Al-Ahram Hebdo : Vous avez rencontré le président Abdel-Fattah Al-Sissi la semaine dernière. Quelle a été la teneur de vos discussions ?
Mohamad Zaki Al-Swedy : Dans un contexte où son appel aux industriels pour contribuer au fonds de donations « Tahia Masr » (vive l’Egypte) crée une polémique, cette réunion était très importante. Le président veut instaurer un dialogue direct avec les hommes d’affaires. Les rumeurs et les craintes étaient multiples suite à la création du fonds « Tahia Masr », et aux différents appels visant aux dons des industriels. Certains ont cru se trouver face à une obligation de contribuer au fonds, ou affronter des complications quant à leur activité. Il était alors important d’expliquer le but du fonds. Et c’est ce que le président a réussi à faire lors de cette dernière rencontre. Le message est donc maintenant clair: L’Egypte traverse une période critique et elle a besoin de l’aide des hommes d’affaires.
— Mais s’agit-il de réels dons ou de promesses incertaines ?
— Cette question pouvait être valable avant la dernière rencontre avec le président. Mais cette fois-ci, le message a été différent: l’Etat ne veut pas de dons sous forme de projets ou d’actions concrètes. Il a plutôt besoin de fonds pour les consacrer à la relance des différents secteurs du pays en fonction des priorités. Et c’est ainsi que la cinquantaine d’hommes d’affaires qui ont assisté à la réunion ont déjà consacré au fonds une somme de 5 milliards de L.E.
— La somme reste médiocre si l’on sait que le président vise 100 milliards de L.E. Cela ne montre-t-il pas un manque d’enthousiasme ?
— La création du fonds est une bonne idée, surtout en cette période de transition que traverse le pays, mais le concept doit changer. L’Egypte ne compte pas seulement des hommes d’affaires. Elle regroupe quelque 90 millions de citoyens qui peuvent être intéressés à contribuer à ce fonds. Mais ils ont besoin de savoir comment seront utilisées ces sommes et dans quels domaines. Les gens veulent voir un plan précis, et cela n’existe pas encore. Le gouvernement doit donc fournir des détails sur sa future action, et en particulier expliquer comment des projets concrets et prioritaires pour le citoyen verront le jour. C’est le seul moyen de gagner la confiance de la société. Par exemple, lorsque l’hôpital 57357 pour les enfants cancéreux a vu le jour, il a commencé par la collecte d’une L.E. auprès des Egyptiens. Mais après avoir gagné la confiance des citoyens, elle a réussi à recueillir des dons atteignant des milliards collectés par l’ensemble de Egyptiens.
— Mais comment l’Etat peut-il s’attendre à une telle participation des Egyptiens alors qu’il dénonce en ce moment l’absence de justice sociale ?
— C’est le véritable défi qu’affrontera l’Etat dans la période à venir. Le gouvernement doit oeuvrer à fournir le plus vite possible des garanties et des alternatives aux citoyens, surtout à la lumière des réformes économiques menées récemment par le gouvernement. Par exemple, en ce qui concerne le système des transports et les manoeuvres des chauffeurs de microbus pour maximiser leurs gains suite à la hausse des prix du carburant, le gouvernement doit apporter des services de transports alternatifs, pour créer un équilibre et empêcher ces chauffeurs d’abuser du citoyen.
— N’était-il pas plus approprié que le gouvernement soutienne financièrement les plus démunis et développe par exemple les transports publics, afin de gagner la confiance des citoyens ?
— C’est une remarque judicieuse, mais cette tâche n’est pas facile. On ne peut résoudre du jour au lendemain des problèmes qui s’accumulent depuis 30 ans. En même temps, les différentes catégories sociales abusent du système pour maximiser leurs gains. Nombreux sont ceux qui par exemple échappent à l’impôt et d’autres abusent de la conjoncture actuelle pour augmenter leurs prix. Tandis que le gouvernement se doit de présenter des services gratuits comme la santé et l’éducation. Alors, je veux poser une question: le citoyen ne serait-il pas plus heureux s’il payait une modique somme en échange d’un meilleur service éducatif? Je pense que oui, car le citoyen veille à ce que les services de ce genre s’améliorent.
— L’Union des industries dispose-t-elle de programmes de relance de l’activité ?
— Nous travaillons sur de nombreux programmes en ce moment. Nous accordons un grand intérêt à la formation des employés du secteur et au développement des industries. Le plus important de ces programmes et le plus proche de voir le jour est les parcs spécialisés pour les petites et moyennes entreprises. Nous cherchons à créer 25 zones industrielles dans le pays pour les petites et moyennes entreprises, que ce soit à Sohag, Fayoum... L’Union des industries a tenu des réunions avec les différentes chambres, pour préciser les activités visées. Des zones spécialisées dans la production du bois et du textile sont indispensables. Des négociations sont actuellement en cours avec l’Autorité de développement industriel, afin de préparer les terrains pour ces zones. La première verra le jour à l’ouest de Tahta, à Assiout (sud). L’objectif de ces zones est de faciliter aux jeunes industriels le démarrage d’une nouvelle activité. Nous apportons le terrain, les licences, etc. Quant au financement, nous avons conclu un accord de financement de ces projets avec la Banque Al-Ahly, la Banque Misr et le Fonds social.
— Mais n’y a-t-il pas de pénurie de terrains industriels ?
— Il ne s’agit pas d’une pénurie réelle de terrains industriels, mais d’une crainte de nouveaux octrois opaques de terrains, surtout suite aux cas de corruption révélés après la révolution du 25 janvier 2011. Il est temps de dépasser cette étape, surtout si le nombre de cas liés à la saisie de terrains industriels, et là, des soupçons de corruption, n’est pas comparable avec le nombre de projets couronnés de succès qui ont contribué à stimuler l’économie et à engranger des revenus.
— Les législations concernant l’industrie et l’investissement sont un autre obstacle à l’expansion du secteur. Comment pensez-vous y remédier ?
— La grande majorité de nos problèmes sont d’origine législative. Nous voulons formuler une série de règlements pour assurer la protection de l’industrie locale et contribuer au développement de l’industrie. L’Etat comprend ce défi et cherche à coopérer avec nous. Par exemple, la Chambre des matériaux de construction a demandé une taxe sur les exportations de marbre. Elle veut que nos richesses soient utilisées dans le pays et non exportées, pour maximiser les gains. Nous parlons ici de compléter la chaîne productive au lieu d’avoir recours à des produits importés qui sont plus chers. Le ministère a déjà promulgué une décision mercredi dernier, créant une taxe sur le marbre exporté. De même, nous travaillons actuellement sur une autre législation. Il s’agit d’un accord entre le gouvernement et les producteurs locaux. Le premier s’engage à satisfaire ses besoins industriels sur le marché local, à condition que la teneur en produit local s’élève à 40% contre 25% actuellement. Cette décision devrait être adoptée dans les deux semaines à venir.
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