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Privatiser sans le dire

Marwa Hussein, Mardi, 13 mai 2014

Le gouvernement est revenu sur ses promesses de ne plus privatiser les entreprises publiques. Faute de ressources pour les moderniser, il semble acculer à faire ce choix.

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Pour le premier ministre Ibrahim Mahlab, ce n’est pas une question de convictions. L’homme était membre du comité des politiques au sein du PND de Moubarak et croit fort à l’économie de marché. Quelques jours après sa nomination en tant que premier ministre, il a visité la ville industrielle de Mahalla, pour apaiser une grogne ouvrière au sein d’une entreprise publique déficitaire. Il avait promis aux ouvriers qu’il n’y aura plus de privatisation.

Trois mois après, il annonce un plan pour augmenter le capital des entreprises publiques (voir p. 9). Le premier ministre a insisté sur le fait que « le plan du gouvernement comprend l’amélioration de la gestion des fonds publics et de leur efficacité, car les actifs publics appartiennent au peuple ». Pour lui, il est nécessaire de privatiser la gestion des entreprises publiques, pas leur propriété.

Le ministre du Commerce, de l’Industrie et de l’Investissement a lui aussi affirmé que le gouvernement étudie la création d’un fond d’investissement pour gérer les entreprises publiques. Le quotidien Al-Shorouk cite une source qui prévoit la nomination du président actuel du régulateur financier, Chérif Sami, à la tête de ce fonds souverain.

Privatisation déguisée

Pour certains, comme Khaled Ali, candidat à la présidentielle de 2012, il ne s’agit que d’une privatisation déguisée. « Le gouvernement doit plutôt encourager le secteur privé à créer de nouvelles entreprises. La privatisation en soit ne génère ni croissance, ni nouveaux emplois. D’autant plus que le secteur public joue un rôle stratégique en corrigeant les imperfections du marché », dit-il. Ali est également un avocat de renom qui a représenté les ouvriers de plusieurs sociétés privatisées, où il a prouvé la corruption ayant touché les procédures de privatisation.

L’entreprise Le Nil pour l’égrenage du coton a été privatisée en 1997. Quand la Cour a demandé son retour dans le secteur public, il fut impossible d’exécuter le verdict en raison du changement d’actionnaires. Le programme de privatisation, commencé en 1996, regorge d’histoires de corruption. La privatisation n’a amélioré ni la performance, ni la profitabilité, ni a-t-elle permis d’injecter de nouveaux capitaux. Ali estime qu’aujourd’hui, « le gouvernement veut privatiser les entreprises publiques, mais sans prononcer le mot », de peur d’agiter l’opinion publique.

Dans l’autre camp, les défendeurs de la privatisation ne manquent pas de ferveur, notamment en raison du manque de fonds publics nécessaires à la modernisation du secteur. Hani Guéneina, directeur des recherches auprès de la banque d’investissement Pharos, estime qu’il est essentiel d’avoir recours aux investisseurs boursiers. « Les banques commerciales ont atteint le plafond de crédits au gouvernement, avec presque la moitié de leurs portefeuilles. La Banque Centrale a elle aussi lourdement financé le gouvernement au cours des 2 dernières années », ajoute-t-il.

Guéneina propose cependant de privatiser d’abord les performants comme la Banque du Caire, les sociétés pétrolières, Misr pour l’aluminium ou Kima pour les engrais.

Privatiser à travers une augmentation de capital par la vente d’actions en Bourse était une méthode courante sous le gouvernement Nazif (2005-2010). C’était un moyen de contourner la montée des critiques et des accusations de corruption lors des ventes des compagnies publiques à des investisseurs privés.

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