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L’or reste la valeur refuge pour les Egyptiens contre vents et marées

Marwa Hussein , Vendredi, 06 décembre 2024

L’or reste l'abri la plus prisée aux investisseurs en Egypte malgré la fluctuation de ses prix.

L’or contre vents et marées
La baisse actuelle des prix de l’or est une correction temporaire plutôt qu’un repli durable. (Photo : Reuters)

Les égyptiens ont traditionnellement considéré l’or comme une valeur refuge pour préserver leur épargne, notamment en période d’incertitude et d’instabilité économique. Cependant, les récentes fluctuations des prix de l’or sur le marché international ont conduit certains à hésiter ou à retarder leur décision d’achat. D’autres s’interrogent sur la pertinence d’investir dans des actifs alternatifs.

L’élection de Donald Trump aux Etats-Unis a été l’un des facteurs ayant renforcé le dollar et contribué à la baisse des prix de l’or ces dernières semaines. En novembre, le prix de l’or sur le marché international a chuté de 3 %, enregistrant sa plus forte baisse mensuelle depuis 14 mois, en raison de la baisse des taux d’intérêt sur le dollar. Toutefois, selon différents analystes, ces fluctuations sont temporaires.

Cette année, les prix du métal jaune ont progressé d’environ 30 %, soutenus par les achats des Banques Centrales et la politique de la Réserve fédérale américaine (Fed) orientée vers la baisse des taux d’intérêt, selon le site mining.com. « La hausse du dollar à l’échelle mondiale et les politiques qui seront adoptées par Trump ont fait baisser les prix de l’or », explique Assem Mansour, directeur des recherches chez OW Markets, en évoquant les récentes déclarations du président élu à l’égard des BRICS.

Donald Trump a déclaré, le 30 novembre, qu’il exigerait des pays membres des BRICS — la Chine, la Russie et le Brésil, entre autres — qu’ils renoncent à créer une nouvelle monnaie, sous peine de se voir imposer des droits de douane de 100 %. « L’idée selon laquelle les BRICS pourraient s’éloigner du dollar sans conséquences est terminée. Nous exigeons qu’ils s’engagent à ne pas créer de nouvelle monnaie et à ne pas soutenir d’autres devises en remplacement du dollar américain. Sinon, ils feront face à des droits de douane de 100 % et devront dire adieu à la vente sur le marché américain », a déclaré Trump sur Truth Social.

Hanan Ramses, experte des marchés financiers, estime que la baisse des prix de l’or sur le marché mondial s’explique par la baisse des taux d’intérêt aux Etats-Unis et la baisse prévue des conflits. « Trump ne continuera pas à soutenir l’Ukraine, mais il continuera à soutenir Israël tout en cherchant à apaiser les tensions. Cela offrira aux investisseurs d’autres options que l’or, qui ne sera plus la seule valeur refuge », prévoit-elle. Elle mentionne également la hausse spectaculaire du bitcoin, qui a atteint des niveaux record, dépassant les 80 000 dollars. « L’or ne sera pas l’investissement phare à l’échelle mondiale dans un avenir proche, mais de nombreux forums économiques continuent de le considérer comme un placement sûr », ajoute-t-elle.

Les spécificités du marché égyptien

Le marché égyptien de l’or suit les tendances mondiales, mais des facteurs locaux influencent également les prix. Assem Mansour identifie trois facteurs soutenant les prix de l’or en Egypte. Le premier est la différence de taux de change : le marché de l’or (Sagha) applique un taux de change du dollar différent du taux officiel, avec un écart actuel de 50 à 100 points par dollar. Cet écart atténue l’impact des baisses de prix internationales sur le marché local. Le deuxième facteur est celui d’une inflation élevée : avec un taux d’inflation avoisinant les 27 %, la demande locale sur l’or reste forte, dépassant la demande mondiale. Le troisième facteur est la baisse prévue des taux d’intérêt en 2025 qui devrait stimuler la demande sur l’or au détriment des dépôts bancaires.

Hanan Ramses souligne que l’or reste un choix attractif en Egypte malgré les tendances mondiales. « En général, les Egyptiens achètent de l’or pour le conserver et non pour spéculer. L’investissement en or est idéal pour les petits épargnants qui n’ont pas les moyens d’acheter de grandes quantités », explique-t-elle. Aujourd’hui, les consommateurs privilégient l’achat de pièces d’or et de petits lingots plutôt que de bijoux traditionnels.

Assem Mansour prévoit une baisse graduelle mais notable des prix de l’or à l’échelle mondiale. « Je recommande aux gens d’acheter de l’or vers la fin de l’année pour profiter de la baisse des prix, avec l’objectif de le revendre sur le long terme, car d’ici la fin de 2025, les prix devraient repartir à la hausse », conseille-t-il. Il rappelle que la baisse actuelle est une correction temporaire des prix plutôt qu’un repli durable.

La banque d’investissement internationale Goldman Sachs a réitéré ses prévisions d’une hausse des prix de l’or à 3 000 dollars l’once d’ici la fin de l’année prochaine. Les analystes de la banque encouragent les investisseurs à « se tourner vers l’or », classant cet actif parmi leurs principales recommandations pour 2025. Ils citent notamment la baisse des taux d’intérêt de la Fed, les achats soutenus des Banques Centrales et l’entrée en fonction de Trump comme des facteurs favorables. Selon eux, la baisse actuelle offre un « point d’entrée attractif pour acheter de l’or ».

L’alternative des fonds d’investissement

Depuis mai 2023, les Egyptiens ont la possibilité d’investir dans l’or via des fonds d’investissement spécialisés. Ces fonds permettent d’acquérir des certificats représentant une quantité précise de grammes d’or. « Les fonds d’investissement sont plus sensibles aux fluctuations des prix internationaux par rapport à l’achat physique de l’or », explique Mansour. Il illustre ce point en précisant qu’une baisse de 10 % des cours mondiaux entraîne une baisse de 7 % dans les fonds, contre seulement 1 % sur le marché traditionnel. Il recommande aux investisseurs recherchant des rendements élevés, mais acceptant un risque accru, de privilégier ces fonds.

Un autre avantage des fonds est la facilité de vente en ligne, ainsi que l’absence de coûts de fabrication associés à l’achat de bijoux. En outre, les commissions des fonds sont inférieures aux coûts de fabrication des objets en or. Cependant, malgré ces avantages, les Egyptiens continuent de privilégier l’or physique. Mansour souligne que les fonds d’or attirent principalement les investisseurs habitués aux produits financiers dématérialisés. « Mon conseil est de diversifier les placements entre les lingots et les certificats des fonds d’investissement », précise-t-il.

L’investissement en or s’avère souvent plus rentable que le dollar, car les prix de l’or augmentent généralement à un rythme plus rapide. « La baisse actuelle est une correction, pas une tendance de fond. Juste avant cette correction, les prix de l’or et du dollar étaient en hausse, mais l’or a surpassé le dollar, que ce soit en Egypte ou dans le monde. Ceux qui ont acheté de l’or ont enregistré des gains plus élevés que ceux qui ont investi dans le dollar, d’autant que l’inflation aux Etats-Unis, prévue à la hausse sous le mandat de Trump, va éroder le pouvoir d’achat », analyse Mansour.

Il recommande également d’investir dans la Bourse égyptienne, qu’il juge sous-évaluée malgré son ancienneté. Mansour met en avant le secteur du ciment, qui a enregistré des gains de plus de 400 % en un an. « Le secteur des engrais et celui pharmaceutique ont aussi connu des hausses significatives. La leçon à retenir est de diversifier ses placements, d’autant que la Bourse égyptienne devrait bien performer en 2025 grâce à l’agenda économique de Trump, qui pourrait favoriser les marchés émergents, notamment en Egypte, avec laquelle les relations bilatérales ont été fortes lors de son premier mandat », dit-il. Les secteurs à surveiller sont ceux qui génèrent des revenus en dollar via l’exportation. « Toute entreprise dont les revenus sont en dollar constitue un bon investissement, contrairement aux banques, dont les marges devraient se réduire avec la baisse des taux d’intérêt », résume-t-il.

Enfin, l’immobilier reste une valeur sûre en Egypte, bien que la hausse des prix ces dernières années limite son accès aux petits investisseurs, qui se tournent alors vers l’or. « Nous ne prévoyons pas de bulle immobilière. Le marché a encore besoin d’unités, et l’immobilier reste un choix privilégié, ancré dans la culture égyptienne. En plus, les investisseurs étrangers commencent à s’intéresser davantage à ce secteur », note Mansour. Il insiste sur l’importance d’investir plutôt que de simplement épargner dans des comptes bancaires : « Il faut approfondir ses connaissances à l’égard des divers outils d’investissement et ne pas suivre aveuglément les conseils ».

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