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L’industrie face à de nouvelles contraintes

Névine Kamel, Mercredi, 16 juillet 2014

Le secteur industriel voit disparaître de nombreux privilèges dont il a longtemps profité. Les subventions sur les produits pétroliers sont réduites, tout comme les soutiens à l’exportation, tandis que de nouvelles taxes apparaissent.

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La hausse des prix de pétrole engendrerait d'énormes pertes pour l'Entreprise nationale de fer et d'acier. (Photo : AP)

L’explosion des prix ne va pas tarder. Les produits industriels seront l’objet d’une hausse de 20 à 25 %, comme le confirme Walid Helal, chef de l’Association des industriels égyptiens. Il confie à l’Hebdo : « Divers responsables nient une telle hausse. Ils ne cherchent qu’à faire les louanges du gouvernement. La hausse des prix des produits pétroliers, de l’électricité, en plus des nouvelles taxes … Tout cela accroît les coûts de production. L’industrie peine depuis trois ans et n’en peut plus ».

Le gouvernement égyptien, dans une étape visant à réduire le déficit budgétaire à 10 % — contre 12 % pour la première mouture du projet de budget 2014-2015 — a augmenté, le 4 juillet, les prix des produits pétroliers et le secteur industriel a été touché de plein fouet. Le prix du gaz naturel est passé à 4,5 dollars le million d’unités britanniques pour les industries faibles consommatrices d’énergie, à 7 dollars pour les moyennes consommatrices et 8 dollars pour les usines de ciment. Contre 4, 6 et 6 dollars respectivement. Le prix du mazout a aussi augmenté pour passer de 550 L.E. à 2 300 L.E. la tonne.

« La hausse des prix, bien qu’elle soit urgente, aura de mauvaises répercussions sur la compétitivité des produits égyptiens. La hausse des prix devrait plutôt être progressive, surtout avec les charges actuelles sur l’industrie : nouvelles taxes, récession qui frappe le marché depuis 3 ans et baisse des soutiens aux exportations dans le nouveau budget », regrette Khaled Aboul-Makarem, président de la Chambre des matières plastiques à l’Union des industries. Le gouvernement a, en effet, réduit la somme allouée au soutien des exportations à 2,7 milliards de dollars contre 3,2 milliards dans la première mouture du budget. Car après la finalisation du projet de budget 2014-2015, le président Abdel-Fattah Al-Sissi l’a refusé afin de réduire le déficit de 12 % à 10 %. Cet objectif, pour être réalisé, nécessite 40 milliards de L.E. de recettes supplémentaires. La hausse des prix des produits pétroliers soutient donc ce but. Toutefois, Medhat Ramadan, propriétaire d’une usine de production de briques, précise les répercussions d’une telle mesure sur son activité : « La hausse des prix des matières pétrolières pourrait provoquer la fermeture d’usines, surtout de briques. Une telle hausse contribuera à une augmentation de quelque 50 L.E. par unité dans la production ». Et si les usines décident de supporter une telle hausse sur leurs coûts de production, les commerçants et chaînes de distribution en abuseront. « Il faudra une surveillance précise du gouvernement sur les prix », annonce Mohamad Zaki Al-Sweedy, président de l’Union des industries. Il clarifie : « La hausse des prix des produits pétroliers ne peut pas mener à plus de 15 % de hausse des prix sur les produits finis. Malheureusement, l’avidité des commerçants mènera à des hausses exagérées, ce qui est inacceptable ». L’Union des industries avait présenté au gouvernement un plan de libération des prix de l’énergie sur une période de 4 ans, demandant aussi une hausse du soutien aux exportations. « Notre plan consistait en une hausse annuelle de 25 % des prix de l’énergie, soit plus de 10 % que la hausse actuelle. Cette hausse est compatible avec la période actuelle. Et concernant la baisse du soutien aux exportations, nous savons bien que le pays passe par une période critique et nous voulons assumer notre rôle, mais pour une période transitoire », ajoute Al-Sweedy.

Il se demande, critiquant la vague d’opposition lancée par quelques industriels, ce que représente cette hausse par rapport aux dépenses de l’entreprise. « Que représente-elle par rapport aux salaires ? Rien. Le secteur privé exagère », martèle-t-il. Les industriels n’acceptent pas la hausse des prix avec la sérénité d’Al-Sweedy. Pour eux, cette hausse aura évidemment une répercussion directe sur les prix et il demande au gouvernement une reconsidération de la hausse.

Traitement dérogatoire

Un responsable du ministère de l’Investissement préférant conserver l’anonymat plaide, lui, pour un traitement dérogatoire des entreprises publiques. « Ces entreprises ne pourront pas augmenter leur prix et traînent de lourdes pertes et dettes. Une intervention du gouvernement est nécessaire pour éviter le pire », dit-il. Misr pour l’aluminium, l’Entreprise nationale de fer et d'acier, illustrent ses propos. « Les pertes de la première pourraient atteindre quelque 600 millions de L.E. en 2014 avec une telle hausse », dit-il. A noter que les pertes de cette entreprise étaient de 90 millions de L.E. au cours du premier trimestre de 2014.

Les usines de fer communiquent aussi leur inquiétude quant à cette « lourde » hausse, comme la qualifie Mohamad Hanafi, président de la Chambre des ressources minérales. « Cette hausse causera celle du prix du fer, comprise entre 5 et 8 % la tonne », dit-il. A cet égard, les usines de fer ont présenté une demande au ministère de l’Industrie et du Commerce la semaine dernière, pour bénéficier d’un traitement similaire aux usines d’engrais, à savoir acheter le gaz à 4,5 dollars le million d’unités britanniques. Elles ont également plaidé pour un prix unifié tout au long de la journée. « Les équipements des usines de fer fonctionnent toute la journée et il est injuste de nous appliquer deux tarifs différents selon l’heure du jour », explique Hanafi.

Pour le secteur du ciment, les comptes sont différents. Cible de la plus forte hausse des prix, la réaction paraît raisonnée. « Nous pouvons réduire des dépenses et assumer ce nouveau fardeau pendant un certain temps si le gouvernement accélère les procédures d’importation du charbon. Le prix moins élevé de ce dernier compensera nos pertes », dit le responsable d’une des plus grandes entreprises privées de ciment.

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