Le consommateur égyptien est en rogne après la hausse des prix de l’énergie approuvée vendredi. Cette décision a suscité des protestations dans tous les gouvernorats et au sein de toutes les classes sociales.
La veille de l’entrée en vigueur de cette décision, le 4 juillet, un grand nombre de conducteurs de microbus, de taxis et de voitures se sont approvisionnés en gasoil, vidant ainsi environ 50% des réserves dans les stations-services du Caire. Les chauffeurs de microbus et de taxis ont également bloqué une route à proximité de la place Tahrir, revendiquant une augmentation des tarifs des transports afin de compenser la hausse des prix du carburant. Ces protestations se sont étendues à un grand nombre de gouvernorats. Ces manifestations ont suscité l’ire d’une grande partie de la population, notamment les pauvres qui peinent déjà à assurer leurs dépenses mensuelles de transport.
Selon des récentes statistiques issues de l’Organisme central de mobilisation et des statistiques (CAPMAS), cette hausse va alourdir leur fardeau. Ils paieront entre 5 et 7 % de plus par rapport à la somme qu’ils payaient déjà pour le transport. « J’ai dû payer 2 livres pour aller à mon travail, une hausse de 50%. Le gouvernement se contente de publier des chiffres qui n’ont aucune relation avec la réalité », dit Leila, fonctionnaire.
Cette mesure de réduction des subventions et de hausse des prix survient deux jours après une augmentation des prix de l’électricité.
Sauver l’économie
Les gouvernements successifs, depuis Moubarak, jusqu’au régime islamiste de Morsi, espéraient réduire les subventions sur les carburants qui s’emparaient de 13% des dépenses gouvernementales, dans le but de limiter le déficit budgétaire qui a atteint 12% actuellement, mais ils n’ont pas pu aller jusqu’au bout.
Le gouvernement d’Ibrahim Mahlab, soutenu par le président Abdel-Fattah Al-Sissi, a eu le courage d’entreprendre des politiques de rationalisation et des mesures concrètes pour réformer le système des subventions, qui favorise les classes aisées au détriment des pauvres. Ce qui a poussé le président Al-Sissi, dans son discours, à rassurer le peuple, en déclarant qu’il n’y avait pas d’autre choix, afin de sauver l’économie du pays. Le premier ministre Mahlab s’est justifié également, en précisant que cette mesure contribuera à économiser plus de 41 milliards de L.E. (soit 6 milliards de dollars) pour le budget de cette année. « Et cela conduira à réduire la facture des subventions des carburants qui atteint 113 milliards de L.E., représentant la différence entre son prix sur le marché et son coût réel. L’ensemble des mesures, incluant l’électricité, le carburant, les impôts, les prix des cigarettes et des boissons alcoolisées contribuera sûrement à réduire, d’ici un an, le déficit budgétaire de 12% à 10% », estime-t-il.
Ces mesures sont admises par certains experts tels que Racha Abdo, l’experte économique, qui pense que la hausse des prix des carburants entraînera la réduction du montant du déficit budgétaire, atteignant actuellement 263 milliards de L.E. Ces mesures contribueront sans doute à réduire le déficit, le niveau des dettes locales et extérieures, le taux de chômage et l’inflation. «
La situation économique est vraiment catastrophique, car si le gouvernement égyptien n’avait pas eu recours à cette alternative, on se serait sans doute endetté auprès du FMI », note-t-elle. Par contre, Salwa Al-Antary, professeure d’économie et experte économique, souligne que
« l’impact de cette mesure sera très sévère sur le consommateur, ou le client final, puisque l’utilisateur principal de ces sources d’énergie sont les producteurs d'agroalimentaire, de ciment, de fer à béton, d’aluminium et d’engrais, qui feront payer au client cette augmentation, accompagnée d’une marge qui sera imposée selon tout un chacun. Donc, les pauvres et la classe moyenne seront sans doute les plus touchés », note-t-elle. Elle ajoute que le taux d’inflation atteindra 15%, contre 12,3 % actuellement après cette série d’augmentations. «
Il fallait imposer ces mesures d’abord sur les industries qui utilisent plus de 60 % des sources d’énergie (gaz naturel, mazout, gasoil et électricité) au prix subventionné, et qui vendent leurs produits sur le marché local à des prix plus élevés que sur le marché international », rétorque-t-elle. Elle souligne que ces mesures doivent être accompagnées d’un mécanisme efficace de contrôle des prix de la part du gouvernement afin de contrecarrer l’augmentation des prix par les commerçants qui n’arrêteront pas d’entraîner des hausses exagérées et non justifiées des prix. Quant à Alia Al-Mahdi, professeure d’économie, elle souligne que la majorité de la population refusera catégoriquement la décision de réduire les subventions quel que soit le moment choisi pour cela. «
C’est vraiment une réaction normale. Mais le gouvernement devrait choisir un système progressif qui est le plus apte à préparer le peuple à ce genre de décision. L’application devra être graduelle et accompagnée de mécanismes d’aide ou de soutien afin d’alléger le fardeau qui pèse sur les catégories les plus pauvres », s’alarme-t-elle.
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