7,20 L.E. C’est le nouveau taux de change du dollar sur le marché égyptien pour le 2e semestre de l’année, comme le note Waël Ziada, chef du département des recherches à la banque d’investissement
EFG-Hermes. «
Le gouvernement semble avoir décidé de laisser fluctuer le taux de change officiel du dollar, pour qu’il se rapproche de son taux réel avant l’élection du nouveau président », explique-t-il. Et d’ajouter: «
Cette politique va continuer, surtout que le gouvernement n’a pas reçu, depuis quelques mois, d’aide des pays du Golfe capables de soutenir les réserves en devises étrangères ».
Le taux de change du dollar connaît une courbe ascendante depuis le début du mois de mai. Il a enregistré ces 10 derniers jours une hausse d’environ 10 piastres pour atteindre 7,16 L.E., son niveau le plus élevé depuis le 30 juin dernier, contre 7,04 L.E. au début du mois. Et malgré les interventions successives de la Banque Centrale d’Egypte (BCE) et l’injection de dollars sur le marché, ce dernier a poursuivi sa hausse. Car « le taux de change officiel du dollar est inférieur à son niveau réel depuis la révolution du 25 janvier 2011 », explique Ziada.
La BCE injecte chaque semaine 1,2 milliards de L.E. sur le marché, soit 3 fois 400 millions. Elle a également injecté 1,1 milliard de dollars au cours de la première semaine du mois de mai, lors d’une offre exceptionnelle, la 5e du genre de l’année fiscale actuelle. Or, ces injections n’ont pas freiné la hausse du dollar. Celui-ci, bien qu’il ait enregistré une baisse de 2 piastres— de 7,09 L.E. à 7,07— suite à l’offre exceptionnelle de la BCE, a ensuite gagné 5 piastres vers la fin de la même journée, pour atteindre 7,12 L.E. Et depuis, la hausse continue. Le dollar a gagné 4 piastres au cours de la dernière semaine, pour atteindre 7,16 L.E.
« Cette hausse n'est pas la dernière », affirme un analyste financier dans une grande banque d’investissement en Egypte, préférant conserver l’anonymat. « En réalité, le taux de change du dollar devrait être beaucoup plus élevé. Mais les interventions successives de la BCE ont retardé sa hausse. Les ressources principales de billets verts comme le tourisme, les investissements étrangers, les exportations et autres, ont toutes enregistré une baisse. Comment donc ne pas faire face à une pénurie de dollars sur le marché, et par conséquent une hausse de sa valeur ? », se demande-t-il.
Le tourisme a rapporté en moyenne 5,9 milliards de dollars durant les 3 années qui ont suivi la révolution du 25 janvier 2011, contre 10 milliards par an auparavant. Les investissements directs étrangers ont atteint 2,8 milliards de dollars en 2012/2013, contre 6,8 milliards en 2009/2010. C’est ainsi que les réserves en devises étrangères ont baissé. Elles se situaient fin avril à 17,48 milliards de dollars, contre 36 milliards de dollars avant la chute de Moubarak. « Les aides des pays arabes reçues depuis le 30 janvier ont retardé la hausse du dollar », explique l’analyste.
Le gouvernement égyptien a reçu 12 milliards de dollars depuis le 30 juin 2013, en provenance des Emirats arabes Unis, de l’Arabie saoudite et du Koweït. Mais le gouvernement, semble-t-il, adopte actuellement un autre choix, celui de « se servir des ressources pour d’autres domaines plus importants pour le développement et la relance de l’économie », expose l’analyste.
La valeur de la dernière injection exceptionnelle de la BCE de 1,1 milliard sur le marché reflète cette orientation. La BCE a aussi injecté 1,5 milliard de dollars en janvier dernier et 1,3 milliard de dollars en septembre 2013. « Cette dernière fois, le montant de l’injection était inférieur dans un but précis », dit-il. Le gouverneur de la BCE s’est contenté de révéler dans un communiqué de presse que « la hausse du dollar est due à l’approche du mois du Ramadan et l’empressement des importateurs d’ouvrir des comptes en dollar pour satisfaire les besoins du marché ».
« Si on en trouve »
La hausse du dollar sur le marché officiel, d’une part, et sa pénurie de l’autre, enflamme les cours sur le marché noir. Il s’échange actuellement à environ 8 L.E. « si on en trouve », note Ahmad Chiha, président du département des importateurs auprès de l’Union générale des Chambres commerciales. Il ajoute : « La pénurie du dollar a fait bondir son taux de change, pour le voir s’échanger entre 7,75 et 7,80 L.E. ». Le plafond des 8 L.E. pourrait être atteint avant la fin de l’année.
De fait, cette hausse engendrera une série d’autres hausses, notamment les produits alimentaires. « Plus de 70 % de ces produits sont importés, et les importateurs rencontrent d’importantes difficultés à satisfaire leurs besoins en billets verts. Alors, ils ont recours au marché noir, où le cours est plus élevé d’environ 20%. Cette différence s’est immédiatement répercutée sur les prix des produits », annonce Chiha.
Les produits alimentaires ne seront pas les seuls à subir une hausse. « Les voitures et l’électroménager témoigneront également d’une certaine hausse. Les pièces de ces produits importés nous coûteront également plus cher. Pareil pour les médicaments. Aucun produit n’échappera à la hausse », prévient Chérif Al-Zayat, homme d’affaires et membre de l’Union des industries. Il conclut: « L’industrie, et par conséquent les consommateurs, paieront cher la hausse du dollar ».
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