % pour les plus hauts revenus, ainsi qu’appliquer l’impôt foncier peuvent générer une somme équivalente.

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