Il s’agit de faire d’une pierre deux coups. Le gouvernement égyptien a opté pour les certificats d’investissement, un outil d’endettement public longuement oublié (voir encadré), pour financer le projet d’élargissement du Canal de Suez. Ainsi, il accélère le processus qui lui permet de réunir la somme nécessaire en très peu de temps.
Le premier ministre, Ibrahim Mahlab, a annoncé lors d’une conférence, jeudi, que le creusement et l’approfondissement du Canal coûteront 60 milliards de L.E. Le financement sera assuré par le biais de certificats d’investissement remboursables après 5 ans. Ils seront émis par les banques égyptiennes à partir du 24 août. La décision a été prise lors d’une réunion du président Sissi avec le gouverneur de la Banque Centrale d’Egypte (BCE), le premier ministre et les ministres de la Coopération internationale, des Finances et de l’Investissement. La souscription sera gérée par 3 banques publiques.
Le choix le plus aisé
Les certificats d’investissement sont le choix le plus aisé. D’une part, ils n’exigent ni de longues procédures, ni de modifications de lois. Cela évite donc les plus longues procédures des obligations, dont le lancement doit être précédé d’un processus d’évaluation. De plus, les obligations ne sont pas accessibles aux particuliers, mais aux institutions financières, égyptiennes et étrangères.
Le gouvernement a également écarté l’idée proposée par certains experts financiers, même partiellement, le projet par le biais d’actions, fermant ainsi la porte à un débat houleux sur une possible privatisation du Canal. Le gouverneur de la Banque Centrale, Hicham Ramez, a dit dans des déclarations aux médias: « Nous avons changé d’avis pour des raisons sécuritaires. C’est un projet qui concerne une des ressources importantes du pays et nous avons décidé d’éviter tout risque ».
Il s’agit en fait, comme l’affirme l’ex-directeur du fonds d’investissement de la banque Al-Ahly, Essam Khalifa, d’un moyen garanti d’emprunt pour le gouvernement, ainsi que d’un moyen d’investissement hautement rentable pour les citoyens. « Contrairement aux actions et aux obligations, les certificats ne sont pas échangeables sur le marché financier », dit-il.
Opération séduction
Les certificats seront émis en 3 catégories, 10, 100 et 1000 L.E., pour mobiliser les petits et les grands épargneurs. Il y en aura en livres égyptiennes sur le marché local et en dollars pour ceux qui travaillent à l’étranger. Les taux d’intérêt sont fixés à 12% sur les certificats en monnaie locale et à 3% pour ceux en dollar. Les intérêts sur les certificats seront payés trimestriellement.
Selon la banque d’investissement Beltone, ce taux est plus élevé que celui des autres outils d’épargne sur le marché. « C’est 100 à 150 points de base de plus que le taux d’intérêt sur les dépôts bancaires d’une durée similaire ». A titre de comparaison, le taux d’intérêt sur le certificat d’épargne Platinium, émis par la Banque Al-Ahly, l’un des certificats à intérêt le plus élevé sur le marché, offre un rendement de 10,5% sur un dépôt de 3 ans. Par ailleurs, les certificats Diamond, émis par la même banque, offrent un taux d’intérêt de 1,89 % sur les dépôts de 3 ans en dollar. « Le gouvernement a choisi de cibler les larges segments de petits investisseurs qui peuvent se permettre d’acheter ces certificats, sans même détenir des comptes bancaires (10% seulement de la population en possèdent un) » explique Riham Al-Dessouqi, experte économique.
Un plan B
La tâche n’est cependant pas aussi facile qu’elle le semble. Car il faut la contribution de 60 millions d’Egyptiens, si chacun verse 1000 L.E., pour pouvoir couvrir la somme requise. Si le coût du projet n’est pas couvert, Hicham Ramez dit que d’autres banques privées peuvent être appelées à une nouvelle souscription. Ramez prévoit aussi une réunion avec les hauts responsables des banques publiques et privées pour mettre en place un prêt conjoint visant à assurer les besoins du financement si la souscription des certificats ne couvre pas le montant sollicité. Le gouverneur de la BCE a confirmé que seules les banques nationales au début seront en charge de l’opération, et que deux banques, à savoir la banque qatari QNB et HSBC, seront exclues totalement pour des raisons politiques. Ramez a ajouté: « Il s’agit en fait d’un lancement limité, qui durera un mois au maximum, pour collecter les sommes nécessaires au financement. Le gouvernement ne peut pas continuer longtemps à émettre des certificats d’investissement car il n’aurait alors pas les moyens de payer les taux d’intérêt ». Il a ajouté que les taux d’intérêt de la première année seraient payés à partir des revenus annuels du Canal.
Le premier ministre a clairement fait savoir que l’émission des certificats aura lieu dimanche prochain. Face aux craintes d’une intervention étrangère dans le projet, un responsable au ministère des Finances, qui a préféré garder l’anonymat, assure que « les certificats seront émis seulement aux particuliers et aux institutions égyptiennes». Il ajoute: « le lancement de cette souscription ne signifie pas que les gens posséderont des actions dans le Canal de Suez. Le gouvernement emprunte au peuple ». La source nie l’incapacité du gouvernement à payer les intérêts sur les certificats du Canal de Suez, soulignant que le gouvernement a « décidé d’allouer une partie des revenus du Canal pour le remboursement des intérêts ».
Qu'est-ce qu'un certificat d'investissement ?
Un certificat d’investissement est un outil d’endettement public lancé depuis les années 1960 pour financer les projets nationaux hors du budget. La Banque d’investissement national (la banque du gouvernement)
émet des certificats et la banque Al-Ahli s’occupe de leur gestion, moyennant une commission. D’après la loi, les particuliers, les secteurs public et privé peuvent se procurer des certificats. Dans le passé, offrir des certificats d’investissement en cadeau était une pratique très en vogue.
Aujourd’hui, les Egyptiens sont appelés à renouveler cette tradition pour financer le projet du développement du Canal de Suez.
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